GUINEE BISSAU: Quand les putschistes narguent la CEDEAO
En réagissant avec promptitude et fermeté au coup d’Etat survenu au Mali, la CEDEAO s’était fait la défenderesse intrépide des valeurs démocratiques dans son espace communautaire. En dépit des lacunes de l’accord arraché à la junte, elle a pu tout de même imposer son autorité. C’est cependant tout le contraire qui semble se dérouler en Guinée Bissau, un autre pays du champ, victime des turpitudes de son armée. Une comparaison rapide montre que l’émotion et le déchaînement qui ont suivi le putsch au Mali, ne sont pas de mise pour la Guinée Bissau. Les faits se sont en effet enchaînés pour créer un effet d’étouffement des locataires du camp de Kati : sommet d’urgence des chefs d’Etat, réunion des chefs d’état-major, sanctions diverses (suspension de la CEDEAO, embargo, etc.). Pour la Guinée Bissau, rien de tout cela. La suspension systématique des instances de la CEDEAO, première mesure que prend l’institution dans ces circonstances, n’a pas encore été prononcée, près d’une semaine après le putsch. La CEDEAO traîne le pas, alors même que son partenaire habituel, l’Union africaine, a pris les devants et ne cesse de tonner. L’organisation panafricaine vient ainsi de suspendre le pays de ses instances. Il en est de même de certaines institutions financières comme la Banque africaine de développement et la Banque mondiale, qui ont coupé le robinet de leur aide. Pourquoi donc la CEDEAO, qui allait à une allure de TGV pour résoudre le cas malien, rétrograde-t-elle en ce qui concerne la Guinée Bissau ? Un fatalisme s’est-il emparé de la CEDEAO face à un pays ayant une sulfureuse réputation de narco-Etat ? Est-ce la tradition putschiste des militaires qui refrène les ardeurs de l’institution ouest-africaine ? Ou alors la collusion entre militaires et certains hommes politiques l’a-t-elle contrainte à la prudence ? On n’osera pas imaginer que la mollesse du président en exercice de la CEDEAO et du président de la Commission, tous deux francophones, est liée à l’appartenance de la Guinée Bissau à la sphère linguistique lusophone. Alors, pourquoi ces atermoiements, surtout face à des putschistes arrogants qui se permettent de tourner en bourrique la CEDEAO, voire de la narguer, en lui imposant son agenda ? Dans le cas malien, la CEDEAO s’est posée clairement en redresseur de torts, déterminée à faire appliquer sa loi partout dans sa zone d’influence. La Guinée Bissau a beau être occupée depuis de longues années par des bandes de militaires affairistes, il n’en demeure pas moins qu’elle appartient à la CEDEAO dont les valeurs de démocratie sont inscrites à son fronton. Aucune distinction ne doit donc être établie entre les pays membres sur l’obligation du respect des règles de convergence démocratique. Du cancre au meilleur élève de la communauté, ce doit être la même rigueur. Sinon, tous les efforts en vue d’instaurer un climat de paix et de stabilité dans la sous-région tomberaient à l’eau. Ce serait signer le retour des coups d’Etat, que d’adopter une attitude de faiblesse face aux militaires bissau-guinéens.
Mahorou KANAZOE
Les Editions du Pays
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