Moussa Dadis Camara : “Je vis bien à Ouaga”


La fougue martiale s’est quelque peu estompée, même si affleure de temps en temps le côté volubile du jeune capitaine. Depuis le 12 janvier 2010 à 22 h 30, où son avion s’est posé à l’aéroport de Ouagadougou en provenance de Rabat, où il suivait des soins intensifs depuis le 4 décembre 2009, Moussa Dadis Camara, l’ex-homme fort de Guinée, vit désormais à la Villa des Hôtes de Ouaga 2000. Ses déclarations publiques sont plutôt rares.
C’est donc, si on peut dire, une grande première que l’ancien président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) accepte de se confier à un journal de la place. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il évoque les conditions du coup d’Etat de décembre 2008, ses rapports avec son successeur, le général Sékouba Konaté, et les présidents Alpha Condé et Blaise Compaoré ainsi que bien sûr sa vie à Ouagadougou.




Excellence Moussa Dadis Camara, la première fois que nous vous avons rencontré, c’était le 11 janvier 2009 au camp Alpha Yaya à Conakry. Depuis ce temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts...

• Le passé, c’est le passé...

Le 22 décembre 2008, le président Lansana Conté meurt de maladie à 18 h. Vous en êtes informé vers 22 h, et dans la foulée, vous vous emparez avec des frères d’armes du pouvoir suprême. Etiez-vous préparé à cette charge ?

• En toute sincérité, je n’avais jamais pensé à être au pouvoir. Depuis l’université jusqu’à mon incorporation dans l’armée, cette idée ne m’avait jamais effleuré l’esprit. Je faisais partie de ces contingents que feu le président Lansana Conté avait décidé de recruter pour préparer la relève dans l’armée guinéenne. En fait, à l’époque, j’avais fait aussi des tests dans des banques telles la BICIGI, la Société générale, et je devais travailler dans l’une de ces institutions... Mais le destin en a décidé autrement.


Vous avez été incorporé en 1990, période où les coups d’Etat étaient légion en Afrique. N’avez-vous pas pensé au pouvoir à ce moment ?

• Non. C’est pour cela que je parle de destin, car, avec ma spécialisation en économie et finances, j’étais préparé à travailler dans ces domaines et pas ailleurs. La preuve en est que la plupart de mes “promotionnaires” bossent dans des banques. D’ailleurs, pour la petite histoire, lorsque j’ai pris le pouvoir, j’ai nommé un ami “promotionnaire” à la Banque centrale de Guinée ; un garçon qui était brillant ; donc quand j’entrais dans l’armée, je ne pensais pas au pouvoir ; c’est le destin qui m’y a conduit.

A quel moment vous êtes-vous intéressé à la chose politique ?

• Après ma formation en Allemagne. Quand j’en suis revenu, j’ai été muté dans un contingent en Sierra Leone, et c’est à partir de là que j’ai eu de la promotion et suis revenu en Guinée. J’ai commencé à travailler à l’Intendance militaire, et compte tenu de mon caractère et de ma générosité, déjà en 2001, j’étais populaire au sein de la troupe. En 2003, j’ai opté d’aller à la formation de parachutiste-commando et de capitainerie. C’est à partir de ce moment que je me suis dit que si je maintenais ce comportement, que si je restais correct, sincère envers moi-même et les autres, je pourrais être “quelqu’un demain” ; c’est dire que la loyauté que j’avais pour le président Lansana Conté plus ma réputation au sein de l’armée faisaient que j’étais prédisposé à ce moment-là à jouer les premiers rôles en cas de vacance du pouvoir. Mais à l’époque, j’avais juré de protéger le président Lansana Conté.

Pour tout vous dire, à l’époque, j’ai eu trois occasions de déposer le président en place. A chaque fois, des hommes sont venus me dire de prendre le pouvoir, et j’ai dit non. J’étais l’un des rares hommes qui, lors des mutineries, pouvaient s’arrêter devant les mutins et leur demander de retourner dans les casernes. En 2004, je suis revenu de ma formation, et j’ai été conforté dans ma conviction qu’après le “Vieux”, je pouvais avoir un destin national.

Pourquoi en 2004, vous avez pensé au pouvoir suprême ?

J’y ai pensé parce que j’avais la réputation dont je jouissais au sein des forces armées. J’avais du monde derrière moi, à commencer par les parachutistes, les blindés, la gendarmerie, et c’est là que mes relations avec le colonel Mathurin (NDLR : un ami qui est resté fidèle) se sont raffermies. A l’époque, il était de ceux qui, lorsqu’on disait que je voulais faire un coup d’Etat, affirmaient le contraire.
C’est en 2006, lors de la dernière mutinerie sous Lansana Conté, que j’ai su que je pouvais jouer ce premier rôle : ce jour-là, lorsque les militaires ont envahi le camp Samory- Touré, ils m’ont dit de prendre le pouvoir, mais j’ai répondu : quel pouvoir ? Je n’étais pas d’accord pour prendre le pouvoir sur le dos du “Vieux”, malade, et à l’époque, il risquait d’y avoir un bain de sang, je le savais. Tant que le président Conté était là, je n’allais rien faire.

A quoi est due votre popularité au sein de l’armée ? Au fait qu’étant dans les hydrocarbures, vous distribuiez bons d’essence et argent ?

• Non. Ce n’est pas simplement par le matériel qu’on gagne la confiance de la troupe. Ce n’est pas cela qui fait la force d’un homme au sein d’une armée. L’armée est un monde à part. On peut avoir les moyens, mais si on n’est pas sincère, modeste avec les hommes, c’est zéro. Car si les hommes se rendent compte qu’il y a un autre homme plus sincère, c’est à cet homme qu’ils en référeront. Ce n’est pas forcément l’argent ou le poste qui font la popularité dans une armée, mais le caractère.
Parce que cette armée guinéenne avait compris que j’étais sincère, attentif à la formation et aux conditions de vie de la troupe.


J’ai abandonné le poste dont vous faites cas, qui me conférait beaucoup d’avantages pour aller en formation. Les militaires ont compris que je n’étais pas guidé par le matériel. J’ai donc perdu ce poste. Pourquoi je suis resté toujours populaire ? Parce que j’étais un homme de conviction. Beaucoup dans l’armée voulaient que je revienne à ce poste, dans les hydrocarbures, mais j’ai refusé. J’étais déjà muté à l’état-major. Mais j’avais déjà marqué la troupe, elle m’a aimé.


C’est donc pour cela que, lorsque le général Lansana Conté est décédé, la troupe s’est tournée vers moi. Je peux même vous dire que, de son vivant, le président Conté disait qu’après lui, s’il y a quelqu’un pour le remplacer, c’est bien le capitaine Dadis Camara. Et les hommes proches de lui m’ont rapporté ses propos.
Remarquez que lorsque le général Conté est mort, je me suis préparé et je suis allé au camp Alpha Yaya. Ce n’était pas sans risques, car il y avait des commandants, des colonels, des généraux, et moi, petit capitaine, osais aller au camp pour prendre le pouvoir. En l’espace de quelque temps, j’ai diffusé un communiqué sur la Radio télé guinéenne. C’est parce que j’étais sûr de moi, et surtout de la troupe.

Comment les choses se sont passées au camp Alpha Yaya dès la mort de Lansana Conté connue ?

• Je suis allé au camp, et face aux hommes, j’ai ordonné qu’on fasse un communiqué. Tout le monde a adhéré à cette idée. A ce moment, le général Sékouba Konaté n’était pas présent.

Qui dirigeait les opérations à ce moment précis ?

• C’était moi. Il faut que les gens sachent que si vous n’êtes pas souvent devant une opération militaire, vous ne pouvez pas vous imposer. A l’époque, le général Sékouba Konaté ne voulait pas, idem pour le général Toto Camara. C’est mon audace qui a prévalu.

L’histoire veut que ce soit le lieutenant (à l’époque) Claude Pivi, dit “Coplan”, qui vous ait imposé en affirmant que c’est Dadis qui sera le patron du CNDD et que quiconque s’y opposerait serait abattu. Vrai ou faux ?

• C’est exact. C’est parce qu’on a constaté la position ambiguë de certaines personnes, qui n’avaient pas travaillé comme moi, mais qui voulaient aussi de ce pouvoir que “Pivi” a proféré cette menace. Sékouba n’était pas dans la capitale. Il était à Macenta. Et si quelqu’un effectivement avait tenté quoi que ce soit contre moi, c’eût été le feu.

Quelle fut la réaction du général Sékouba Konaté ?

• Il était hésitant. En matière de pouvoir militaire, il y a le rapport de forces. Je vous le dis en toute sincérité. Face à un adversaire, si vous vous rendez compte qu’en matière de force de frappe, il est plus puissant que vous, vous allez réfléchir par 2 fois avant de l’attaquer. Le rapport de forces ce jour-là était en ma faveur : j’avais tous les parachutistes commandos de Kindia, les Rangers de Sorankonia et de Kankan, et tout le camp de Faranya, les blindés, l’infanterie ; même la gendarmerie sans compter le Bataillon du quartier général (BQG). Mes forces étaient telles que Sékouba ne pouvait rien tenter contre moi. Sékouba a été très intelligent et ne s’est pas opposé frontalement à moi.

Certaines versions font croire qu’au temps chaud du CNDD, Sékouba était tenté souvent de vous arrêter, vous et le lieutenant Pivi. Qu’en est-il exactement ?

• Bien sûr, c’est vrai. Il faut se dire la vérité, c’était son intention, mais j’ai parlé tantôt de rapport de forces. Sékouba a été intelligent, car à l’époque, s’il avait tenté quoi que ce soit contre moi, il en serait sorti perdant parce que sa force de frappe se résumait à une petite section basée à Macenta. Quand il est venu au camp et qu’il a constaté les forces qui m’étaient favorables, il s’est ravisé. Donc après, il a tissé des relations avec moi, et cela a continué. Mais il savait que j’ai su qu’il était venu au début avec des intentions. Après, nous sommes devenus des amis, car le jour de la mort du président Lansana Conté, Sékouba a été l’un de ceux qui m’ont manqué au téléphone, et je l’ai rappelé ensuite. De même que le général Toto Camara.
J’ai fait de même avec le colonel Mathurin, et j’ai dit à ce dernier que c’était le jour “J”. C’est le pouvoir ou la mort, parce que si je ne prenais pas le pouvoir, c’était la mort assurée pour moi.

Bien plus tard, le général Sékouba Konaté est devenu à son tour très populaire dans l’armée comme on le verra quand il a assuré l’intérim présidentiel. Est-ce que quelque part vous n’y avez pas contribué en le présentant en public comme votre alter ego, et en l’associant à toutes vos décisions ?

• Vous savez, cela est dû à mon caractère et à mon éducation. Je ne sais pas être malhonnête. Mes amitiés sont sincères. Et avec le général Sékouba Konaté, nous étions devenus des amis. Un homme qui était venu avec de mauvaises intentions, qui n’a pas pu les mettre à exécution et qui s’est rangé ensuite derrière vous, mérite confiance. D’où ce comportement envers le général Sékouba Konaté. J’ai voulu être sincère dans mes rapports avec lui. J’ai été aussi reconnaissant envers lui, car après, on s’est coalisé et on a fait beaucoup de choses ensemble. Si par exemple au moment où j’avais décidé de faire le communiqué portant sur la naissance du CNDD, il s’était opposé, nos relations auraient été autres.

Si c’était à refaire, auriez-vous fait ce que vous avez fait ?

• L’histoire ne se répète pas. Le passé, c’est le passé, comme je l’ai déjà dit. Moi, quand j’ai confiance, j’ai confiance. Aujourd’hui, avec le processus qui se déroule dans mon pays, j’apporte mon soutien au président Alpha Condé.
Je ne sais pas faire des zigzags. C’est ce que j’ai fait avec le général Lansana Conté. C’est ce qui m’a permis de prendre le pouvoir, sinon je n’étais pas l’officier le mieux formé ni le plus intelligent. Rien ne se répète, rien n’est identique dans la vie. Je ne regrette rien.

Au départ, vous aviez affirmé que vous ne resteriez pas au pouvoir, que vous êtiez venu mettre de l’ordre pour vous en aller après. Puis un jour, lors d’une adresse à Boulbinet, vous avez laissé croire que vous alliez être candidat. N’est-ce pas ce jour-là que les choses ont commencé véritablement à se gâter ?

• J’ai laissé entrevoir cela à Boulbinet, lorsque j’ai échangé avec les jeunes qui m’invitaient à me présenter à la présidentielle. Mais je ne leur ai pas dit oui, je ne leur ai pas dit non. Je voulais surtout inviter les leaders politiques à mettre de l’eau dans leur vin. Je voulais leur dire qu’ils doivent tenir compte du fait que j’ai pris le pouvoir sans effusion de sang et que je les appelle à s’organiser pour reprendre le pays en main. Je n’avais jamais dit que je voulais être candidat ; c’était des jeunes qui m’y poussaient et qui faisaient du tapage. Pourquoi certains leaders politiques s’attaquaient-ils à moi ? Donc à Boulbinet, j’ai dit que s’ils continuaient à m’acculer, je pourrais ôter la tenue et me porter candidat.

Les leaders politiques ont eu l’impression que vous vouliez les mettre au pas. Le 1er janvier 2009, le domicile de Cellou Dalein Diallo de l’UFDG a été perquisitionné. Il vous avait accusé, à l’époque, d’en être l’instigateur.

• Je n’ai jamais ordonné de fouiller le domicile de Dalein. Si vous lui posez la question aujourd’hui, il vous le confirmera. Dalein a compris après. Il est toujours vivant, il peut en témoigner. Je le protégeais au contraire, mais dans une situation comme la nôtre, il y a des brebis galeuses. L’indiscipline battait son plein dans l’armée, et même à présent, cela n’a pas totalement disparu. Vous savez qu’il y avait des gens qui s’habillaient en tenue militaire pour aller attaquer des domiciles d’honnêtes citoyens.
Est-ce que si cela se passait maintenant, le président Alpha Condé pourrait être au courant de tout ? Il a beau être président, il ne peut pas tout maîtriser.

Le 26 septembre 2009, vous laissiez subodorer que vous pourrez être candidat à Labé, et, le 28 septembre, c’est l’horreur au stade éponyme. Que s’est-il passé au juste ce jour-là ?

• Je sais que les gens m’accusent de cette tragédie, parce que j’étais le président de la République et commandant en chef des forces armées. Sur le plan moral, cela se comprend. Imaginez que dans une famille, certains enfants sortent et vont agresser une autre famille. Est-ce le père de famille qui a ordonné d’aller commettre de tels actes ? Je fais cette comparaison, car ici, effectivement, en tant que chef de l’Etat, j’étais le patron de ces forces armées, je n’ai jamais ordonné d’aller massacrer des citoyens. Très sincèrement, entre Dieu et moi, lorsque j’ai appris ces massacres, je suis rentré chez moi, effondré. Je voulais même aller au stade du 28-Septembre, mais des collaborateurs m’en ont dissuadé. Je suis resté cloîtré dans ma maison, et j’ai versé des larmes. J’ai compris que la situation était grave. J’étais boulversé.

Sidya Touré, l’un des leaders des Forces vives de Guinée, soutient que vous l’avez appelé vers 1 heure du matin pour exiger le report de la manifestation au 29 septembre ; ce qui était impossible, car on était à quelques heures de l’événement. Vous confirmez cela ?

• Oui, j’ai effectivement appelé Sidya Touré. On a échangé, et il m’a dit que le report était impossible. Je n’ai rien pu dire, et il a coupé son portable. En fait, je n’ai pas pu lui parler. C’est vers 11 heures ou 12 heures que j’ai été informé que la manifestation avait tourné au drame. Cela m’a sonné comme je vous l’ai dit. J’ai pensé à une trahison.

Actuellement, des investigations judiciaires ont été menées et certains de vos proches tel le colonel Tiégboro Camara ont été épinglés par la CPI. Avec le recul, êtes-vous d’accord que certains de vos proches collaborateurs ont été mêlés à ce massacre à huis clos ?

• C’est à mes proches de répondre à cette question. Ce que je sais, c’est que ce n’est pas moi. Je n’accuse personne non plus. Mais si un jour, quelqu’un se reconnaît responsable de ce massacre, cela ne peut venir que de lui.

Vous n’avez pas eu à ordonner d’aller mater les manifestants au stade ?

• Non. Je n’ai pas donné cet ordre. Donc de nos jours, je ne peux ni incriminer quelqu’un ni douter de la sincérité de mes collaborateurs. Si je le fais, je ne serais pas sincère. Moi, je sais que je n’ai pas donné cet ordre. Si je dis le contraire, je ne serais pas sincère. J’ai été mis devant le fait accompli.

Une commission d’enquête a été mise en place, l’opposition s’est endurcie à l’époque, et finalement le 3 décembre 2009, vous avez été victime d’un attentat de la part de Toumba Diakité. Vous parlez de lui comme de “celui qui vous a trahi”.
Aujourd’hui, vous dites qu’il faut que les Guinéens apportent leur soutien à Alpha Condé. Pourquoi ?


• Je le répète : je ne sais pas louvoyer. Quand je suis avec une personne, je le reste. Quand j’ai vu le programme du président Alpha Condé, j’ai trouvé que c’était un bon programme pour sortir la Guinée de l’ornière. Ce n’est pas que le président Alpha Condé m’y ait financièrement intéressé, mais qu’il est celui qui peut aujourd’hui faire avancer le pays. Lorsque j’étais au pouvoir, je peux vous dire qu’Alpha Condé était l’opposant avec qui je m’entendais le moins. Pourquoi aujourd’hui je lui apporte mon soutien ? C’est parce que, de tous les programmes, c’est le sien qui me convient.

L’on a parlé d’une promesse, d’un deal politique de l’entre-deux tours de la présidentielle : votre soutien à Alpha contre votre retour en Guinée.

• Non, non. Ce qui est important pour moi, c’est que les Guinéens sachent que je ne connais pas la trahison, qu’ils comprennent que j’ai toujours été un homme sincère. Je soutiens le président Alpha Condé par rapport à cela. Non, il n’y a pas eu cette promesse. Retourner en Guinée ?
Je suis au Burkina Faso, et je m’y sens tout aussi bien. Le Faso est ma seconde patrie. Je me sens à l’aise au Burkina, peut-être même mieux qu’en Guinée, vu le contexte, car si j’étais en Guinée, je serais assailli par des problèmes multiples : politiques, doléances des parents... et je pourrais aussi gêner le pouvoir en place.

De nos jours, vous êtes toujours très populaire en Guinée, particulièrement en Guinée forestière, un bastion qui a pesé lourd dans la victoire du président Alpha Condé. Que pensez-vous des législatives qui se profilent à l’horizon ?

• Mon message est très clair : je ne suis pas changeant. Je reste égal à moi-même. Aujourd’hui, je ne peux qu’encore appeler à voter le président Alpha Condé. Pour quel intérêt j’aurais à m’opposer à lui ? D’abord, mon statut ne me le permet pas, ensuite, je me dis qu’il faut soutenir celui qui a été démocratiquement élu. Ça aurait été un autre leader que je l’aurais soutenu, si son programme est bénéfique aux Guinéens. Ça aurait été Dalein ou Sidya que j’aurais fait de même. Je ne suis pas guidé par l’argent, c’est l’intérêt supérieur de la Nation qui me guide. Si j’avais voulu avoir des milliards, je les aurais eus.
Regardez la Guinée : on est en manque de tout, eau, électricité, routes... Moi, j’avais commencé à installer tout cela, et je me dis que si on laisse le président Alpha Condé travailler, il peut faire bouger les choses. Je veux que le président Alpha Condé poursuive les projets que j’avais entamés. Je saisis l’occasion pour dire aux Guinéens des 4 régions naturelles du pays de soutenir le président Alpha Condé. J’ai aussi un droit légitime, et je l’assume. Il faut faire confiance au président Alpha Condé.

Des partis politiques se réclament toujours de vous en Guinée et espèrent votre retour...

• Oui, je sais. Mais il y a une différence entre les leaders politiques et moi. Eux, c’est la conquête du pouvoir qui les intéresse. Moi pas, je ne peux pas jouer le même rôle qu’eux ; nous n’avons pas les mêmes centres d’intérêt. Moi, je n’ai pas l’ambition aujourd’hui d’être président de l’Assemblée nationale ni d’être ministre. Non ! Mais eux, c’est leur droit d’aspirer à tout cela. Moi, je ne cherche plus le pouvoir, je soutiens le pouvoir pour qu’il pose des actes. C’est deux objectifs différents.
Je reçois ici à Ouaga de nombreux leaders politiques à commencer par mon frère Dalein, et tout récemment, le jeune Moctar Diallo (NDLR : un des leaders des Forces vives de Guinée) est passé me rendre visite et me présenter ses condoléances pour le décès de mon garçon.

Vous avez de très bons rapports avec les leaders politiques guinéens ?

• Oui, j’ai de très bons rapports avec eux, à moins qu’un leader ne veuille pas me fréquenter. Je les reçois. Mais je ne fais pas la politique comme eux. Moi, je suis un ancien président, et je dois jouer un rôle positif. Aujourd’hui, je vais faire la politique avec ces leaders pour avoir quoi ? Le pouvoir ? L’argent ?

Si vous deviez porter un jugement sur cette première année du mandat du président Alpha Condé ?

D’abord, ce serait un jugement prématuré, selon moi. J’ai été président, j’ai l’expérience du pouvoir d’Etat. Le pouvoir n’est pas facile comme on le pense. Je sais les souffrances que moi, j’ai endurées, donc je suis à même de comprendre le président Alpha Condé. Je laisse d’autres faire ce jugement. Mais, pour moi, il n’a fait qu’un an, il lui en reste 4 ; dans 2 ou 3 ans, on pourra valablement le juger. Et moi, je pourrai vous donner mon point de vue sur son bilan. Pour moi, s’il y a la paix en Guinée, Alpha Condé peut réaliser de grandes choses.

Quels sont vos rapports avec le président du Faso, Blaise Compaoré ?

• Nous avons des rapports de fraternité. C’est un aîné qui m’a beaucoup inspiré. En toute sincérité, si j’ai accepté de m’incorporer dans l’armée, c’est au vu de leur époque, qui m’a beaucoup séduit. J’ai vu mon frère Blaise Compaoré et ses frères d’armes dans les journaux, Jeune Afrique par exemple, ainsi qu’à la télé...

Vous faites référence à la Révolution d’Août 83 ?

• Oui, c’est cela. J’ai été marqué par ces militaires qui, au Burkina Faso, avaient pris le pouvoir. Quand j’étais président, je demandais au grand frère Blaise de m’envoyer des cassettes de cette période chaude du Burkina Faso. Et quand j’avais le temps, je visionnais ces cassettes pour m’en inspirer. Il m’en envoyait effectivement. Blaise est une référence pour moi.

Comment vit Moussa Dadis Camara à Ouaga ?

• Vous êtes venu chez moi, vous avez vu. Je n’ai pas besoin de vous expliquer comment je vis. Je vis bien à Ouaga, les gens me respectent et je suis intégré. Je suis avec les Burkinabè. Lors des grandes cérémonies, mon grand-frère Blaise Compaoré me fait l’honneur de m’inviter (NDLR : allusion à l’investiture de Blaise le 20 décembre 2010). J’ai fait beaucoup de connaissances, avec des cadres burkinabè, la jeunesse...

Soyons plus précis : Dadis va-t-il à la chasse ? En boîte de nuit pour esquisser quelques pas de danse comme l’affirment certains?

• (Silence). Ça, c’est ma vie privée. Mais avant tout, je suis un être humain et j’ai ma vie de citoyen. Aller à la chasse ou aller danser (rires), si cela est vrai, font partie de la vie d’un homme.

Donc vous menez une vie normale à Ouaga ?

• Exactement, je vis normalement à Ouagadougou, et si ce que les gens disent est vrai, c’est que je mène normalement ma vie ; une vie que je n’aurais pas pu mener si j’étais toujours président de la Guinée.

Sans être une grenouille de bénitier, on vous dit aussi fréquent à l’église ?

• Je vous ai dit que je mène une vie normale à Ouaga. J’ai retrouvé une nouvelle vie au Burkina Faso. D’ailleurs, si ce qu’on dit est vrai, ce n’est pas quelque chose de mauvais.

Interview réalisée par
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
http://www.lobservateur.bf

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