La fiscalité de l’immobilier urbain en Guinée et ses conséquences (Par Dr Mamadou Aliou BAH)
Les caractéristiques du prélèvement fiscal ont un impact sur le rendement et l’orientation de l’investissement immobilier. Le patrimoine immobilier urbain (excluant donc le patrimoine immobilier agricole) est évalué à 45 000 milliards GNF. Il se compose d’immeuble d’habitation et d’immeubles à usage professionnel et est détenu pour les deux tiers par les ménages. Ce patrimoine supporte un ensemble d’impositions hétérogènes, périodiques ou occasionnelles, liées à sa détention, sa transmission, ou aux revenus qu’il produit. Le produit total de ces impôts était de 26 000 milliards en 2023, 43 000 milliards en 2024. Cette charge correspond à une pression fiscale de 1,04% en 2023, 1,24% 2024, traduisant une augmentation de 10% en cinq ans. Les impôts ayant le plus augmenté durant cette période sont les impôts sur les transmissions à titre onéreux et gratuit. L’accroissement des seuls droits de mutation à titre onéreux a été de 113%, elle s’explique essentiellement par la croissance du volume des transactions et du prix des biens. Rapportée au PIB, l’imposition de l’immobilier urbain est passée de 2,9% en 2023 à 3,1% en 2024 ; en proportion des prélèvements obligatoires, elle a cru de 6,5% à 7,1%. C’est l’imposition sur la circulation immobilière qui a augmenté le plus rapidement. En tenant compte de la déclinaison des contrats de performance sur la base LFR 2024 dans la mobilisation des recettes fiscales, les efforts de chaque Direction opérationnelle des impôts dans l’atteinte des objectifs de recettes fiscales se présentent comme suit : DEMFI : PREVISIONS = 738 milliards ; REALISATIONS = 288 milliards ; TAUX REALISATION = 39% ; et l’ECART = - 450 milliards. Au regard des normes TADAT (DA1), l’intégrité du registre des contribuables étant le premier domaine d’analyse de la performance de l’outil TADAT, le service de gestion des dossiers immobiliers n’est pas régulièrement assaini du répertoire et à la transmission des défaillants chroniques aux enquêtes afin d’avoir un fichier fiable. Les impôts d’Etat sont prépondérants au sein de l’imposition immobilière mais leur part relative décroît au profit des impôts immobiliers locaux. Ce prélèvement fiscal présente un caractère discontinu, l’imposition annuelle n’en représente que le tiers, les impôts occasionnels plus des deux tiers, et sa perception est faussée par le fait que les redevables varient avec le type d’imposition. Le secteur de l’immobilier est l’un des principaux bénéficiaires des dépenses fiscales. Cinquante mesures fiscales ont été recensées, le montant total des dépenses fiscales correspondantes varie, selon la méthode de calcul retenue, de 32 à 49 milliards. Elles bénéficient à quatre secteurs : l’accession à la propriété, les placements immobiliers, l’épargne logement, l’aide à la construction et aux professions de l’immobiliers. La diversité de ces dépenses, l’incertitude relative à leur montant due à l’ambiguïté de la notion, les difficultés d’apprécier leur efficacité ou leur efficacité ou leur équité, suscitent des controverses sur le partage optimal entre dépenses fiscales immobilières et aides publiques directes. Il semble que la Guinée utilise moins les dérogations fiscales que d’autres pays. Certaines dépenses fiscales illustrent les différentes conceptions possibles du logement et les incohérences qui peuvent en résulter. Si le logement est assimilé à un bien d’investissement ; le revenu en nature dont bénéficié le propriétaire occupant doit être imposé. Les coûts liés à l’acquisition de cet investissement, comme les intérêts d’emprunt, sont normalement déductibles du revenu brut et ne peuvent donc être considérés comme une dépense fiscale. Si le logement est assimilé à un bien de consommation, aucun impôt n’est alors perçu sur le revenu locatif imputé. Mais la combinaison de cette exonération des loyers fictifs avec la déduction fiscale des intérêts d’emprunt reflète une incohérence puisque cette dernière ne se justifie que si le logement est assimilé à un bien d’investissement. Les propriétaires occupants bénéficient alors de deux gains, généralement considérés comme des dépenses fiscales, la non-imposition du revenu imputé et la réduction d’impôt attachée aux intérêts d’emprunts. C’est la situation observée en Guinée, où ces deux dépenses fiscales coexistent : l’exonération des loyers fictifs y est comptabilisée pour un montant de dépense fiscale équivalant à 8,8 milliards de GNF, les allègements d’impôts attachés aux charges du logement (intérêts d’emprunt, frais d’entretien) sont évalués à 11,2 milliards GNF. Les pratiques diffèrent selon les pays. Quand le revenu locatif imputé est imposé, sa sous-évaluation constitue une forme de dépense fiscale. Seuls le Sénégal, la Côte D’Ivoire et le Bénin, ont adopté un traitement fiscal cohérent du logement conçu comme un bien de consommation. Les Conséquences La fiscalité immobilière diminue le rendement des biens immobiliers et oriente les investissements. La rentabilité du placement immobilier est modérée et évolue peu en longue période ; on la situe entre 2,5 et 3% par an. L’écart récent en faveur des valeurs mobilières s’explique par la baisse des taux d’inflation et la hausse des taux d’intérêts réels survenues durant les années 20. La fiscalité contribue à accroitre cet écart. La rentabilité immédiate du placement immobilier est ponctionnée par les principaux impôts qui s’y appliquent : l’impôt sur le revenu, les droits de mutation à titre gratuit et onéreux, l’impôt sur les plus-values. Cet impact dépend des taux d’imposition, de l’importance de l’actif détenu ou transmis, du nombre d’années de détention, de l’évolution de la valeur du bien. Des calculs ont montré qu’avec une succession en ligne directe tous les 25 ans, le rendement réel d’un investissement immobilier dans l’ancien, réalisé par un ménage, est négatif ; il se situe entre -0,2% et -1,5% selon les taux marginaux de l’impôt sur le revenu. Plus que la rationalité économique, d’autres motivations commandent donc cet investissement : attachement à l’investissement dans la terre, protection contre l’inflation, désir de transmettre un bien réel, valorisation sociale de la propriété immobilière, besoin de sécurité. Les conséquences de l’imposition sur la décision d’investir sont donc difficiles à déterminer. Dr MAMADOU ALIOU BAH, Inspecteur Principal des Impôts



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