Ismaël Sylla Eusobe
Eusobe, tiré de son surnom Eusobio..
Dans notre équipe de quartier, nous commentions, faisions et refaisions la composition du Hafia football club avec la particularité de chaque joueur.
Quand c’était le tour de Ismaël Sylla Eusobio, certains disaient qu’il devait avoir quatre poumons ou un autre qui affirma un jour que Eusobe peut jouer deux matchs de 90mn de suite, bref.
Chacun y allait de son commentaire pour en venir à la conclusion qu’il était infatigable sur un terrain ; le milieu défensif que tout meneur de jeu rêve d’avoir dans la récupération.
Une nuit, je me souviens bien, un copain du foot rencontré sur le chemin de la maison, m’interpella
.Hé Paul, tu as appris la nouvelle ?
. Quelle nouvelle ?
. Eusobe a fui la Guinée, tu n’as pas écouté la radio ?
.Non, c’est ma première nouvelle.
En effet, rentré à la maison, j’ai entendu des commentaires à la radio et ce dont je me souviens est à peu près ceci « des gens qui abandonnent leur pays pour un château en Espagne » ; le lendemain à l’école ce fut la grande causerie sur le sujet
Bien des années plus tard, étudiant à Montpellier, je passais quelques vacances chez ma chère cousine Anna Mathos et un jour en débarquant chez elle, qui je vois à ma grande surprise, Ismaël Sylla Eusobe ; il racontait une histoire et au bout de quelques minutes j’ai compris qu’il parlait de son expulsion en Guinée ; je ne lui avais pas dit que j’étais un fan du Hafia mais je le fixais et écoutais très attentivement son récit à tel point qu’il eu une certaine suspicion et s’adressa à ma cousine :
. Anna, c’est qui ce Monsieur qui n’arrête pas de me regarder ?
. C’est mon cousin.
. Tu sais que je me méfie des guinéens après ce que j’ai eu à Conakry
. Eh toi raconte ton histoire, c’est mon cousin, ne t’inquiètes pas.
Il fini par se relaxer et terminer son histoire.
Lors de mon séjour en Guinée, j’avais appris qu’il y était, donc je voulais aller chez lui pour l’interviewer quand quelqu’un affirma qu’il était allé faire un tour dans son village.
Cherchant à joindre Eusobe pour l’informer de mon projet ; une amie, Mme Sanaba Coné du site africanewsmag, me mis en contact avec sa femme.
J’ai parlé à Eusobe de notre rencontre chez ma cousine et c’est là qu’il m’affirma que si j’étais passé par Ana (je n’y avait pas pensé), il y a bien longtemps que je serai rentré en contact avec lui puisque sa femme est une parente à ma cousine ; que le monde est petit.
De nos sympathiques conversations téléphoniques, je vous raconte brièvement, le parcours de Ismaël Sylla Eusobe.
Né le 28 avril 1952 à Conakry, le jeune Ismaël va tout naturellement taper dans le ballon avec ses amis d’age ; il habite Coléah Cité dans la Commune de Matam ; il intègre l’équipe de son quartier, ensuite l’équipe du 5è arrondissement, du temps de Mamadou Dian, Secrétaire Général ; avec son arrondissement il remportera à plusieurs reprises, la coupe du PDG (Parti Démocratique de Guinée).
En 1972, Eusobe est avec les joueurs du Hafia, mais très jeune à l’époque, il ne sera pas du voyage de Kampala pour la première coupe d’Afrique des Clubs Champions.
En 1973, il est sélectionné dans l’équipe nationale qui affronte le mali et dans la même année, il livre sa première rencontre avec le Hafia à Abidjan, dans la capitale ivoirienne, contre l’ASSEC.
Dès lors, il sera de toutes les campagnes du Hafia ; il formera avec Papa Camara et Mory Koné le trio magique du milieu de terrain ; de ses propres termes « j’étais l’homme à tout faire dans le Hafia ; il y a même un entraîneur qui m’a fait jouer, pendant un temps, comme stoppeur devant Morciré, libéro ; je ne cherchais pas le nom »
Eusobe sera ainsi une pièce maîtresse dans le milieu de cette équipe mythique ; le porteur d’eau selon Mick Mack.
Vers fin 1979, Eusobe quitte la Guinée pour l’Africa Sport dans la capitale ivoirienne et avec sa nouvelle équipe, il parviendra à la finale de la coupe des clubs ; il la perdra malheureusement contre le TP Mazembé du Zaïre ; actuel R.D du Congo.
Entre temps, Maitre Naby, l’entraîneur du Hafia au moment du triplé en 77, avait négocié un match entre l’Africa sport et le Kaloum Star de Conakry ; la décision d’Eusobe est claire « je ne vais pas à Conakry ».
Il y a tractations entre les deux fédérations et voire même entre les deux Chefs d’Etat, bref.
Tous les témoignages apportés ont eu raison d’Eusobe qui accepte d’aller jouer à Conakry et dans l’avion qui transporte les joueurs, Maitre Naby en personne.
ls arrivent à Conakry un vendredi matin et l’après midi, il assiste au stade du 28 septembre, à une rencontre présidé par le Général Toya et Monsieur Seydou Keita à l’époque Ministre de la jeunesse.
Le bruit commence à courir que Eusobe est au stade ; certains n’y croient pas au début et ceux qui le reconnaissent confirment la nouvelle ; les jeunes commencent alors à envahir la tribune.
Eusobe est alors prié de quitter le stade, il sera conduit à l’Ambassade de Cote d’Ivoire, de là, il reçoit l’ordre de quitter la Guinée dans les 24 heures.
Le lendemain, il est embarqué dans Air Sénégal pour Dakar, il y passe la nuit avant de rejoindre Abidjan.
Lui qui a si bien défendu les couleurs de son pays, il y est désormais persona non grata.
Une blessure profonde qui explique sa réticence envers moi chez ma cousine à l’époque ; de ses mots « A Paris, j’étais déçu du football, j’allais courir parfois mais loin du milieu sportif ; c’est à la mort de Sékou Touré que je suis retourné en Guinée ».
Pourquoi son expulsion ? Il déclare « je ne sais pas, personne ne m’a rien dit, ni poser de question ; c’est la première fois que l’on me pose la question ».
A l’époque du président Lansana Conté, le gouvernement guinéen offre de l’argent et des terrains au Hafia ; Eusobe, ne reçoit pas sa part de gâteau ; c’est de là que naît sa conviction qu’il est l’oublié du football guinéen.
Il fut content de mon appel et déclara « enfin la reconnaissance, j’attendais cela ».
Je tiens à remercier Mme Sanaba Coné pour le contact et pour sa disponibilité pour toutes les bonnes causes guinéennes.
Mes remerciements à Madame Eusobe pour sa sympathie et son apport ; elle est la bibliothèque de son mari ; elle était là, pour soit donner la bonne date ou relater les passages oubliés dans le parcours ; comme dit l’adage « derrière tout grand homme, il y a une grande Dame ».
Aux enfants d’Eusobe, qui ont du mal à croire que leur père fut un footballeur ; je les conseille de consulter les amoureux du foot guinéen, pour savoir que leur père fut l’un des meilleurs, sinon le meilleur milieu récupérateur de l’histoire du ballon rond guinéen.
A Ismaël Sylla Eusobe, j’aimerais exprimer toute mon admiration et lui conseiller d’enlever dans sa tête, une fois pour toute, qu’il est l’oublié du foot guinéen.
Il y a certes, eu des mésaventures mais les supporteurs guinéens qui t’ont connu, ne t’oublieront jamais; tu t’en apercevras le jour de la remise de ta médaille.
La famille d’Eusobe est prête à tout faire pour qu’il fasse le voyage Paris - Conakry à cet effet ; comme tous les autres sont déjà sur place ; nous trouvons un peu injuste qu’il se paye le billet ; alors nous avons décidé de lancer une campagne de cotisation en Europe pour sponsoriser le billet de notre héro.
C’est notre compatriote sportif (il participa à deux reprises aux jeux olympiques), Monsieur Ousmane Diallo qui est chargé de la collecte.
Pour le joindre : odiallo@odiallo.com
NB : vidéo du Hafia avec une légère touche pour y mettre la photo d’Eusobe. http://www.youtube.com/watch?v=bgnTnBv04mE
Paul Théa
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