Sénégal: Abdou Diouf sourd et muet. Par Sabine Cessou
L’ancien président du Sénégal, Abdou Diouf, 76 ans, refuse de commenter la crise que traverse son pays, malgré les appels qui lui sont lancés depuis Dakar. Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) depuis 2002, il s’est contenté de dire qu’il «prie» pour le Sénégal. Pas question de prendre parti, pour ou contre la candidature d’Abdoulaye Wade, son successeur et aîné, âgé de 85 ans, pour un troisième mandat contesté. Abdou Diouf n’a aucune intention de sortir de son mutisme sur les problèmes de son pays. Un silence qu’il avait annoncé en quittant le pouvoir en 2000, et sur lequel il ne veut pas revenir. Après vingt ans à la présidence, le successeur désigné de Léopold Sédar Senghor avait cédé la place à Abdoulaye Wade et aussitôt plié bagage pour la France, avec sa femme Elisabeth.
Abdou Diouf n’a jamais été un grand bavard. Mais son silence sur la situation actuelle au Sénégal est interprété au mieux comme un manque de responsabilité, au pire comme un soutien tacite à Wade. Au moment de la crise politique ivoirienne, il s’était montré nettement plus locace, s’exprimant à plusieurs reprises. Il avait appelé dès le 5 décembre Laurent Gbagbo et tous les acteurs politiques ivoiriens à reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, annoncée par la Commission électorale indépendante (CEI) et certifiée par les Nations unies
Quelques jours plus tard, le 16 décembre 2010, il n’avait pas mâché ses mots, dénonçant comme une «forfaiture» les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire, favorables à Laurent Gbagbo. Il avait par ailleurs taxé les officiers fidèles à Gbagbo de «généraux félons». Le 14 mars 2011, interrogé par TV5, RFI et Le Monde, il se distinguait encore par son franc-parler et un discours très différent de son habituelle langue de bois: il plaidait alors pour le « devoir d’ingérence » international en Côte d’Ivoire, estimant que la guerre civile menaçait et que la population de ce pays n’était plus protégée par ses autorités. Au lendemain de l’arrestation de Laurent Gbagbo, le 12 avril 2011, il s’exprimait encore, par voie de communiqué de l’OIF, pour appeler les Ivoiriens à «se retrouver, dans un esprit de réconciliation, d’unité et de pardon, pour bâtir ensemble une société d’avenir».
Plus récemment, le 20 janvier dernier, Abdou Diouf a pris position sur la situation politique en République démocratique du Congo (RDC): «Le peuple congolais qui s’est largement déplacé pour voter attend beaucoup de ces élections et aspire à un progrès significatif de la démocratie et du respect des droits et des libertés. Il ne faut pas décevoir ces aspirations légitimes.» Du coup, bien des Sénégalais aspirent non moins légitimement à une intervention de leur ancien président sur les problèmes qui les concernent: la candidature d’Abdoulaye Wade et les troubles électoraux qui menacent le pays.
SlateAfrique
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