Sortir de l'impasse. Par Nabbie Soumah
La rencontre du 15 novembre dernier initiée par le chef de l'Etat avec des partis politiques (et non avec l'opposition comme prévue initialement) suscite des sentiments divers.
Quatre (4) points majeurs, conditionnalités retiennent mon attention après cet événement majeur de notre vie politique pour sortir la Guinée de l'impasse, de l'ornière, pour consacrer une démocratie viable et raffermir une cohésion sociale qui a été sérieusement altérée lors de la récente élection présidentielle en 2010.
1) Le dialogue est une vertu cardinale
Le dialogue est une vertu cardinale, un antidépresseur social aussi bien au niveau des rapports humains entre simples citoyens, d'une part, qu'au niveau des personnages publics, des rapports entre le pouvoir politique et ses opposants qui sont aussi des citoyens républicains respectables, d'autre part.
Je me réjouis de la rencontre du 15 novembre ; mais ce dialogue est à approfondir et les autorités doivent tenir compte des doléances légitimes de l'opposition incarnée aujourd'hui par le Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition (CPPFT) et l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADP) impulsée par le parti de l'espoir pour le développement national (PEDN) de Lansana Kouyaté.
Notamment sur deux points précis pour en finir avec la trop longue période de transition :
- La libération et la réhabilitation dans leurs droits de toutes les personnes arrêtées suite à la manifestation pacifique du 27 septembre, et non pas au compte- goutte ;
- L'arrêt immédiat des activités de la CENI et de ses démembrements.
La CPPFT et l'ADP viennent de maintenir leurs revendications et de décider de former un "front commun" contre le pouvoir pour les futures élections législatives.
2) La cohésion sociale est un impératif de survie pour toute nation
"Là où deux éléphants se battent c'est l'arbre qui périt". Ce proverbe rwandais n'a pas empêché le génocide rwandais de 1994 qui a fait plus de 800 000 vict imes et altéré le tissu social jusqu'à nos jours.
Toute la classe politique et les intellectuels guinéens doivent s'approprier cet axiome pour assurer la concorde et l'osmose dans notre pays, la Guinée, qui est notre bien le plus précieux, notre point d'ancrage à nous tous quel que soit notre lieu de résidence.
3) Promouvoir la citoyenneté face au péril ethnocentrique et communautariste
Cela passe par :
- La réappropriation de l'Etat par tous les éléments de la nation, et non par un seul groupement humain ;
- L'affranchissement dans l'action publique de toute tutelle familiale, ethnique, villageoise, régionaliste ;
- L'effectivité du principe d'égalité des chances entre tous les citoyens ;
- Le rôle de "redistributeur" équitable et de régulateur social de l'Etat.
4) La vulgarisation et la garantie des principes démocratiques
Pour cela, il faudra assurer certaines valeurs, entre autres :
- La promotion et la garantie de l'Etat de droit ;
- Une véritable réforme des forces de sécurité qui sont les principaux producteurs de violence politique en Guinée depuis des décennies, d'une part, et de surcroit grèvent le budget de l'Etat (30 % selon le chef d'Etat même) au détriment de secteurs- clés telles la justice et l'éducation nationale, d'autre part ;
- La lutte contre l'impunité par une justice indépendante, réparatrice et surtout restauratrice ; c'est le seul gage d'une réconciliation sincère pour exorciser les nombreuses frustrations de bon nombre de nos concitoyens ;
- La liberté de la presse, celle de l'expression et le libre accès aux médias publics de tous les Guinéens ;
- Le droit de manifestation et de cortège reconnu par l'article 10, alinéa 1er, de la constitution du 07 mai 2010 ; il ne doit pas être perçu comme un acte de subversion, ni de déstabilisation à l'encontre du pouvoir en place ;
- Enfin, et surtout, institutionnaliser un véritable statut de l'opposition, à l'instar des autres Etat démocratiques et même de certains Etats africains. Une démocratie ne se juge-t-elle pas à l'aune de ses contre- pouvoirs et de la garantie des libertés individuelles et collectives ?
Le chef de l'Etat actuel a rappelé le 15 novembre que l'opposition, au sein du Forum des forces vives auquel il avait appartenu, avait largement contribué au départ des militaires et à l'avènement d'un Président de la République civil ; et ce, parfois au prix du sang de ses martyrs violés, tués, blessés ou traumatisés à vie.
De ces actes posés, il faut que le chef d'Etat leur en soit gré, reconnaissant ; les alliés d'hier méritent donc davantage de considération même s'ils figurent aujourd'hui dans l'opposition.
En conclusion, je souhaite ardemment que les quatre (4) points majeurs, les conditionnalités que je viens d'évoquer soient pris en compte par les autorités actuelles afin que la Guinée puisse capitaliser ses potentialités naturelles et humaines pour vaincre la pauvreté, pour voir la lumière du bout du tunnel, pour sortir de l'impasse actuelle et, à terme, pour faire de la Guinée un pays émergent profitable à tous ses enfants sans exclusive et au continent africain in extenso.
Que Dieu préserve la Guinée !
Nabbie Ibrahim « Baby » SOUMAH
Juriste et anthropologue guinéen
nabbie_soumah@yahoo.fr
Paris, le 22 novembre 2011
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