RFI : Mouctar Bah indésirable pour le président Alpha Condé
CONAKRY:« C'est le serpent que tu as élevé, qui te mordra », dit l'adage africain. Selon nos sources, le président Alpha Condé ne souhaite plus entendre la voix du journaliste Mouctar Bah sur les antennes de la « Radio Mondiale ». Et pour cause ? Notre confrère, qui l'avait pourtant défendu pendant son procès, ne joue plus son ''doundoumba'' ancestral (entendez : ne chante plus ses louanges) comme le fait mécaniquement la RTG. Le président Condé menace d'invalider la carte d'accréditation du correspondant de l'AFP et de RFI en Guinée. Pis encore, il souhaiterait que ce dernier soit affecté dans un pays africain lointain. Et il ne semble pas du tout badiner.
Dans un long appel téléphonique, il l'a dit et redit sur un ton péremptoire à la rédaction de RFI. Ça rappelle autrement Dadis Camara qui avait appelé dix-sept fois la rédaction de Jeune Afrique pour draguer la jolie Cécile Sow. Le président Condé ne cache plus son intention, il en parle souvent à certains invités. Peu avant son voyage au Canada, par exemple, il a longuement évoqué le nom de Mouctar Bah avec le journaliste sénégalais Abdel Latif Coulibaly, l'auteur du livre « L'Alternance piégée ».
Selon d'autres sources, Mouctar Bah n'agace pas que le président Condé. Certains de ses proches et sympathisants ont juré eux aussi de le réduire au silence en Guinée. Ironie du sort, c'est à cause de l'opposant Alpha Condé que, du 24 décembre 1998 au 5 mai 1999, les Kiridi Bangoura et feu Emile Tompapa, ancien président du CNC, avaient injustement invalidé la carte d'accréditation de Mouctar Bah. C'était au lendemain de la présidentielle de 1998, lorsque le candidat Condé avait été mis aux arrêts à Pinet. Les reportages de Mouctar Bah diffusés en boucle du 16 au 23 décembre avaient fortement irrité le pouvoir. Le correspondant de RFI courait un grand risque en restant Guinée.
Aussi l'AFP l'envoya-t-il à Bissau de mars à mai 1999, alors que la Guinée-Bissau était en proie à la guerre entre le général Ansoumane Mané et le président Nino Vieira. Peu après, le président général Lansana Conté dépêcha à Paris son ministre des Finances Kassory Fofana et le directeur de l'ORTG Boubacar Yacine Diallo pour négocier le départ de Mouctar Bah. C'était peine perdue ! L'AFP et RFI leur répondirent que c'était Mouctar Bah et personne d'autre.
Le 7 mai 1999, ce dernier revint en Guinée pour reprendre ses fonctions. Pendant le procès d'Alpha Condé, de septembre à octobre 2000, sa carte d'accréditation ainsi que celles d'Amadou Diallo de la BBC Afrique et de Ben Daouda Sylla d'Africa Numéro 1 furent momentanément retirées. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le régime actuel ne supporte pas la contrariété. Après les ambassadeurs Karl Printz d'Allemagne et Mme Batoura Kane Niang du Sénégal, c'est autour de Mouctar Bah d'être dans son collimateur.
Essoufflé dans ses tentatives d'intimidation, le président Condé veut changer son fusil d'épaule en s'en prenant aux particuliers. Qu'on l'aime ou non, il faut reconnaître le professionnalisme de Mouctar Bah. S'il était partial, RFI, qui a les moyens de recouper autrement ses informations, l'aurait débarqué.
Malheureusement, le président Alpha Condé est incapable de prouver quoi que ce soit contre le correspondant de la « Radio mondiale ». Il a dit à RFI que sa rencontre avec les sages du Foutah a été sciemment omise par celui-ci. Soit ! Mais qu'il sache que Mouctar Bah a aussi ignoré les multiples visites des « sages » de toutes les villes du pays qui ont défilé à la Présidence pour condamner l'attaque du 19 Juillet 2011.
Equilibre de l'information oblige ! Alors où est le crime ? D'ailleurs, est-ce que ces visites peuvent être considérées professionnellement comme des nouvelles dignes d'être annoncées sur la « radio mondiale » ? Elles font certes les choux gras de la RTG , mais elles n'apprennent assurément rien d'intéressant sur la Guinée à l'auditeur camerounais, mauricien ou congolais !
L’Observateur
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