Politique : Mouctar Diallo, président des NFD à Guinéenews: « le bilan du président Alpha Condé est absolument négatif…

Une semaine après son retour au bercail, le président des Nouvelles Forces Démocratiques (NFD) et ancien ministre de l’Élevage, Mouctar Diallo a accordé une interview à Guinéenews© pour parler de l’issue de la tournée qui a conduit la délégation des NFD aux Etas Unis et en Europe.

Dans ce long entretien réalisé à son domicile sis à Dixinn, Mouctar revient non seulement sur les cent jours du président Alpha Condé depuis sa prise de fonction le 21 décembre dernier, de la position de l’opposition sur la reprise du recensement, mais aussi de son bilan à la tête du ministère de l’Élevage. Lisez !

Guinéenews© : Vous rentrez d’une tournée de trois mois aux États Unis, en Afrique et en Europe. Peut-on savoir les motifs de sortir du pays au lendemain de l’investiture du président Alpha Condé ?

Mouctar Diallo : Notre parti NFD, Nouvelles Forces Démocratiques a estimé nécessaire de faire une tournée internationale pour aller à la rencontre des nombreux guinéens vivant à l’extérieur en vue d’échanger avec eux sur la situation de notre pays. Les NFD sont convaincues que la Guinée ne pourra pas se développer en dehors de sa diaspora compte tenu du grand nombre de Guinéens vivant à l’étranger, de la qualité de leur contribution au processus de changement démocratique et de développement socio économique de notre pays. C’est pour cela que nous sommes partis à leur rencontre pour échanger avec eux. Et nous avons noué un partenariat efficace et durable avec eux et mis en place, une synergie de réflexion et d’action pour faire de la Guinée, un pays uni, paisible, démocratique et prospère. C’était aussi une occasion de mettre en place des structures de NFD aux États Unis, en Europe. En même temps, renforcer celles qui existaient déjà.

Guinéenews© : Que peut-on retenir de ces rencontres ?

Mouctar Diallo : Partout où nous sommes passés, les Guinéens dans leur diversité, nous ont accueillis massivement. Beaucoup d’entre eux nous ont invités dans les États où ils vivent que ce soit en Amérique ou en Europe. Malheureusement, pour des contraintes de calendrier, nous n’avons pas pu répondre à leurs invites. Mais ce n’est que partie remise. Par ailleurs, nous avons rencontré deux fois le département d’État américain, l’Union Européenne, la société civile américaine, des institutions et organisations internationales, des sénateurs et lobbyistes américains, des autorités politiques et administratives américaines, belges et françaises (…) Nous avons été invités par le Parlement de New York…Au cours de toutes ces rencontres, nous avons discuté de beaucoup de sujets notamment sur les dernières élections présidentielles, la nécessité de la justice et de réconciliation nationale, la paix, la nécessité de la tenue d’élections législatives libres et crédibles dans les meilleurs délais…La délégation était composée de Madame Sylla Aissata Keita (responsable nationale des femmes de NFD), Etienne Soropogui (vice président du parti) et de moi-même (président du parti). Nous sommes revenus enrichis de leurs suggestions et recommandations, armés de leur engagement et davantage motivés de leurs encouragements et soutiens pour continuer le combat démocratique pour le bonheur de tous les Guinéens.

Guinéenews© : En tant que président des Nouvelles Forces Démocratiques (NFD) et ancien ministre de l’Élevage, quelle lecture faites vous des cent premiers jours d’Alpha Condé à la tête du pays ?

Mouctar Diallo : Le bilan des quatre mois de gestion du gouvernement du président Alpha Condé est absolument négatif dans tous les domaines. Le quotidien des Guinéens est devenu insupportable à cause de la diminution du niveau de vie et la régression du pouvoir d’achat aggravé par l’accroissement de l’inflation. Un sac de riz qui coûtait au maximum deux cent mille francs guinéens (200 000 GNF) se vend aujourd’hui à 300 000 au minimum avec un salaire moyen de cinq cent mille francs guinéens (500 000 FG) pour les salariés.

Du coté social, les guinéens n’ont jamais été aussi divisés à cause de la politique cynique de « diviser pour régner » du Président Alpha Condé. Les Guinéens qui avant, vivaient en harmonie, sont retranchés aujourd’hui dans leurs communautés et se méfient les uns des autres. La gouvernance quant à elle, elle est catastrophique. Elle est pire que la fin du régime de Lansana Conté et de la junte : illisibilité totale de la politique et de la vision du gouvernement, des décrets et contre-décrets, de la cacophonie et confusion des rôles et responsabilités au sommet de l’État, confusion de priorités et passation de marché public de gré à gré dans un contexte normal. Sans ignorer le populisme, la démagogie, les règlements de comptes, le non respect de ses engagements, des arrestations arbitraires et illégales, l’instrumentalisation de la justice, le mépris des Institutions de la République sous l’œil permissif du Premier Président de la Cour Suprême qui doit prendre ses responsabilités… qui nous rappellent les régimes dictatoriaux.

Guinéenews© : Quel a été votre bilan à vous, à la tête du département de l’Élevage ?

Mouctar Diallo : Comme l’ont attesté tous les cadres du département de l’Élevage, mon bilan est très positif. Et ce, malgré les nombreuses contraintes liées au contexte de crise, de transition. Sans oublier le fait que le département était nouveau et était un secteur négligé avec un maigre budget qui tombait à goute goutte et trois mois après ma prise de fonction, en dépit d’un manque de recettes et de projets financés à l’instar des autres ministères, j’ai réussi ce qu’aucun ministre du secteur de l’Élevage n’avait réussi auparavant. En peu de temps et sans moyens, nous avons réussi à obtenir le financement et la construction d’un abattoir et des blocs de boucheries modernes qui respectent les normes d’hygiènes et environnementales, avec toute la chaine industrielle à Dubréka et dans les cinq communes de Conakry.

Nous avons réussi la formation et le positionnement de plusieurs centaines de jeunes et de femmes, l’ameublement complet jusqu’au dernier village de la Guinée du cadre organique, la révision du code de l’élevage et l’élaboration du FIDEL (Fonds interprofessionnel du développement de l’Élevage), l’établissement d’un partenariat efficace et durable avec les partenaires au développement à travers des voyages d’études et de brillantes participations à des rencontres internationales, la campagne nationale d’abattage des chiens et chats errants qui polluaient l’environnement et transmettaient toutes sortes de virus et de microbes aux populations et aux cheptels, notamment la rage, la mise en œuvre des principes de la bonne gouvernance, l’innovation dans la gestion par un management participatif et inclusif, une communication fluide par la distribution des moyens de communication aux différents cadres des préfectures jusqu’à la structure centrale…beaucoup d’autres sentiers étaient ouverts.

Au niveau du gouvernement, je peux dire que le bilan est positif car malgré les hauts et les bas, nous avons réussi à mettre fin à la transition par la tenue des élections conformément aux accords de Ouagadougou. Ainsi nous avons fait éviter à la Guinée l’enlisement de la transition qui pourrait provoquer des crises majeures et occasionner beaucoup de pertes en vies humaines et matériels comme dans d’autres pays.

Guinéenews© : Que pensez-vous alors de la publication par le ministre du Contrôle économique et des audits, Aboubacar Sidiki Koulibaly du rapport des audits mettant en cause certains leaders politiques ?

Mouctar Diallo : Par principe les NFD sont favorables aux audits car tout gestionnaire public doit rendre compte de sa gestion du bien public qui est sacré. C’est pour cela que j’avais dit que je souhaite que ma gestion et celle de tout le gouvernement de transition soient auditées pour que l’opinion sache qui a fait quoi.

Cependant, nous n’accepterons pas que les audits soient un prétexte et un outil de règlement de comptes personnel. Que ceux qui sont au pouvoir utilisent l’État contre leurs adversaires politiques pour des raisons de positionnements et de maintien au pouvoir. Cela est malsain, injuste et inacceptable. Qu’ils tirent un dossier sur des centaines, et faire croire qu’on veut assainir. Nous sommes contre l’injustice cela s’appelle audit calculé. Un audit doit être impersonnel et général qui a un objectif de transparence et non à des fins politiciennes et stratégiques. Il ne doit pas être fait par des politiciens, opportunistes et démagogues mais plutôt par des experts neutres et assermentés. Au-delà des audits, il faut faire un véritable inventaire pour savoir dans le passé qu’est ce qui a été bon, le maintenir ; Ce qui était moins bon, l’améliorer et ce qui a été mauvais, s’en débarrasser. Ainsi, on va éviter de tout mettre à l’eau et de faire un eternel recommencement car tout système a de bons et de mauvais.

Guinéenews© : Le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation Allasane Condé a émis le souhait et la volonté du président de la République de reprendre totalement le recensement pour les prochaines législatives. Dites-nous la position des NFD ?

Mouctar Diallo : C’est encore une fois, la violation flagrante et systématique de la constitution qui prévoit dans son article 159 « qu’il sera procédé aux élections législatives à l’issue d’une période transitoire qui n’excédera pas six mois à compter l’adoption de la présente constitution ». NFD considèrent que ni nouveau recensement, ni une révision de la liste électorale ne sont opportuns dans le contexte de transition actuel. Car, nous sommes toujours dans le processus de transition qui ne finira qu’après la tenue effective des élections législatives. Donc, nous ne comprenons pas que le pouvoir veuille dépenser plus de 20 millions d’Euro dans ce contexte de crise économique pour changer une liste électorale qui a permis d’élire le président Alpha Condé.

Si ce n’est pas de réaliser sa volonté de frauder massivement les législatives en vue d’avoir une majorité écrasante à l’assemblée nationale et faire d’elle non véritable institution républicaine pour l’élaboration de lois efficaces et servir de contre pouvoir, mais une boite à lettre qui lui permettra d’instaurer son système d’autoritaire et dictatorial. Donc NFD considèrent cette décision de nouveau recensement, politicienne et inopportune qui permettra au Président Alpha Condé de tripatouiller le ficher électoral pour des fins de fraude électorale en harmonie avec son discours de Dixinn où il a dit clairement qu’il n’entend pas perdre ces élections sous prétexte que c’est lui qui nomme les gouverneurs, préfets et sous préfets.

Guinéenews©: Nous avons des informations selon lesquelles, les Guinéens vivants aux États Unis vous auraient reproché d’avoir accepté les 500 000 000 GNF que l’ex Premier ministre Jean Marie Doré a octroyé à chacun des membres de son Gouvernement. Avez-vous des commentaires à faire à ce propos ?

Mouctar Diallo : Pas les Guinéens mais certains Guinéens qui n’ont pas compris le sens stratégique et l’objectif de cette mesure d’accompagnement commune à toutes les transitions et qui facilitent la sortie de crise. Au Mali, ce que les acteurs de la Transition ont reçu n’est pas comparable à ce qui nous a été donnés par l’État et non par Jean Marie Doré. Car ces mesures concernent aussi le CNT. Mais, je les comprends car ils doivent être exigeants sur la gouvernance de leur pays et l’estime et la grande confiance qu’ils ont pour nous. Mais, qu’ils n’oublient pas que nous étions dans un contexte particulier dû à la transition.

Guinéenews©: Que répondez-vous à ceux qui disent que l’opposition est muette sur les violations de la constitution et des droits de l’Homme par les nouvelles autorités ?

Mouctar Diallo : Nous avons toujours dénoncé la violation de la constitution et de la loi par les nouvelles autorités qui expriment un mépris total à la loi paradoxalement à l’arrivée au pouvoir d’un opposant historique et de celui qui est appelé Professeur de droit. Les droits humains, les droits et libertés individuels et collectifs sont bafoués par les nouvelles autorités.

Au lieu de clarifier les crimes et massacres de 2006, 2007, 2009 et 2010, le nouveau pouvoir s’aventure sur le même terrain de violation des droits humains et de l’impunité en tuant de simples manifestants qui étaient venus accueillir leur leader. Et pourtant ce droit de cortège a toujours été accordé à l’ancien opposant Alpha Condé au temps de Lansana Conté et du capitaine Dadis Camara qui, nous constatons aujourd’hui, sont plus respectueux de la loi et des Institutions que le Professeur de droit Alpha Condé. C’est incroyable !

Guinéenews©: Est-ce qu’il (président Alpha Condé) vous a quand même tendu la main pour travailler avec lui dans son gouvernement ?

Mouctar Diallo : Lui directement non, mais des gens très proches de lui m’ont demandé si je voulais être au gouvernement. Est ce qu’ils ont été envoyés par lui ou non, je ne sais pas. J’ai répondu clairement que je ne suis pas demandeur et que notre parti souhaite évoluer dans une opposition forte, efficace et constructive pour servir de contre pouvoir en vue d’empêcher l’instauration d’une nouvelle dictature. Car aujourd’hui, la Guinée court le grave risque de perdre ses acquis démocratiques obtenus au prix de luttes et de sacrifices énormes avec des centaines morts notamment en 2006, 2007, 2009, 2010 et récemment en 2011.

Guinéenews©: Votre mot de la fin ?

Mouctar Diallo : Le président Alpha Condé ne semble pas tirer les leçons du passé et ne comprends pas la gouvernance actuelle sur fonds de globalisation et de démocratie. C’est justement ce qui nous inquiète pour le futur. Il ne comprend pas que le système communiste et autoritaire ne peut plus prospérer dans le monde d’aujourd’hui. Même les systèmes autoritaires encrés depuis des décennies et que les moyens de leur politique notamment le pétrole, sont en train de s’écrouler comme des châteaux de cartes à fortiori dans un pays comme la Guinée où l’instinct de liberté, le désir de la liberté, et de la démocratie font que les Guinéens sont prêts à mourir pour qu’il n’y ait plus de dictature en Guinée. Il a intérêt à se montrer comme le chef de l’État et le président de tous les Guinéens. A mettre la balle à terre et à réconcilier les Guinéens en vue de rassurer tout le monde. Il doit également se montre crédible auprès de tous les Guinéens de l’intérieur comme de l’étranger à l’image du président ivoirien Alhassane Ouattara. Qui est en train de bénéficier des centaines de milliers d’Euros des partenaires au développement. Et non chercher des boucs émissaires sur fond de haine en diabolisant et pourchassant les commerçants et cambistes. Cela n’est que poudre aux yeux destinée à nous aveugler sur l’incapacité du gouvernement à prendre en charge des problèmes réels des Guinéens et d’y apporter de véritables solutions.

Nous exigeons que l’opposition soit associée à la réflexion, à la prise de décisions et à leur mise en œuvre dans l’organisation des élections législatives au plus bref délai ainsi nous pourrons reformer la CENI et nous assurer de la transparence du scrutin.

En fin, nous exigeons que lumière soit faite sur les crimes de 2006, 2007, 2009, 2010 et récemment en 2011 c’est ainsi qu’on mettra fin à l’impunité pour que plus jamais ça en Guinée.

Interview réalisée par Hamidou Sow

Hamidou Sow
Conakry, Guinée
224.64.26.12.87

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