Interview: Mme Barry Aïssatou, Administrateur civile et Présidente de l’AGUIAS

Administrateur civil, Mme BARRY Aissatou est Présidente de l’Association Guinéenne de l’Assistance sociale (AGUIAS). Dans cet entretien exclusif et enrichissant, elle parle non seulement de son ONG (naissance, objectifs, activités),mais aussi des questions importantes touchant la réinsertion des personnes défavorisées et vulnérables et la prise en charge de celles qui sont dans la détresse.C’est notamment, le cas des enfants, des femmes et des jeunes filles victimes de violences, d’arbitraires et de viols. Un entretien qui vous coupe le souffle.



Nenehawa.com : A quand remonte la création de votre Association ? Mme BARRY Aissatou : Je commence d’abord par vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vos nombreux lecteurs et lectrices. Notre Association est créée en 1999, et est agréée en 2000. Au départ, nous avons commencé avec 16 femmes et au jour d’aujourd’hui nous sommes plus de 15O en tenant compte de nos représentations à l’intérieur du pays.

Quels sont les objectifs que vous vous êtes assignées en créant cette ONG ? Notre principal objectif, c’est d’assurer la prise en charge psychosociale des personnes en détresse. Cette prise en charge commence par le temps d’écoute pour ne pas dire l’identification avant l’écoute. Ensuite, nous passons à l’assistance sociale pour aboutir à la réinsertion. Cette réinsertion peut être socioprofessionnelle, elle peut être aussi économique, scolaire ou universitaire. Ce qui aboutit à la réintégration sociale et cette réintégration peut être familiale, dans le foyer ou avec les tuteurs ou encore dans les familles d’accueil que nous avons.
Quels sont les groupes cibles de votre action ?
Nos cibles, ce sont les femmes et les enfants ainsi que les jeunes. Mais les cibles privilégiés, ce sont les enfants tout d’abord parce que ce sont les plus vulnérables, ensuite viennent les femmes et les jeunes.

Qu’est-ce qui vous a motivée à créer cette Association ? C’est le cœur ! Les raisons sont purement sociales et humanitaires. Après notre retraite à la fonction publique, le Ministère des Affaires Sociales a voulu des assistantes sociales. A l’époque, nous étions 30 de la hiérarchie A et 40 de la hiérarchie B. et parmi les 30 de la hiérarchie A, je faisais partie.
Pour parler des motifs qui nous ont amenées à créer cette Association, je dirais que ce Corps n’était pas bien connu dans notre pays. Heureusement, aujourd’hui on est entrain de valoriser ce Corps par ce que nous faisons. C’est pourquoi aujourd’hui loin de me flatter je suis l’une des pionnières à promouvoir le Corps de l’Assistanat social en Guinée. Il y avait des anciennes assistantes sociales telles que Madame Sultan et autres qui, finalement, ont fini par abandonner ce Corps pour se retrouver dans celui de Sage femme, d’infirmière, etc.… Tenant compte de l’importance du métier et aussi du cœur que j’ai, de l’attachement que j’ai pour ce métier, alors je me suis dite, après beaucoup de rencontre et étant Point Focal du Ministère des Affaires Sociales, au niveau du Programme National de Lutte contre le Sida (PNLS) à l’époque avant qu’il ne soit Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS), je me suis dit que les assistants sociaux avaient un rôle important à jouer dans notre société. J’avais découvert ce métier parce que j’avais compris qu’il y avait un manque à gagner dans ce cadre-là. Alors j’ai pris contact avec mes collègues. Je leur ai dit : Et si on créait une ONG d’Assistanat Social ? Ce qui fut fait. Après le lancement des activités, on s’est rendu compte qu’il y avait des enfants de rue notamment les enfants mendiants qui étaient prédisposés à la mendicité parce que leurs parents font la mendicité et qui, finalement sont devenus les guides de leurs parents. Nous avons alors décidé de mettre ces enfants à l’école.


Comment cela s’est passé avec les enfants de la rue ?


Pour un départ, nous avons écrit au Gouvernement qui a beaucoup apprécié l’initiative. Et en collaboration avec la FEG-FAW, nous avons réussi à mettre ces enfants à l’école. Au départ, nous avions parlé de 30 enfants, mais quand les fournitures sont arrivées, il y a eu de l’engouement et nous nous sommes retrouvés tout de suite avec 70 enfants quand bien même ce nombre n’était pas prévu. Nous avons donc essayé de les mettre tous à l’école avec un surplus de 40. Cela a été possible grâce aux fonds propres de notre Association à travers les cotisations mensuelles des membres. A l’époque, nous n’étions pas vus, et cette action a fait l’écho. C’est dans ce cadre que nous avons évolué et finalement nous avons été inscrits dans le Programme de l’Unicef. Puis, nous avons réussi à identifier 250 enfants victimes des pires formes de travail, parmi lesquels on devait sélectionner 100 des plus vulnérables. Après identification, nous nous sommes retrouvés avec 304 filles domestiques et vendeuses ambulantes. Les 80 % étaient des domestiques et des petites vendeuses qui étaient toutes victimes d’exploitation, d’abus, de maltraitance. Tous les maux dont souffrent les enfants se retrouvaient en eux. C’est ce qui nous a amenées vers les GBB, en français, VBG (Violences Basées sur le Genre) parce qu’on a compris que ces enfants étaient souvent violés, violentés, maltraités. Donc, nous nous sommes lancés dans ce cadre-là.

En 2004 vous avez reçu le Prix Agathe Iwillinguiyima et récemment avec les Guinéennes vivant aux Etats-Unis, vous avez reçu un Satisfecit de FEMMES COURAGEUSES et un autre en décembre 2011 au Palais du Peuple par le Programme national. Expliquez-nous les raisons..
Le 14 janvier 2004, nous avons bénéficié du Prix Agathe Iwillinguiyima. C’était pour récompenser les efforts que nous fournissons dans le cadre de l’éducation des enfants notamment de la jeune fille. Nous pensons que ce Prix a été un mérite de notre organisation et le coût était 6.000 dollars. Donc, cela nous a encouragées à redoubler d’efforts dans ce que nous faisons.

Après ce Prix, nous avons changé de méthodes parce que les cibles se multipliaient. Et en 2005, après le départ de l’ONG Arc International qui gérait les GBB en Guinée et qui avait une clinique, elle nous a légué cette clinique, grâce à la médiation de l’Unicef, pour la pérennisation de ses actions. Arc International nous a donc légué la clinique avec un numéro de téléphone sur lequel les gens prenaient contact avec nous pour nous expliquer tous les cas de violences ou d’abus dont ils sont victimes, dans la plus grande confidentialité. Ce numéro était un numéro de 8 chiffres et n’était pas gratuit. Avec l’Unicef, nous nous sommes battus pour avoir un numéro court permettant aux gens de nous contacter. Cela n’a pas été facile et c’est là que nous nous sommes retrouvées avec la CODE, c’est-à-dire, la Coalition des Ong de protection des Droits des Enfants en Guinée où nous sommes membres. La CODE a communiqué notre numéro vert à CHI (Child Hilpline International) ou les Lignes d’Assistance Internationale aux enfants dont nous sommes membres aussi. Nous appartenons au Réseau et c’est notre Ligne qui représente la Guinée dans le Réseau international. Après la rencontre de Nairobi au Kenya, CHI a recommandé à tous les pays d’Afrique d’uniformiser le numéro vert pour avoir un numéro de 3 chiffres que les enfants peuvent retenir facilement. Le numéro 116 a été retenu pour toute l’Afrique. A notre retour en Guinée, nous avons pris toute la documentation et nous l’avons envoyée au niveau des décideurs et du gouvernement guinéen à travers le Ministère des Affaires sociales et celui de la Communication. C’est ce qui nous a valu cette décoration le 16 décembre 2011 pour tout ce que nous faisons.


Notre ONG en matière de lutte contre toutes les formes de violences a été l’une des ONG a s’investir dans le cadre de la prise en charge des victimes des violences du 28 septembre que notre pays a connu sous le régime du capitaine Moussa Dadis Camara. Egalement, les ressortissants guinéens basés aux Etats-Unis nous ont décerné le Prix de FEMMES COURAGEUSES. Toutes ces reconnaissances ne font que nous encourager. Au jour d’aujourd’hui, le Gouvernement du Pr Alpha Condé a déjà fait un pas très important malgré cette courte durée au pouvoir, parce qu’à l’instar des autres pays d’Afrique, notre Ligne verte a un siège dans l’enceinte du Jardin 2 Octobre. Aujourd’hui, nous pouvons recevoir dignement les autres collègues et nous pouvons nous vanter pour dire que le siège que nous occupons c’est le gouvernement guinéen qui nous l’a donné.
Vous avez longuement parlé de la prise en charge des enfants. Comment alors se passe la prise en charge au niveau des femmes ?
Si vous avez une Ligne verte, vous la mettez au nom d’une couche vulnérable et notamment les enfants. Cette Ligne verte permet aussi aux femmes de vous appeler et de vous parler des cas de violences dont elles sont victimes et de façon confidentielle. C’est mieux à une femme de parler d’un cas de viol à travers la Ligne verte que d’aller directement dans un Commissariat de Police s’exposer. C’est plus facile pour une femme d’appeler une Ligne verte pour dire ce dont elle a été victime ou abusée par son mari ou par les parents de son mari que de venir directement dans un Commissariat de Police ou à la justice ou encore à l’hôpital.

Avez-vous des cas où des femmes vous ont appelées pour vous dire ce dont elles ont été victimes ?

C’est un flot d’appel que nous recevons chaque fois. Il y a certaines qui disent : mon bébé de 3 ans a été violé et beaucoup d’autres cas de violences. Pour ces genres de cas, nous travaillons avec des partenaires. Nous avons réussi à mettre en place un système de référencement avec une implication de Cellcom Guinée. Je ne peux parler de Cellcom sans lui signifier toute notre reconnaissance pour son appui constant à la Ligne verte. Cette société a favorisé ce référencement entre tous les partenaires en mettant à la disposition de notre organisation 30 numéros et 30 téléphones. J’avoue que toutes les fois que nous avons pensé au changement, si les téléphones ne marchent pas, Cellcom nous donne free. Les communications entre nous sont free ainsi que les téléphones. En plus, elle nous appuie dans nos déplacements, en matière de prise en charge des enfants. C’est énorme ce que Cellcom fait pour nous.
Avez-vous des ONG partenaires avec qui vous travaillez ensemble ?

A travers ces 50 numéros, nous sommes présents à l’intérieur du pays. Nous avons des ONG partenaires sur le terrain que nous appelons les Partenaires opérationnels. Nous avons également remis aux commissariats centraux de Conakry ces numéros et ces téléphones, à l’Escadron mobile, à la Gendarmerie ainsi qu’à certaines ONG telles que Sabou Guinée, ASED, la CONAG et à beaucoup d’ONG. Nous avons aussi donné à notre chère collaboratrice, la médecine légale parce que c’est elle qui nous permet d’attenter en justice les auteurs de ces violences. Autres partenaires, nous avons les organisations d’avocats notamment Les Mêmes Droits pour Tous et les Avocats sans Frontières. Grâce à leur collaboration, nous avons eu 4 cas condamnés, ce qui est très rare parce que si ce n’est pas leur sagacité et leur dévouement, les auteurs seront toujours forts et finalement vous allez les retrouver libres.

Peut-on connaître ces quatre cas condamnés ?Je ne peux pas dire ces 4 cas parce qu’on insiste beaucoup sur la confidentialité dans ce que nous faisons. En dévoilant ces cas, je risque donc de briser cette règle. Ça, je ne pourrais parce que c’est un engagement que j’ai pris. Mais je vous dis simplement qu’il y a 4 cas. Nous avons un conseiller juridique dans notre Organisation qui est Maitre Sidiki Bereté qui ne ménage aucun effort pour que ces femmes victimes de violences puissent bénéficier d’une assistance juridique même sans frais.


Comment la prise en charge se passe au niveau des femmes qui viennent vous parler des violences qu’elles subissent en longueur de jour ?

L’identification se passe à deux niveaux : soit la personne nous contacte directement sur le 116, que ce soit femme, enfant ou jeune ; ou la victime nous est référée par nos partenaires opérationnels : je veux parler de la Police, la Gendarmerie, les Centres de santé, etc. Mais que ce soit ici ou à l’intérieur du pays, une fois que la personne est identifiée, elle est aussitôt prise en charge. Mais cela dépend également de l’état dans lequel elle est identifiée, car il y a des gens qui se trouvent dans des états très graves, d’autres qui veulent se suicider. Alors-là, nous avons un espace sécurisé que nous appelons Maison Sécurisée. C’est là que nous les gardons jusqu’à ce qu’ils reprennent conscience. Aussi, s’il y a des blessures graves ou des viols, nous les référons directement dans les Centres de santé les plus proches et certaines dans les Centres avec qui nous avons un partenariat. Une fois que ces gens sont avec nous, nous cherchons à ce que ces personnes bénéficient de médicaments pour freiner la contamination des maladies sexuellement transmissibles y compris le Vih/Sida, mais aussi prévenir les grossesses non désirées. Les cas de violences que nous recevons sont les viols, même pour les cas de mutilations génitales on nous appelle à travers le 116 pour nous informer. Il y a des agressions sexuelles aussi parce que les cas de viols et agressions sexuelles ou de mutilation génitale sont tous des violences sexuelles, mais il y a une différence entre les deux. On nous appelle aussi pour les cas de violences physiques telles que les coups et blessures volontaires ou involontaires. Ça aussi ce sont des cas de violences.

Mais les cas de violences psychologiques telles que les mariages forcés, les grossesses non désirées, les cas d’injures publiques, de maltraitance verbale, d’abandon de ménage, nous les recevons tous. Il y a des hommes qui quittent le ménage, abandonne leur femme et les enfants. Il y a certaines qui sont chassées parce qu’elles sont veuves, surtout lorsque leurs maris avaient eu à réaliser. Elles sont chassées avec leurs enfants par les parents du mari. Là aussi, nous cherchons à les garder et trouver une médiation jusqu’à ce que la solution soit trouvée. Nous engageons une médiation à l’amiable, mais si ça ne réussit pas, nous passons par les instances juridiques que nous avons citées plus haut pour que ces femmes-là rentrent dans leurs droits.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de ce métier ?Difficultés, il y en a hein ! Mais nous cherchons à les transcender. Premièrement, nous n’avons jamais eu de subvention de la part du gouvernement. C’est une première le fait de donner même le local que nous abritons actuellement. Sinon nous avons toujours été confrontés à des problèmes de ce genre. Par exemple, le paiement des frais de location des locaux abritant le siège de l’ONG. Pour pérenniser nos actions en matière d’abri temporaire, il a fallu que nous bâillions une maison d’un membre de notre organisation qui avait une villa toute entière disponible. C’est cette villa que nous avons louée pour nous permettre de fonctionner. Ça c’est une des difficultés que nous traversons. Deuxièmement, il y a le manque des moyens logistiques au niveau de notre Organisation. Nous avons besoin des motos, des véhicules, du carburant aussi pour la prise en charge, chacun selon ce qu’il peut donner à l’Organisation pour son bon fonctionnement.

Il y a même des grandes dames qui sont victimes de viols ou qui ont rencontré des accidents au cours de cet acte, qui ne voudraient pas être identifiées mais qui voudraient se retrouver dans la Maison Sécurisée, mais il leur faut trouver le minimum, ne ce reste que les papiers hygiéniques, des effets de toilettes mêmes des habits pour que pendant leur séjour elles puissent changer de vêtement. Si nous avons un cas de viol à Yomou par exemple, effectuer le déplacement pour aller là-bas, c’est des problèmes. Troisièmement, il y a un grand manque de moyens financiers parce que nos partenaires financiers sont très limités dans ce domaine.

Lorsque nous faisons un contrat avec un partenaire, il faut attendre 3 autres années avant de renouveler ou en trouver un autre. Or, vous vous êtes connus, il y a toujours un afflux de besoins, il y a toujours de demandes. Donc, il faut que l’offre aussi soit. Le personnel qui est là et qui s’emploie, il faudrait qu’on accorde le strict minimum de prise en charge pour que le travail soit efficace. Et ça, ce n’est pas évident que ce soit à tout moment parce que les pensionnaires qui sont à la Maison Sécurisée doivent manger, avoir un suivi médical et tout. Tout ça vient des poches des membres des Organisations. C’est très difficile mais puisque c’est quelque chose qu’on aime. Des fois on peut se retrouver sans rien pour assurer toujours la prise en charge parce qu’on s’est fixé ça comme objectif. Quatrièmement, au niveau du Service de la médecine légale qui est un Servie autonome, il y a des frais qu’il faut pour établir un certificat médical. Car, il faudrait que cette médecine légale puisse donner un certificat médical pouvant montrer le degré du dégât causé sur la personne. Il y a aussi les frais de communication. Si c’est nous qui sommes en flotte, il n’y a pas de problème, mais s’il faut rappeler la victime pour connaitre le lieu où elle se trouve, ça c’est un problème. Ce sont les difficultés de fonctionnement. Enfin, il y a le fait que les gens ne connaissent même pas ce que c’est une violence. Ils ne sont pas conscience qu’ils sont victimes et les auteurs également n’ont pas conscience qu’ils sont entrain de violenter des personnes.

Des exemples de cas de viol ?


Nous avons eu le cas d’un père de famille qui est chauffeur chez un particulier. Ses deux filles âgées respectivement de 4 à 6 ans ont été violées par son patron. Alors, il prend ses filles pour les envoyer chez nous. Nous avons pris les filles et nous les avons envoyées en médecine légale. Là, toutes les preuves étaient établies qu’elles ont été effectivement violées. Ces filles sont restées dans notre Maison Sécurisée et le lendemain, avec un 500.000 Francs guinéens que le patron donne et garantit l’emploi à son chauffeur, ce dernier se retourne contre nous pour nous dire de lui donner ses filles. Malgré l’insistance de Maitre Bérété de faire venir son patron pour que ce genre de chose ne se répète plus, il a refusé catégoriquement. Néanmoins nous, nous avons pris note parce que les enfants sont des adolescentes, au cas où un jour elles voudront reprendre l’affaire, nous mettrons toute la documentation à leur disposition. Celle qui a 6 ans, je crois qu’elle ne va pas oublier leur drame.
Un autre cas que nous venons de suivre, il s’agit d’un marabout qui viole 3 filles qui revenaient de l’école. Ce jour, à partir de 18 heures le peptide n’avait plus sa valeur et elles n’ont pas pu l’avoir. Nous avons en place un POS, les Procédures opérationnelles standard qui permet de faciliter le référencement. Mais ces filles, ce jour-là, n’ont pas pu bénéficier du peptide. Nous sommes allées prendre la personne dont je tais le nom, mais s’il vous lit, il se reconnaitra – alors, elle nous disait qu’elle était en atelier et à partir de 18 heures le peptide n’avait plus sa valeur.
Je lui ai dit : s’il vous plait, puisque l’atelier se tient dans l’enceinte de votre Service, venez aider ces filles-là. Mais elle a refusé. Alors les pauvres filles se sont mises à prier; c’est tout ce qu’elles pouvaient. Je peux vous donner tant d’exemples. Ça ce sont des difficultés. Et si l’auteur du viol est un homme en uniforme, ça devient encore plus compliqué. Une fille de 15 ans a été violée par un homme en uniforme, mais quand les parents sont venus pour exprimer leur mécontentement, alors les gendarmes ont d’abord envoyé la fille à la médecine légale pour avoir le certificat. Effectivement, il s’est avéré qu’elle a été violée mais les gendarmes disent qu’elle n’était pas vierge. Lorsqu’elle a voulu insister, elle et son papa ont été mis en prison. Mais nous ne sommes pas folles. Ce que nous pouvons, c’est ce que nous faisons. Finalement, nous sommes allés à l’Office de Promotion de Genre Enfant et Femmes (OPROGEF) qui est basée à la Direction de la Police Judiciaire (DPJ) qui a repris le dossier. Ça, c’était pour nous permettre d’avoir une copie du certificat de la médecine légale. Cela nous a permis d’aller jusqu’au bout avec le concours de nos avocats notamment Les Avocats Sans Frontières, et nous avons abouti à un résultat très positif. Mais si nous sommes bien équipés, le temps que ça a mis, on ne pouvait pas être là.

Quelle est votre force dans ce métier ?

Nous avons une équipe qui est très bien disposé et bien formé ici et à l’extérieur du pays notamment Sénégal, Togo, Benin mais aussi au Kenya en technique de prise en charge. Autre force, il y a l’existence d’une ligne verte qui nous permet de détecter les cas. Il y a également la mise en résultat de cette ligne verte pour faciliter le référencement. La couverture géographique est aussi une de nos forces parce que nous sommes présents même à l’intérieur du pays. Nous avons aussi une maison d’accueil que personne n’a chez nous en Guinée. Cette maison d’accueil se trouve à Kenendé situé à 45 Km de la ville de Conakry, pour permettre aux gens d’être à l’abri et toute l’équipe spéciale est là pour s’occuper des gens que nous recevons dans cette maison. Il y a donc un médecin-conseil qui est là-bas, assisté d’une infirmière, des Assistantes sociales.
Quelles perspectives envisagez-vous en vue de toucher la majorité de la population ?
Nous voulons faire une campagne. Comme je l’ai dit, la méconnaissance des violences en Guinée par la population est une réalité. Il faudrait donc que nous fassions une campagne de sensibilisation et d’information sur les différentes formes de violences dont sont victimes les gens de façon quotidienne. A travers cette campagne, nous voulons aussi faire la promotion de notre ligne verte pour que la prise en charge soit effective.

Quel appel lancez-vous aux nouvelles autorités surtout que c’est l’heure du changement, au niveau des institutions qui prônent les droits des enfants et la protection de la femme ?

C’est un cri de cœur que je lance aux nouvelles autorités et aux institutions qui œuvrent pour la promotion des droits de l’enfant et de la femme. Nous remercions tout d’abord le Gouvernement guinéen pour le local qu’il nous a donné. Le président capitaine Moussa Dadis Camara nous avait donné un domaine de 3 hectares pour que nous puissions construire un Centre de réinsertion et de réintégration. Aujourd’hui, on nous a enlevé cela, nous n’avons plus ce terrain. Nous voudrions qu’on soit appuyé fortement, épaulé par le gouvernement. Nous voudrions aussi qu’il y ait des lignes d’assistance aux enfants pour qu’ils soient inscrits dans les programmes et dans les politiques de protection des enfants et de la femme, et même des jeunes aussi. Ça sera très important. Nous sollicitons l’appui personnel de son Excellence le Pr Alpha Condé, Président de la République mais aussi de son épouse. Je dis son épouse parce que je sais que nous avons fait la Jordanie, on est passé par l’Espagne et nous avons fait également New York, les Etats-Unis. Nous avons fait beaucoup de pays et toutes les Lignes d’assistance de ces pays sont appuyées par les Premières Dames. Tout près de chez nous, le Sénégal, la Ligne d’assistance est appuyée par le Gouvernement parce que c’est le Président de la République lui-même en personne, Me Abdoulaye Wade qui a donné un Centre, le Centre Dimbie que tout le monde connait et ce centre comme marraine la Première Dame du Sénégal. Et partout où nous sommes allés, ce pays se fait représenter par sa Première Dame dans les grandes rencontres. Et la 6ème conférence mondiale des lignes d’assistance se tient cette année en Afrique du Sud sous le chapeautage de la Première Dame d’Afrique du Sud. Je souhaiterais que nous soyons accompagnées cette fois-ci par la Première Dame de Guinée. Nous souhaiterions que nous soyons un partenaire incontesté et incontestable de la Fondation de la Première Dame de Guinée.

Et pour conclure cet entretien ?Je demande à toutes les femmes de s’investir dans le cadre de la protection des droits des enfants et des femmes. En le faisant, c’est combattre la pauvreté et assurer une garantie à l’avenir d’un pays. L’avenir d’un pays, ce sont ces enfants. Et ces enfants sont toujours mis au monde par l’intermédiaire d’une personne qui est la femme et qui a la charge de les inculquer l’éducation pour qu’ils deviennent les hommes de demain. Puis ce que le Pr Alpha Condé est un éducateur, je crois qu’avec ce changement toutes les organisations qui œuvrent dans ce cadre pourront bénéficier de son appui sans exception de race, d’ethnie, de sexe en tant que Père de la nation. Tous mes remerciements à Hadja Nantou, ministre d’Etat chargée des Affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance qui s’est beaucoup battue pour que nous ayons ce siège.


Portrait : Qui est Madame BARRY Aïssatou ?
Née en 1959 à Conakry, Madame BARRY Aïssatou est Administrateur Civil, Assistante Sociale de la hiérarchie A et Présidente fondatrice de L’ONG Association Guinéenne d’Assistance Sociale (AGUIAS).
Après ses études Primaires et Secondaire dans la capitale guinéenne sanctionné par l’obtention d’un baccalauréat, elle est orientée à Sonfonia où elle passe son premier cycle avant d’être envoyée à l’Institut des Sciences Agro-Zootechnique de Foulaya (Kindia), ville située à 135 Kms, de 1979-1985. A la fin de sa formation, elle suit des stages dans ce même Institut pour mettre en pratique les connaissances théoriques acquises.
Soucieuse d’apprendre toujours, elle s’inscrit à l’Etablissement de Pigier-Bamako, en République du Mali où elle suit des cours de comptabilité générale de 1987 à 1990. Ce qui l’amène à parfaire ses connaissances à Dakar (au Sénégal) par des stages de formation de 3 ans à l’Ecole nationale des assistants sociaux.
Convaincue d’avoir eu un bagage intellectuel important, elle décide de rentrer au pays pour se mettre à la disposition de l’Administration. Mais les débuts semblent difficiles. Elle fait ses premiers pas dans un super marché, le Super Bobo, à l’époque le plus moderne de la capitale. Là, elle occupe le poste de Chef de Division-Vente. Nous sommes en 1991.
Un an après, elle met ses compétences dans une société de transit dénommée Transco S.A en tant que transitaire, en attendant son recrutement à la Fonction publique. Donc, à partir de 1992, elle commence une longue et enrichissante carrière administrative, d’abord au niveau du Secrétariat d’Etat aux Affaires Sociales, de la Promotion Féminine et de l’Enfance.
De 1999 à 2000, elle occupe le poste de chef de la Section droit de la famille à la Direction nationale pour la promotion sociale (DNPPS) au Département du Ministère des Affaires sociales. Ensuite, elle est Présidente de la Commission nationale de Gestion de crise en Guinée, chargée de la prise en charge psychosociale. Un poste qu’elle va occuper durant la même période conjointement à celui de Secrétaire générale de la coalition des ONG nationales de lutte contre la traite.
Cette double préoccupation va ouvrir à Mme BARRY des nouvelles portes. Car elle sera sollicitée dans les domaines d’assistance pour enfants et au même moment comme Représentante de la Guinée pour le Réseau international des organisations de la société civile ayant des lignes d’assistance sociale, Représentante de la Région de l’Afrique chargée de la formation au Conseil d’Administration de Child Hilpline International (CHI), basé à Amsterdam et Point focal des Affaires sociales au CNSL. Puis, elle devient membre de l’Ong WILLDAF/GUINEE et Présidente fondatrice de la coopérative des femmes teinturières de Guinée.
Pétrie de connaissances et désireuse d’apporter sa contribution au développement socio-économique du pays et à l’émancipation de la femme guinéenne, Mme Barry Aïssatou s’implique dans des actions diverses, participe à la création de l’hyper marché SUPER BOBO, aux journées de réflexions des femmes de la CEDEAO à Novotel sur Thème Central : Femme et développement. Elle anime aussi des formations en rédaction administrative et en Administration générale, en Assistance sociale.
De tous les fronts, elle y est. En 1994, elle est membre du Bureau Exécutif de la commission Nationale des femmes travailleuses secteur Publique et membre du Bureau Exécutif de la commission Nationale des femmes travailleuses de Guinée (CONFETRAG).
En septembre 1994, elle participe à la 5ème conférence régionale sur les femmes organisée à Dakar dans le cadre des préparatifs de la 4ème conférence des femmes à Beging (Chine) à laquelle elle prend part en 1995.
Toujours active, elle effectue en 1996 un stage d’échange d’expérience avec les Assistantes Sociales à Dakar et obtient le diplôme de reconnaissance pour services extraordinaires rendus à la Fédération Africaine pour la promotion des personnes handicapées.
Elle crée un centre d’alphabétisation et de formation des femmes adultes et jeunes filles et participe à l’élaboration du code des personnes et de la famille en République de Guinée, à l’élaboration et à la validation du programme cadre genre et développement de la promotion féminine en qualité d’animatrice et formatrice dans plusieurs domaines notamment en technique de prise en charge des enfants handicapés mentaux, en de prise en charge des femmes et enfants victimes de violence et abus, en technique de prise en charge psychosociale des PVVIH (personnes vivant avec le VIH/SIDA), en counselling et en technique de communication de la prévention et de la transmission du VIH mère et enfant (PTME) et en création et gestion d’une mutuelle de santé, etc.
Aujourd’hui, elle est la Présidente de l’Association guinéenne de l’Assistance sociale (AGUIAS) qui œuvre dans la réinsertion scolaire des enfants mendiants, des victimes d’exploitation domestique, de traite, de violences et des pires formes de travail des enfants en Guinée avec l’appui financier de l’UNICEF.
Pour récompenser ses efforts, des prix et des satisfécits de reconnaissance lui ont été décernés notamment le Prix Agathe Iwillinguiyima 2004 offert par le FEG/FAWE, pour récompenser mes efforts fournis pour l’éducation des filles et femmes en Guinée.


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