La Guinée : 67 ans de souveraineté fiscale ou l’Indépendance fiscale ! ( Par Dr Mamadou Aliou BAH )

Aujourd’hui, c’est le 02 octobre 2025, la République de Guinée a 67 ans d’indépendance fiscale. 67 ans de souveraineté fiscale qui signifie un patriotisme économique d’indépendance. De son histoire, la Guinée relevait selon le découpage colonial au Gouvernement Général de l’Afrique occidentale Française (L’AOF) jusqu’à son ascension à l’indépendance en 1958. L’impôt était décrété, soit par le Gouvernement Général de l’Afrique de l’AOF, soit par l’autonomie de la colonie. Cela s'inscrit dans une tradition Guinéenne assez ancienne : l'aversion du politique pour l'imposition directe des revenus et des patrimoines. Cela conduit donc à recourir à l’histoire des finances publiques de la Guinée, pour trouver de l'argent dans les moments de crise, en l'occurrence les régimes politiques que le pays a connus. De la colonisation en passant par le socialisme du PDG-RDA jusqu’aux régimes militaires, cela ne pose-t-il pas un problème de clarté de la politique fiscale ? Le pacte colonial était un système tacite d'organisation et de mise en valeur de la colonie pour le seul bénéfice de la métropole à travers l'exportation des matières premières brutes exclusivement à la métropole à des prix très bas et l'achat des produits manufacturés de cette même métropole, mais à des prix très élevés. Par conséquent les prix étaient fixés par la métropole et la colonie demeurait sous équilibrés. C'est le régime de la dépendance et de la détérioration des termes de l'échange qui se perpétuent aujourd'hui. L’histoire de l’administration fiscale Guinéenne nous enseigne que le pays a connu l’existence de la direction générale des Contributions Divers en 1958 avant de basculer à l’appellation de Direction Nationale des Impôts (DNI) en juin 1985 et depuis au mois de juin 2021, elle est une Direction Générale de Impôts (DGI). Ces personnalités qui ont marqué cette Direction. Il y’a ce qui se sont distinguées par leurs qualités de changer et de réformer de l’administration fiscale guinéenne. Et, il y’a ce qui sont reste dans le sillage inchangé sans réformer du système fiscal guinéen. Les pionniers de ce système fiscal en vagues de 1958-1985 étaient des personnalités qui sont issues de la colonisation dont l’appellation nommées les Contributions Divers (CD). On les dénommait les Directeurs Généraux et ils sont entre et autre : 1-Condé Sacko (1958-1960), Directeur Général des Contributions Divers. 2- Bademba Barry (1960-1972), Directeur Général des Contributions Divers. 3-Kabinet Dioubate (1968-1972 et 1973-1982), Directeur Général des Contributions Divers. 4- Abdourahama Batchily (1972-1973), Directeur Général des Contributions Divers. 5-Mamadou Oulare (juillet 1982-juin 1985), Directeur Général des Contributions Divers. A partir de 1985, le processus de changement d’appellation se fait remarquer selon les reformes du système fiscal. On rentre dans le vif du modernisme du droit fiscal guinéen. Il s’agit essentiellement après le premier régime de l’indépendance. La deuxième République réclame le changement du système fiscal sur le fond du libéralisme. Ces personnalités sont la deuxième vague de toucher du doigt le droit fiscal avec la privatisation selon le régime politique. Ils sont entre autres : 1)- Antoine Hadjmalis Sylla (juin 1985-juin 1986), Directeur National des Impôts. 2)-Bernard Balla Kamano (juin 1986-Décembre 1990), Directeur National des Impôts. 3)-Sidi Mouctar Dicko (Décembre 1990-1994 et août 1996-février 1999), Directeur National des Impôts. 4)-Mamadi Kaba (Novembre 1994-Août 1996), Directeur National des Impôts. 5)-Mamadouba Sylla (Février 1999-Janvier 2002), Directeur National des Impôts. 6)-Kadiata Mory Camara (janvier 2002-Août 2008), Directeur National des Impôts. 7)-Ibrahima Bodie Balde (Août 2008-Septembre 2010), Directeur National des Impôts. 8)- Ahmed KANTE (Septembre 2010-Mai 2011), Directeur National des Impôts. 9)-Ouo-Ouo Waita MONEMOU (Mai 2011- à 2016), Directeur National des Impôts. 10)- Aboubacar Makissa CAMARA (2016 au 08 décembre 2021), Directeur National des Impôts et ensuite en 2020 Directeur Général des Impôts. 11)- Mory CAMARA, (08 décembre 2021 au 08 Mars 2025). 12)- Fatoumata Fouta DIALLO, (08 Mars 2025 à jours). Ces personnalités méritent d’être citées comme étant les clés de voûter du système fiscal guinéen dont l’arbre généalogique commencent par eux. En fin, la réforme fiscale qu’a connu la Guinée a toujours eu globalement pour objectifs la mobilisation accrue des ressources pour des fins purement et simplement budgétaires : renflouer les caisses de l’Etat devant lui permettre de couvrir les dépenses publiques. C’est dans cette logique qu’un penseur déclara que : « la réforme fiscale s’occupe des répercussions budgétaires et des aspects de justice distributive entre différentes catégories de contribuables ». Certes, d’autres facteurs seraient regardés par les autorités gouvernementales pour asseoir les bases essentielles de l’IR au sens de la justice et de l’équité de cet impôt, mais, pour notre part, le principe cardinal et universel du droit de l’homme et du citoyen en son article 13 stipulant que : « chaque citoyen doit contribuer à l’effort public en fonction de ses facultés contributives » ; alors, nous estimons que ce principe est largement violé dans le contexte contributif guinéen. Evidemment, la tendance politique actuelle des gouvernants des pays d’Afrique économiquement pauvres consiste à appliquer la politique d’attraction territoriale des investissements étrangers au moyen des exonérations abusives des bénéfices et d’autres revenus des entreprises multinationales taxables, acceptant leur implantation dans ces pays hôtes. Mais, il faut avouer qu’une telle stratégie est encore largement lourde de conséquences : favoriser la distorsion économique et provoquer une concurrence fiscale dommageable à l’échelle nationale et internationale. La réforme fiscale en Guinée dans sa totalité et celle de l’imposition sur le revenu dans sa singularité peut être résumée en cinq phases historiquement importantes à savoir : le régime fiscal d’avant 1955 et ce jusqu’en 1958 ; la réforme du régime fiscal de 1958 à 1966 ; la réforme fiscale de 1966 à 1991 ; la réforme fiscale de 1991 à 2004 ; la réforme fiscale de 2004 à nos jours. Cependant, force est de reconnaitre que le poids des endettements extérieurs, d’avec ses contraintes d’intérêts et d’échéances restent intenables. De plus, les conditions difficiles de vie auxquelles le peuple de Guinée est confronté dues essentiellement au manque de gestion saine des richesses nationales en général et des ressources fiscales en particulier sont de nature à classer la Guinée parmi les pays les plus pauvres au monde. Des maux névralgiques qui ont pour noms : pauvreté, maladie, analphabétisme, manque d’eau et d’électricité, dégradation des voies de communication routières et ferroviaires, gabegie, corruption, détournement des deniers publics, laxisme de l’administration publique, inflation galopante, mal gouvernance, chômage, etc. alarment davantage le pays tout entier. Du point de vue des activités réalisées par les secteurs de la vie économique nationale, il est donc digne d’intérêt de cerner les caractéristiques essentielles de chacun d’eux, leur interaction et leur corrélation par rapport à l’enjeu contributif national en matière de fiscalité directe sur le revenu. Le secteur primaire comprenant l’agriculture et l’élevage, est dominé par des méthodes traditionnelles d’exploitation dont le revenu substantiel taxable ou pas, tiré par les paysans cultivateurs et éleveurs nous semble relativement faible. La couche paysanne représentant environ 74,3% de la population totale du pays est analphabète. Les produits issus des récoltes de même que ceux provenant de l’élevage sont subordonnés aux conditions climatiques ou aux variations saisonnières. En Guinée, il y a peu de sociétés d’exploitation agricoles modernes mais qui, fiscalement, n’apportent rien au budget de l’Etat en matière de revenu agricole ; sauf les revenus provenant de la rémunération des employés et des employeurs taxables à la RTS, au VF, à la TA, à la RSRNS, etc. Evidemment, le Code Général des Impôts (CGI) a prévu des dispositions relatives à la taxation des revenus de source agricole, mais sur le terrain, la réalité est toute autre : aucune taxe issue du revenu agricole ne figure dans les ressources budgétaires de l’Etat. Or, le secteur agricole devrait être un des éléments essentiels de l’assiette fiscale en Guinée, un des moteurs clés de développement véritable et durable de notre pays, mais paradoxalement, c’est tout à fait le contraire. Le secteur secondaire quant à lui regroupe des entreprises industrielles (petites, moyennes et grandes) , des entreprises d’exploitation agro-industrielles, telle que la SOGUIPAH ; des entreprises d’exploitation minières telles que la CBG, la SAG, la CBK, etc. dont leur production classe la Guinée au 2ème rang mondial (60% du PIB et 90 % des exportations mondiales); mais ces entreprises ne répondent pas efficacement aux grandes attentes de l’administration fiscale et de l’Etat en matière de ressources taxables en IR et en IS. Car dans la plupart des cas, elles sont régies par des conventions d’établissement balisant des « niches fiscales » dues aux exonérations excessives que leur accorde le gouvernement en place. En définitive, le secteur secondaire guinéen dans son ensemble, ne renferme pas d’industries lourdes ou des « industries de production des moyens de production » comme les économistes aiment à le dire. Le secteur tertiaire, en fin, qui regroupe les entreprises de commerce, de prestations de services (restauration, hôtellerie, transports, banques et assurances etc.) est un véritable foutoir de l’économie nationale ; dans la mesure où de multitudes d’agents économiques s’investissent sous prétexte que c’est dans ce secteur là qu’ils peuvent « se débrouiller » d’autant plus qu’il n’ont pas de moyens suffisants devant leur permettre d’investir dans d’autres secteurs importants de l’économie qui pourraient être réellement porteurs de croissance ou de revenus importants taxables en IR ou en ’IS. Bref, dans ce secteur cohabitent plus largement encore le « secteur informel » et le « secteur moderne ». La cohabitation extrêmement difficile des deux secteurs est à l’origine de plusieurs facteurs qui sont de nature à favoriser l’émergence de la matière imposable surtout au niveau du secteur moderne d’un côté ; et à contrario, de l’autre, elle constitue ‘’un obstacle’’ non négligeable contre l’expansion du secteur informel dont la gestion fiscale est quasiment difficile pour les services fiscaux. En conclusion, peut être avec le projet minier de « Simandou », l’espoir renait ! La Guinée est bien dotée d’importantes ressources naturelles tant du sol que du sous-sol qui, rationnellement exploitées ou utilisées, permettraient à coup sûr de faire sortir le pays de cette misère. De même les ressources humaines y existent mais mal utilisées. De plus, le vent de l’harmonisation des systèmes fiscaux qui souffle sur les Etats d’avec ses redoutables corollaires (suppression des barrières douanières, pertes significatives des droits et taxes perçus au cordon douanier, etc.) dont l’exemple des pays membres de l’Union Européenne en est une illustration parfaite constitue également un signal d’alarme fort et des points focaux de réflexion des autorités gouvernementales des pays en voie de développement. Dr MAMADOU ALIOU BAH, Inspecteur Principal des Impôts

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