Guinée : l’Afrique devrait s’en mêler. Par Jean-Batiste Placca

Après la compassion, la Guinée oscille entre suspicion et angoisse. Au fur et à mesure que s’allonge la listes des arrestations pour ce que le président Alpha Condé lui-même a qualifié de tentative d’assassinat, les nuages s’épaississent dans le ciel de Conakry. « Nos ennemis sont des gens qui veulent développer la haine en Guinée ! Ils n’y arriveront pas ! », s’est écrié un partisan du chef de l’Etat.

Lorsqu’au sein d’un même peuple, certaines composantes voient les autres comme étant des ennemis, on peut estimer qu’il y a, au moins, un abcès à crever. Dans ce pays où la tentation des règlements de compte est souvent grande, les seuls appels au calme du président Condé ne peuvent suffire à contenir la haine bouillonnante des uns et des autres. Et l’Afrique a tort de feindre de l’ignorer.

La pire façon de se voiler la face est de réduire les motivations d’un acte d’une telle gravité à l’amertume de gens aigris, ou qui auraient perdu de juteux avantages ou même des intérêts colossaux.

Faut-il être loin de la Guinée pour entendre les récriminations de ceux des Guinéens qui ont le sentiment d’avoir été doublement vaincus, et qui vivent les actes posés par les nouveaux dirigeants comme un accaparement de l’Etat par le seul pouvoir présidentiel, alors qu’aucune des autres institutions prévues par la Constitution n’a été mise en place ? L’absence de contrepouvoir est souvent le principal danger pour le pouvoir lui-même.

C’est définitivement une erreur que d’avoir commencé par organiser l’élection présidentielle et installé le nouveau chef de l’Etat, le laissant gouverner sans un Parlement issu du suffrage universel, et laissant à sa discrétion la mise en place des autres institutions.

Le spectacle de toutes les forces vives de la nation, défilant devant les caméras pour condamner avec véhémence « cet acte lâche et odieux », en jurant fidélité au « président-professeur », est une pathétique réplique des manifestations « spontanées » d’autrefois, pour soutenir Sékou Touré ou même Lansana Conté.

Venant de la longue lutte d’où il vient, le président Alpha Condé ne peut avoir tout oublié du mépris que lui inspiraient naguère les courtisans des deux dictateurs en chef qui lui ont légué le champ de ruine que voilà !

Certains de ces flatteurs professionnels font d’ailleurs partie de ceux que l’on aperçoit, aujourd’hui, à plat ventre, devant lui. L’un d’eux, implorant les bénédictions divines pour le « miraculé », n’a cessé de l’appeler « Président Lansana Conté », au lieu d’Alpha Condé. La faute, sans doute, à un logiciel périmé.

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