Interview de Elhadj Fodé Mohamed Soumah, Président de la Génération Citoyenne (GéCi) à Guinéenews
«…On a l’habitude de mettre la charrue avant les bœufs dans ce pays. Vouloir fixer une date butoir, alors que rien n’est en place, c’est aller droit dans le mur…»
La semaine dernière, le président de la Génération Citoyenne (GéCi), Fodé Mohamed Soumah, a accordé une interview exclusive à votre quotidien Guinéenews©. Dans cette interview, il nous parle de sa solution pour les candidats originaires de la Basse Côte en vue des prochaines élections législations prévues pour le 8 juillet. Il aborde aussi la question du chronogramme électoral, des deux cent millions de dollars américains (200.000.000 USD) de Dollars octroyés par le FMI (fonds monétaire international) ainsi que d’autres sujets de l’actualité. Lisez !
Guinéenews© : Quelle a été la réaction de la GéCi, après la fixation la date des élections législatives par la CENI ?
Fodé Mohamed Soumah : Au niveau de la GéCi, nous avons été surpris de constater une cacophonie au plus haut sommet de l’État entre le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation qui parlait du mois de mai et le président de la CENI qui a annoncé la date du 8 juillet. Le second aspect a trait à la multitude de décisions unilatérales prises par les autorités politiques du moment, depuis l’installation du président de la République, Alpha Condé. Cette attitude récurrente ne rassure pas l’extérieur et n’instaure pas la confiance entre les différents acteurs politiques. La troisième chose, c’est qu’on a l’habitude de mettre la charrue avant les bœufs dans ce pays. Vouloir fixer une date butoir, alors que rien n’est en place, c’est aller droit dans le mur. Nous l’avons déjà expérimenté avec les élections présidentielles fixées au 27 juin alors que le CNT (conseil national de la transition) n’était même pas encore en place. De ce fait, il a fallu tenir ce délai vaille que vaille, en dépit des impondérables liées à l’improvisation, à la précipitation et à toutes les conséquences qui ne nécessitent plus de refaire le monde. Nous avons eu droit à la précédente date fantaisiste du 29 décembre qui tombait sur un jeudi. Aujourd’hui, nous sortons d’un dialogue qui n’a rien donné.
Guinéenews© : Autre point de discorde entre l’opposition et le pouvoir, c’est la recomposition des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ?
Fodé Mohamed Soumah : Vous savez lorsque vous allez à une élection, les deux points focaux concernent le fichier qui regroupe l’ensemble des électeurs et l’organe chargé de diriger cette élection, en l’occurrence la CENI. Pour ce qui est du fichier, nous voulons partir de celui qui a permis l’élection du président de la République, l’auditer, obtenir la cogestion et procéder à un nouvel enrôlement. Ainsi, il serait plus aisé de nous accorder sur le fichier en pleine connaissance de cause. En ce qui concerne la CENI, nous avons volontairement occulté sa restructuration et tous les autres problèmes, au profit de sa recomposition qui nous semble essentielle et qui s’articule autour de la parité : dix membres de l’opposition actuelle, dix de la mouvance présidentielle, trois de la société civile et deux de l’administration. A ce propos, il faut rappeler que cette dernière vient de changer ses membres. Cette disposition répondrait à la nouvelle donne politique et refléterait le vrai visage du paysage politique actuel. Le PUP (Parti de l’Unité et du Progrès) a implosé et les derniers représentants des partis dits de « l’opposition » sont devenus des électrons libres.
Guinéenews© : Vous parlez de consensus, alors qu’il y a quelques jours le ministre Alhassane Condé disait dans l’un de nos entretiens que dans aucun pays au monde l’opposition n’a été associée à la fixation d’une date électorale.
Fodé Mohamed Soumah : Comparaison n’est pas raison. Dans de nombreux pays, les échéances électorales sont comme un agenda qu’on déroule au fil du temps, dans un cadre réglementaire ou consensuel. Notre situation politique est guinéo-guinéenne, et il est temps de se rendre à l’évidence que personne ne viendra régler nos problèmes à notre place. La situation est bloquée à cause de manœuvres dilatoires et de l’entêtement de bon nombre de décideurs. Je pourrais citer pêle-mêle les politiques dans leur grande majorité, toutes les institutions de la République réunies, l’apathie d’un peuple plongé dans une léthargie inde ible due à la survie au quotidien. Le silence coupable venant de l’extérieur en attendant l’émotion ou les condamnations. Pendant ce temps, les populations souffrent, le martyr au quotidien à cause du maigre pouvoir d’achat couplé à la cherté de la vie, une jeunesse en total désarroi qui sombre dans le découragement et l’abandon, un chômage qui touche toutes les couches de la société, un gouvernement en manque de résultats probants, un tissu social malmené aux conséquences incalculables.
De tout ce qui précède, il est urgent de se concentrer sur l’existant au lieu de se perdre en conjonctures : vendre de l’illusion, tuer l’espoir ou se projeter dans un futur même rapproché, alors que nos problèmes sont palpables, urgents et réels. Au sortir de la première année de gouvernance, le président Alpha Condé s’est contenté de faire l’état des lieux au lieu d’un bilan à mi-parcours, même si c’est un quinquennat. Cette première année ne pouvait pas régler tous les problèmes mais elle était celle des décisions appropriées, suivies d’actes, qui devaient faire renaître l’espoir et apprendre la patience aux populations, montrer au monde libre que la Guinée était réellement « back », installer l’Assemblée Nationale et la Cour Constitutionnelle durant cette période, permettre au génie guinéen de se mettre en action, utiliser des symboles forts pour renforcer l’unité nationale, etc.
En fait poser des actes à l’instar de ce qui se passe en Côte d’Ivoire où, même s’il reste beaucoup à faire, la confiance a été réinstaurée et la réconciliation nationale est en marche.
Guinéenews© : Justement, parlant de la recomposition de la CENI, nous avons suivi le président Louncény Camara dire que le mot démission n’existe plus dans son vocabulaire. Alors qu’on sait que l’une de vos revendications, c’est le départ de Louncény à la tête de cette institution. Qu’en dites-vous ?
Fodé Mohamed Soumah : Ce que dit le président de la CENI n’engage que lui et je ne désire pas utiliser l’opportunité qui m’est offerte par votre site pour polémiquer. Bien que discrédité, la GéCi n’aurait rien à redire s’il faisait partie des 25 membres de la CENI recomposée et qu’ils le désignaient président. On peut toujours rêver !
Guinéenews© : Le pouvoir se dit prêt à aller aux élections, une date a été fixée. Ne craignez-vous pas qu’on dise que c’est l’opposition qui refuse d’aller aux élections ?
Fodé Mohamed Soumah : Tout d’abord, l’opposition a demandé le dialogue dès la fin de l’état de grâce puisqu’elle n’avait pas été contactée par le président Alpha Condé depuis son installation. Ensuite, elle a espéré l’organisation des élections législatives, trois mois après cette date selon la communauté internationale, et 6 mois selon les accords de Ouaga.
Enfin, l’opposition représentée par Collectif et l’ADP réunis, représente plus de 70 pour cent de l’électorat à l’élection présidentielle. Dans ce cas, comment pourrait-elle tirer cette élection en longueur ? C’est du pipo et c’est une façon de noyer le poisson dans l’eau. Les chiffres sont là.
D’ailleurs, ils ont augmenté le nombre de mécontents parmi tous ceux qui avaient pensé voter « utile » pour le changement. L’opposition est sûre d’obtenir la majorité à l’Assemblée nationale et de ravir le perchoir. Maintenant, pourquoi accepterions-nous, un fichier sorti de nulle part et déjà tripatouillé ?
Des démembrements qui sont passés du simple au double ? Un découpage administratif qui avantagerait le parti au pouvoir ? Quelle est l’opposition qui accepterait une telle forfaiture si ce n’est dans une dictature ?
Nous ne sommes pas prêts à nous faire enfariner et nous demandons des élections propres. Dans le cas échéant, nous clamons haut et fort, qu’il n’y aura ni boycott et pas d’élections du tout. Comment pouvez-vous concevoir un seul instant des législatives sans le parti du candidat arrivé en tête au 1er tour de la présidentielle, sans le faiseur du roi du second tour, sans le meilleur scoreur de l’Alliance Arc-en-ciel, sans des partis qui ont présenté des candidats à l’élection présidentielle, comme la GéCi, et bien d’autres ? Donc, nous sommes sûrs de notre force et de notre victoire prochaine.
Guinéenews© : Vous parlez de l’électoral de l’opposition. Selon le ministre Alhassane Condé, seul Cellou Dalein Diallo a des militants, le reste n’est que des accompagnateurs. Parlant de vous personnellement, le ministre a dit que vous n’êtes même pas connu dans votre quartier à Kaporo ?
Fodé Mohamed Soumah : Oui, j’ai lu l’interview en question et il est facile de prendre ses rêves pour la réalité. Je vous disais il y a un instant que les résultats de l’élection présidentielle sont là pour mettre tout le monde d’accord. Certes, il y a eu 17 candidats qui ont eu moins d’un pour cent y compris la GéCi. Le ministre aurait eu raison de déclarer que je ne suis pas arrivé en tête dans mon fief de Kaporo ; ce qui est vrai. Mais se mettre au niveau des caniveaux et au raz des pâquerettes pour affirmer une telle assertion me conforte à l’idée que ce Monsieur n’est pas à son poste, ni dans son rôle. Franchement, je n’ai rien contre la personne de M. Alhassane Condé. C’est son action en tant que ministre que je fustige. Les querelles de personne m’importent peu, d’abord par rapport à mon éducation, et ensuite de par ma qualité d’homme politique qui est scruté méticuleusement par ses militants et ses compatriotes.
Je me contenterais de lui dire trois choses : premièrement, je n’ai pas traversé la frontière de la Guinée à pied ; deuxièmement, je ne suis pas arrivé à Conakry sur le toit d’une voiture ; troisièmement, je n’habite pas à Kaporo mais je suis Kaporoka de souche. C’est toute la nuance. Tout bon Guinéen pourrait tracer ma lignée dans ce pays qu’est la Guinée. Je suis le descendant de Soumba Toumani dont les traces remontent avant le 16ème siècle.
Guinéenews© : En Basse côte, on enregistre plusieurs leaders politiques dont Sidya Touré, Kassory Fofana et vous-même. Est-ce que vous ne pensez pas que la GéCI ne pourrait pas être bouffée par ses pairs aux prochaines élections législatives ?
Fodé Mohamed Soumah : Vous avez oublié mon frère Abé Sylla et bien d’autres, même si l’on se focalise sur mon grand frère Sidya et mon ami Kassory. Ce qui se passe au sein de la Basse Côte me désole, m’exaspère et me déçoit car les priorités sont ailleurs. Néanmoins, je voudrais savoir pourquoi les autres coordinations seraient unifiées et pas celle de la Basse Côte ? Vous conviendrez que c’est un enjeu de taille dû au poids électoral qu’elle représente. C’est la raison pour laquelle la GéCi en recherche le leadership aussi.
Loin de toute idée communautariste, la real politique voudrait que les ressortissants de la Basse Côte puissent présenter une liste commune afin de pouvoir rafler toutes les préfectures. C’est la démarche que j’avais entreprise auprès de tous et j’y travaille encore. Il reste clair que c’est la meilleure formule pour obtenir un groupe parlementaire. L’on pourrait me rétorquer que c’est une forme de repli identitaire ; ce qui n’est pas faux. Mais quelle est la communauté qui a fait preuve de démocratie plus que les électeurs de la Basse Côte ? Dans quelle autre région du pays un ressortissant de la Basse Côte pourrait espérer obtenir plus de voix ? Le fief est au politicien ce qu’un bastion représente pour un parti. C’est une lapalissade. Pour ce qui est de se faire bouffer, je préfère obtenir un groupe parlementaire et me mettre en retrait que d’aller en ordres dispersés comme lors de la présidentielle.
Guinéenews© : Seriez-vous prêt à travailler avec le président Alpha Condé ?
Fodé Mohamed Soumah : Dans l’absolu, je suis venu servir mon pays mais il m’est difficile de répondre à cette question à la première personne du singulier car je ne m’appartiens plus. J’appartiens à un parti qui m’a placé à sa tête et qui m’a présenté à l’élection présidentielle. La GéCi est un parti structuré qui envisage tous les cas de figures dans l’optique de la conquête du pouvoir. Si le président de la République, Alpha Condé venait à saisir la GéCi pour apporter son expertise à la Guinée, c’est le parti qui déciderait le pourquoi du comment et quelles sont les personnes qui pourraient grandir le parti à travers des actes concrets que les populations pourraient nous retourner en terme de voix pour les prochaines échéances. Vous ne verrez jamais un politicien dire qu’il ne veut pas servir son pays. Toute la subtilité/difficulté se trouve entre servir un pays, un homme, une femme ou une cause.
Guinéenews© : Les choses semblent s’améliorer avec l’octroie des 200 millions de dollars par le FMI au gouvernement ; de plus le point d’achèvement PPTE (pays pauvres très endettés) sera bientôt atteint. Qu’en pensez-vous ?
Fodé Mohamed Soumah : Tout ce qui est bon pour la Guinée, est bon pour la GéCi. Mais il serait bien de revoir nos ambitions minimalistes à la hausse. A l’image d’un pays aux potentialités énormes comme la Guinée, cette somme est ridicule. Il n’ya pas si longtemps, lors du dernier sommet du G8 à Paris, le président ivoirien réclamait 20 milliards pour son programme de développement, alors que l’Égypte et la Tunisie sollicitaient 45 milliards. Vu l’opacité qui entoure les multiple voyages présidentiels, nul ne sait ce que ça rapporte au pays. Il y a un réel difficile de communication. La nouvelle du point d’achèvement est bonne même si nous avons atteint le point de décision depuis plus de dix ans. Mais contrairement à ce qui se raconte, ça ne résout rien du tout. Ce n’est pas de fait de bon résultat économique mais du terme. Tout reste à faire.
Guinéenews© : Quel est votre mot de la fin ?
Fodé Mohamed Soumah : Je commencerais par dire que la Guinée et les Guinéens ont trop souffert. Ensuite, je voudrais leur demander de se transformer en acteurs et non plus en spectateurs. Enfin, je demanderais au président de la République de s’impliquer personnellement afin de sauver les meubles et remettre les choses à l’endroit. Il ne doit pas accepter que le pays sombre dans le chaos ou bascule dans la violence parce que nous voulons confondre vitesse et précipitation. Il doit refuser tout ce qui pourrait mettre en danger les acquis démocratiques obtenus par un lourd tribut. Il doit utiliser le mot changement pour rompre avec les pratiques du passé. Le leitmotiv devrait être la paix sans laquelle il n’y aurait pas l’unité nationale, encore moins le développement ou les investisseurs guinéens et étrangers.
Je vous remercie.
Source : http://www.guineenews.org
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