Construisons une Nation civique et un Etat de Droit : La République de Guinée.( Contribution au débat)
En votant massivement NON le 28 Septembre 1958 à la communauté franco africaine lors du
référendum du Général De Gaule, le Peuple de Guinée a opté pour sa liberté et sa souveraineté qui
a été proclamée le 2 Octobre de la même année.
Dans l’Article Premier de la Constitution de la République de Guinée, il est marqué :
« La Guinée est un Etat souverain, une République unitaire, indivisible, laïque,
démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans
distinction d’origine, d’ethnie, de sexe de religion et d’opinion….. »
Par cet article l’Etat guinéen manifeste sa volonté politique de bâtir une Nation Civique
à partir de nos diversités ethnorégionales , culturelles et religieuses. Il a cependant
aujourd’hui une grosse épine dans le pied qu’il va falloir absolument extraire s’il veut
respecter ce premier article de la Constitution ! Cette épine : ce sont les coordinations
régionales.
Le Premier article de notre constitution définit clairement l’idéal du profil d’Etat que les
guinéens souhaitent construire ensemble si tant est que tous les acteurs de la vie politique
soient sincères. Cet idéal est de construire :
- Un Etat Unitaire où tous les citoyens sont soumis à un pouvoir central unique, lequel Etat a
une compétence politique et juridique sur l’ensemble du pays.
-Un Etat laïque qui est indépendant de toute congrégation religieuse , où il ya une
neutralité réciproque des pouvoirs spirituels et civiles, le pouvoir politique étant totalement
indépendant de toute religion.
- Un Etat démocratique où la souveraineté appartient à l’ensemble des citoyens qui
l’exerce soit directement par voie référendaire soit indirectement par les représentants
élus du peuple. Dans l’article 2 de la Constitution il est bien précisé « aucun individu,
aucune fraction du peuple ne peut s’attribuer l’exercice » de cette souveraineté. Dans cet
Etat démocratique ce sont les partis politiques légalement constitués et leurs leaders qui
incarnent la diversité des opinions, dans le débat politique national , non les coordinations
régionales.
Aujourd’hui l’Etat guinéen et la classe politique sont pris en otage essentiellement par les
coordinations régionales et dans une moindre mesure par la ligue islamique. Par l’intrusion
de ces structures dans l’espace politique la volonté et la possibilité pour l’Etat de construire
une République Unitaire, indivisible laïque et démocratique devient quasi impossible dans
le contexte géopolitique de la Guinée. En effet l’existence de quatre régions géographiques
naturelles qui correspondent assez bien aux quatre groupes ethnolinguistiques du pays facilite le repli identitaire , avec l’enclavement de nos villes et régions par l’ absence quasi-
totale d’infrastructures routières dans un pays en faillite économique depuis plusieurs
années. Dans ce pays où l’exode rural vers les centres urbains est massif les populations
sans grandes ressources se regroupent par familles et par clans pour pouvoir facilement
s’entraider. Cette situation géopolitique et socioéconomique fragilise intrinsèquement
notre tissu social dont les coordinations ne favorisent ni l’unité ni la solidité. Comme
l’écrivait déjà en 1997 le Pr Alfa Ibrahima Sow (Paix à son âme) « La tentation ethnique
demeure, pour notre vie politique, la caractéristique la plus frappante et peut-être l’une
des plus étonnante de cette fin de siècle. Poussé à l’extrême l’ethnicisme se développe
librement et dangereusement, on pourrait presque dire dans l’indifférence générale. »
Les coordinations régionales sont les survivances « des regroupements ethniques et
régionalistes qui ont vu le jour dès 1946 suscités ou tolérés par l’administration coloniale :
Union de la Basse Guinée, Union Forestière, Union des Insulaires, Union des Métis , Union du
Mandé, Amicale Gilbert Vieillard pour le Fouta-Djalon. Pr A.I.S»
Le moment est venu pour l’Etat guinéen et pour tous les patriotes de réfléchir afin de faire
des propositions concrètes sur le rôle et la place des coordinations régionales dans notre
pays. En tout état de cause elles ont désormais largement outrepassé leurs prérogatives
dans la vie publique guinéenne. Elles se substituent allègrement aux partis politiques sur
les questions politiques , mais surtout elles ne sont jamais dans une démarche citoyenne
lorsqu’il s’agit des problèmes de la Nation. Par définition et par nature elles sont dans
toujours dans une logique ethnorégionaliste, ne pouvant parler que de leur région et pour
leur ethnie. Il est de plus en plus évident que ces coordinations sont des groupes de
pression sur les partis politiques, sur les pouvoirs publics et les meilleurs moyens de division
de nos populations. Leur existence est antinomique avec la construction un Etat Unitaire,
Indivisible, laïque et démocratique.
Il est grand temps que la classe politique prenne son courage et ses responsabilités pour
engager un véritable dialogue, sincère, ouvert entre eux, Pouvoir et Opposition car le
problème de la Guinée est politique donc la solution ne peut être que politique. C’est
notre responsabilité historique d’engager désormais notre pays dans la voie d’une paix
sociale durable et un développement socio-économique harmonieux pour tous les citoyens
guinéens .
Vive la Guinée unie et prospère.
Dr B. Diakité
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