Le ministère des Droits de l'Homme, une belle fumisterie
La création d'un ministère des Droits de l'Homme et des Libertés publiques, relève – je l'ai déjà écrit précédemment – davantage d'une réelle démagogie, et d'une volonté de communication à usage externe, que d'une volonté réelle de faire bouger les lignes.
Déjà depuis le 17 mars 2011, il existe la Commission nationale des droits de l'homme, créée directement par Alpha Condé, et dirigée par Mamady Kaba, qui non seulement n'a aucune réalité constitutionnelle, mais n'a en outre aucune activité effective, malgré la situation des droits humains en Guinée. De même, malgré sa formalisation le 14 juillet 2011 (soit 5 jours avant le pseudo-attentat), l'Institution nationale indépendante des droits humains (INIDH) n'existe pas encore. Lorsqu'on examine ses premiers articles, on en comprend les raisons. Ainsi dans l'article 1, il est mentionné que l’institution « peut s’adresser directement à toute autorité civile ou militaire pour faire cesser toute violation des droits de l’Homme dont elle a connaissance ». Il vaut donc mieux avoir des organisations que l'on contrôle, la coquille vide que constitue la Commission nationale des droits de l'Homme, et même un ministère plein. En effet, l'INIDH sera composée de 20 membres issus de toutes les couches de la nation, à savoir entre autres, « les représentants des organisations et associations de promotion et de protection des droits humains, des organisations syndicales, des représentants de l’ordre des avocats, de l’ordre des médecins, des organisations professionnelles, des médias ». On comprend là aussi, qu'il vaut mieux éviter les francs-tireurs qui feraient une publicité aux nombreuses dérives scandaleuses d'Alpha Condé en matière de droits de l'Homme.
Sans mettre en cause la personne de Kalifa Gassama Diaby, que je ne connais pas, et pour lequel je ne peux mettre en doute sa motivation (pour le poste de ministre ou pour le secteur d'activités ?), il est néanmoins permis de se poser des questions sur son efficacité à venir.
Quels vont être les pouvoirs réels de ce département ?
Aura t-il autorité sur les ministères de la Justice, de la Sécurité, voire sur les forces de sécurité ? À quoi va-t-il servir ?
A accélérer la tenue du procès du pseudo-attentat du 19 juillet 2011 ?
A engager les plaintes que le procureur a refusées (Zachariou Diallo par exemple) ?
A accélérer les procédures contre les crimes récents (2006, 2007, 2009 et 2010) ?
A taper sur les doigts d'Alhassane Condé dont les sorties médiatiques ne l'honorent pas ?
A rappeler à l'ordre ce même Alhassane Condé et Resco Camara concernant la législation sur les manifestations pacifiques ?
... ?
Certains chroniqueurs irresponsables et serviles osent dire, que cette création dénote l'intérêt et le respect qu'Alpha Condé accorde à l'exercice des libertés collectives et individuelles en Guinée, celui-là même qui a fait tirer et tuer une douzaine de manifestants pacifiques, qui empêche la tenue des meetings politiques de l'opposition, les passages médiatiques – notamment à la RTG – de l'opposition. Oui ils ont raison, Alpha Condé est très attaché aux libertés publiques..., mais à celles de son camp.
En outre, pourquoi avoir choisi un novice, responsable d'une ONG de création récente, et qui ne comprend qu'un seul membre connu. Combien de plaintes non verbales, mais judiciaires, cette ONG a-t-elle initiées ? La réponse à cette question en dira long sur sa finalité. Pourquoi ne pas avoir choisi le responsable de l'OGDH par exemple, dont la notoriété est sans commune mesure ? La réponse est dans la question. Le nouveau ministre sera libre de parler dit-on, mais parler seulement !!! et pour ne rien dire, afin que ses sorties médiatiques permettent le changement... pour que rien ne change.
Cela me fait penser au premier séminaire gouvernemental sur la justice, dont les participants déclaraient ensuite, que les problèmes étaient réglés... puisqu'ils en avaient parlé. Puisqu'il y a désormais un ministère des Droits de l'Homme, doit-on considérer qu'il n'y a plus de problèmes dans ce domaine désormais ? Circulez, il n'y a plus rien à voir.
On imagine que si l'on proposait ce poste à un citoyen « normal », mais imbu du respect des libertés publiques, et extrémiste quant au respect de l'État de droit, il demanderait à ce que certains dossiers qui illustrent parfaitement la politique d'Alpha Condé, soient résolus assez rapidement, et demanderait à obtenir des garanties pour leur résolution. On n'accepte pas un poste pour faire de la figuration, ou se faire de la publicité personnelle, mais parce qu'on sait qu'on va y réaliser des réformes essentielles.
Lorsque certains sites font le compte-rendu de sa prise de fonction, ils n'hésitent pas à dire que ce nouveau ministre « a dispensé un véritable cours magistral portant sur les droits de l’Homme et les libertés publiques ». C'est à Alpha Condé lui-même et à tous ses sbires, qu'il faudrait dispenser ces cours.
Enfin lorsqu'il évoque les quelques grandes orientations de sa mission (dont je tais les grandes envolées lyriques), je ne retiendrai que deux aspects relatés de manière tout aussi grandiloquentes, qui heureusement n'ont pas été tues, mais n'ont pas été mises en valeur, à la hauteur de leur contenu :
Ainsi le nouveau ministre des Droits de l'Homme déclarait que « Pour donner à cette idée d'État de droit toute sa mesure, toute sa légitimité et toute sa force, ceux qui agissent au nom de cet État, ceux qui le représentent et qui l'incarnent, doivent être les premiers à se soumettre à la puissance souveraine du droit. En le faisant, la force du droit ne sera que plus grande et plus légitime ».
Il aurait donc fallu commencer par rappeler le principe et insister de façon explicite, voire demander au PRG s'il entendait soumettre la définition de ses prérogatives potentielles, aux limites qu'imposent le respect des droits fondamentaux.
De même, il poursuit : « Elle [la mission] doit poser très nettement le principe de l'inacceptabilité, de l'impunité, de l’illégalité et de l'injustice. Aucune justice n'est concevable si l'impunité est de mise. Et aucune paix sociale n'est durable sans combattre le sentiment d'injustice qui mine tout cadre social ».
Là encore en quoi la création d'un ministère des Droits de l'Homme, va-t-elle influer sur le sort de tous les prisonniers « politiques » ?
Lors de la publication du dernier rapport de la FIDH sur la Guinée, par exemple, on a appris que deux détenus – le lieutenant Marcel Guilavogui et l'adjudant Cécé Raphaël Haba – étaient en préventive depuis plus de deux ans (mai et juin 2010), donc en violation de l'article 142-2 du Code de procédure pénale, qui prévoit un maximum de 24 mois de détention provisoire.
On espère donc que le communiqué de la FIDH et de l'OGDH, qui se satisfont de manière relative, de la création d'un ministère des Droits de l'Homme, n'a pour but que de mettre la pression sur ce nouvel organisme, en témoigne leur appel pressant, d'une part à démettre de leurs fonctions, ceux qui exercent encore des responsabilités dans le domaine de la sécurité et, d'autre part, leur souhait que ce ministère ait les moyens d'agir, et ne soit pas une voie cosmétique de communication.
Une première occasion de s'étalonner a pourtant été donnée avec l'expulsion de 26 Maliens dans des conditions scandaleuses. On n'a rien entendu, et pour cause, ce ministère n'est pas là pour critiquer le gouvernement, mais surtout pour rappeler à l'ordre l'opposition... pour ceux qui en doutaient.
En effet, pourquoi avoir créé un ministère sous contrôle du pouvoir, plutôt que d'avoir mis en place l'INIDH (le deuxième « I » signifiant indépendante) ?
Sans doute pour créer la confusion et obliger à se poser des questions sur le bien-fondé d'une nouvelle structure, sachant qu'il en existe déjà plusieurs, et même un ministère.
Gandhi
Citoyen guinéen
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace » (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, mai 1791).
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