Guinée : Charles Wright à couteaux tirés avec le barreau…

En Guinée, le ministre de la Justice, Garde des Sceaux est à couteaux tirés avec le Barreau. Sur fond d’échanges épistolaires, Charles Alphonse Wright et le conseil de l’Ordre des avocats de Guinée étalent leurs divergences autour d’une réforme majeure relative à la Loi qui régit le fonctionnement de la profession d’avocat. Le ministre de la Justice a lancé un dernier avertissement à maître Mamadou Diop Souaré par rapport à la non-exécution de ses instructions relatives au projet de révision des textes législatifs et règlementaires réglementant la profession d’avocat en Guinée. Alphonse Charles Wright exige à ce qu’on lui fasse parvenir, dans les meilleurs délais possibles, tout projet de réforme à apporter au texte relatif au fonctionnement de la profession d’avocat. Dans la note citée ci-haut, le ministre Charles Wright dit s’attendre à la « prompte » réaction du barreau de Guinée, au plus tard le 10 août 2023. « Passé ce délai, je ferai entreprendre par les services techniques du Ministère de la justice et des Droits de l’homme la révision de la loi L/2004/014/AN du 26 mai 2004 adoptant et promulguant la loi portant réorganisation de la profession d’avocat en République de Guinée afin de l’adapter au contexte actuel », a averti le Garde des Sceaux. Sauf que cette injonction de monsieur Wright est perçue comme une immixtion dans les affaires du Barreau de Guinée. Le conseil de l’ordre n’entend pas fléchir face aux injonctions du Garde des Sceaux. Une épine de plus sous le pied du ministre de la Justice qui est déjà en froid avec le président de l’Association des Magistrats (AMG). « Le barreau est une institution indépendante qui ne relève pas de l’autorité du ministre de la justice. Et mieux, il (Charles Wright, Ndrl), ne peut pas se préoccuper de la réforme de la loi sur la profession d’avocat étant donné qu’il n’est pas avocat, il ne connaît pas le problème des avocats. Ce sont les avocats eux-mêmes qui connaissent les insuffisances que leur loi peut avoir. Ce sont eux qui connaissent quelles sont des dispositions de la loi 014 qui ont besoin d’une révision éventuelle. Indépendamment de sa volonté de réviser cette loi, depuis plus d’une année déjà nous avons entamé des travaux de révision de cette loi. Nous avons mis sur place une commission là-dessus et qui évolue même beaucoup. Donc lui, il est même en retard par rapport à ce sujet. Le ministre Charles Wright ne peut pas entreprendre la révision de la loi sans les avocats. C’est comme si vous décidez de raser quelqu’un sans son consentement », soutient Me Gabriel Kamano, porte-parole du Barreau de Guinée. Le souci majeur du barreau n’est [même] pas la révision de ladite loi pour le moment, selon notre interlocuteur, puisqu’il ceci est en voie d’être réalisé. Mais la préoccupation se situe au niveau de la subvention due au Barreau pour pouvoir organiser des formations continues. « Comme dans tous barreaux au monde, la formation continue des avocats est une priorité. Nous l’avons imposé à tous les avocats. Chaque avocat doit totaliser chacun 25 heures de formation par an. Le fait pour vous d’être avocat, ne fait pas de vous un avocat réinscrit au tableau chaque année. Chaque année on imprime le tableau des avocats. Il y a des conditions à remplir pour être inscrit au tableau des avocats. Si vous ne remplissez pas ces conditions, vous êtes omis au tableau pour l’année en cours. Donc parmi ces conditions, il y a la formation continue. Et ces 25 heures, il y a des avocats qui sont obligés de payer la formation. Sinon dans beaucoup de pays africains et même en Europe, l’Etat subventionne le barreau. Parce que l’avocat participe au service public de la justice. Aujourd’hui vous ne pouvez pas parler d’une justice indépendante sans les avocats. La preuve est qu’il y a des procédures que vous ne pouvez jamais initier sans un avocat. C’est le cas des procédures criminelles(…) », explique l’avocat. Après sa création en 2005, la loi 014 dont il s’agit a précisé que l’Etat doit subventionner le barreau, soutient Me Kamano. Sauf que, dit-il, cela n’a jamais été fait depuis le régime de feu général Lansana Conté jusqu’à date, aucune présidence ne l’a initié. Les avocats qui composent cette structure expliquent cela par le fait qu’à chaque fois que le barreau prend position sur les questions des droits de l’homme, les différents régimes pensent qu’il est avec l’opposition. Outre la question liée à la subvention, le barreau a interpellé le ministre Alphonse Charles sur la nécessité de bâtir une maison de l’avocat. « Quand vous partez dans d’autres pays, vous voyez la maison de l’avocat, vous avez vraiment honte d’inviter vos confrères étrangers en Guinée. Alors que ces pays, c’est l’Etat qui a construit la maison de l’avocat. Et dans chaque tribunal, il y a des vestiaires pour les avocats. Parce que, un avocat peut être appelé en urgence, mais il n’a pas sa robe avec lui et il n’a pas la possibilité de passer à son cabinet, mais quand-même il y a des vestiaires où il peut trouver deux ou trois robes qu’il peut utiliser », précise Me Kamano. Le barreau n’est pas demandeur de ce que le ministre Charles est en train de faire, tranche le porte-parole du barreau. « Le ministre ne peut rien nous imposer. Nous ne sommes pas des magistrats. Nous ne sommes nullement sous son autorité. Nous exerçons une profession indépendante… », martèle Me Gabriel Kamano. Dossier… Avec africaguinee.com

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