Ô Dieu, faites que la vérité triomphe du mensonge. Par Sidoux Barry
Sous les ailes du Boeing 707 de la Royal Air Maroc, les lumières de la ville de Conakry défilent lentement. Le commandant Abd-el Khadr amorce un large virage pour permettre à ses passagers d’admirer les splendeurs de la capitale guinéenne. On est le 13 novembre 2012. Il est 3 heures du matin. Température extérieure : 30°C. Le pilote accomplit un atterrissage impeccable. Applaudissements.
Je n’étais pas revenu en Guinée depuis une dizaine d’années. L’aéroport international de Conakry-Gbessia a changé. L’accueil s’est considérablement amélioré. A mon grand étonnement, les formalités sont vite expédiées. Je suis attendu par une foule de parents et d’amis. Allez, en voiture ! Direction : Sangoyah-cité, première porte, à quelques encablures de là.
Le matin, le réveil est difficile. L’atmosphère ambiante est suffocante. On transpire à grosses gouttes, malgré la pluie diluvienne qui s’abat sur la ville. La saison des pluies devrait prendre fin le 15 novembre, selon les données de la Météorologie nationale. Commence alors la saison sèche qui s’achèvera théoriquement le 15 mai. Il fait chaud à en perdre haleine et tout appétit.
Conakry est devenue une cité tentaculaire, une ville-ligne qui s’étend d’ouest en est sur des dizaines de kilomètres. Elle abrite plus du quart de la population totale du pays, soit entre 2 et 3 millions d’habitants.
Les maquis et les restaurants-trottoirs le disputent aux villas cossues et aux masures délabrées avec des pierres sur les toits pour retenir les tôles, notamment dans la presqu’île de Kaloum, le cœur historique de la capitale. C’est la médina dakaroise et le Treichville ivoirien confondus, et en plus grand. C’est en somme un immense bidonville aux rues défoncées et jonchées d’ordures ménagères. La nuit, les lampadaires à énergie solaire diffusent sur les grandes artères une lumière blafarde. On y circule presque à tâtons.
Faut-il encore évoquer les perpétuelles coupures d’eau et d’électricité qui sont une donnée incontournable à Conakry ! « Nous devons nous lever en pleine nuit pour puiser de l’eau », témoignent les habitants de Lambandji, un des quartiers pourtant les mieux lotis de la capitale, car c’est la nuit que l’eau courante est rétablie, de même que l’électricité.
A tous ces embarras s’ajoute l’insécurité. Dès la tombée de la nuit, tout le monde se précipite à la maison pour se barricader. Les cambriolages, les braquages et les attaques à main armée sont légion. Tous les jours, on apprend qu’une villa a été cambriolée ou que quelqu’un a été assassiné la veille dans tel ou tel quartier. Les malfaiteurs tirent à tort et à travers à la kalachnikov pour voler un ordinateur ou quelques bijoux.
Le plus terrible, c’est de trouver un moyen de locomotion vers 19 heures. La moindre bagnole brinquebalante doit transporter six passagers en plus du conducteur. C’est une lutte à mort pour trouver une place. Je prends un taxi « en déplacement » pour aller de Sangoyah à l’aéroport (3 km). Le chauffeur m’annonce 50 000 francs guinéens (FG). Je descends immédiatement, à la fois écoeuré et consterné par le tarif pratiqué. C’était le montant de mon salaire lorsque j’étais prof d’économie à l’Institut polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry. Il est vrai que quelques décennies se sont écoulées depuis lors. Il n’en reste pas moins que tout est hors de prix en Guinée.
Le litre d’essence est officiellement à 9 500 FG à la pompe. Avec les pénuries fréquentes et les ruptures de stock, il monte à 15 000 FG. Un kilo de viande, lorsqu’on en trouve, coûte 35 000 FG, le sac de riz de 50 kg, 220 000 FG (il en faut au moins deux par mois pour une famille moyenne), alors que le salaire moyen n’excède guère 500 000 FG.
Un cadre me confie que le Smig, le salaire minimum interprofessionnel garanti, devrait être fixé à 1 350 000 FG pour qu’une famille puisse joindre les deux bouts. On en est bien loin.
Signe évident de la déliquescence de l’économie guinéenne, l’état de la monnaie nationale. Lors de la dernière réforme monétaire, en janvier 1986, sous le régime Lansana Conté, le taux de change avait été fixé à parité avec le franc CFA, soit 1 FG pour 1 F CFA. A l’heure actuelle, 1 F CFA s’échange contre 10 FG. Comment en est-on arrivé à ce résultat désastreux ? La mal-gouvernance et la corruption, répond un expert. Explication.
L’avantage d’être dans une zone monétaire autonome, c’est qu’on est maître de sa propre politique économique. C’est un attribut de souveraineté, a-t-on coutume de dire. Mais cela exige une contrepartie rigoureuse : l’autodiscipline monétaire.
Or, que s’est-il passé en Guinée depuis la création du franc guinéen en mars 1960 (y compris la parenthèse du Syli : 1972-1986) ? Chaque fois que l’Etat a des difficultés de trésorerie, le Trésor public demande des avances à la Banque centrale. Cela ne coûte rien à celle-ci car elle ne fait qu’imprimer des billets. C’est légal. Mais ces avances doivent être remboursées dans un délai très court : 90 jours au maximum. Le problème, c’est que l’Etat guinéen, c’est-à-dire le Trésor, ne les rembourse jamais. Cela correspond à un acte de pure création monétaire. Cela revient tout simplement à imprimer des billets de banque qu’on injecte dans le circuit économique, sans aucune contrepartie réelle, c’est-à-dire sans création de richesse. C’est ce que l’on appelle familièrement faire marcher la planche à billets.
Résultat, les avances de la Banque centrale au Trésor public se sont tellement accumulées qu’elles atteignent à l’heure actuelle une montagne himalayenne quasiment infranchissable. On continue d’émettre de la monnaie alors que la production nationale stagne ou baisse. Le taux de change du FG par rapport aux devises étrangères ne fait que se détériorer de jour en jour. Aujourd’hui, 1 euro vaut 9 000 FG, quelquefois il grimpe jusqu’à 10 000 FG et davantage, contre 655 F CFA.
Comment les agents économiques peuvent-ils s’y retrouver lorsque leur boussole, en l’occurrence le taux de change, perd le nord ? « Le taux de croissance de la masse monétaire doit être fonction du taux de croissance économique à long terme », nous enseigne l’un des maîtres de la pensée économique, le prix Nobel Milton Friedman. Et, selon lui, ce principe devrait être gravé dans le marbre de la Constitution. Nous n’allons pas suivre Friedman jusque-là, mais apprenons que l’Etat ne devrait pas se livrer à des manipulations monétaires.
Revenons à nos moutons. Qu’est-ce qu’un maquis ? C’est un restaurant-buvette dans une arrière-cour que l’on trouve pratiquement dans toutes les concessions familiales. Pour y entrer, il faut être branché. Le plus chic, c’est de posséder deux à trois téléphones portables, et d’être en permanence en communication, de préférence avec l’étranger. Comment fait-on pour payer tout cela ? Mystère. Il arrive que tous les appareils sonnent en même temps, car il faut avoir plusieurs numéros, les trois principaux opérateurs téléphoniques n’étant pas en interconnexion.
A « La Campagne », un maquis de grande classe fréquenté par les cadres, les conversations vont bon train. On bavarde, on se congratule, on s’interpelle d’une table à l’autre. Mais la politique est à éviter car les agents de la Sécurité en civil ne sont jamais loin. Toutefois, Cellou Dalein reste incontournable. Il est devenu un véritable mythe. Soit. Alors qu’il nous délivre de la situation actuelle qui fait regretter aux Guinéens le temps de Lansana Conté. C’est dire… Cependant, Bah Ousmane peut revenir en force, s’il passe à l’opposition et si le bras de fer entre Cellou Dalein et Bah Oury tourne à l’affrontement. Ce qui se passe à l’heure actuelle au sein de l’UFDG ressemble fort au duel entre François Fillon et Jean-François Copé dans l’opposition française, qui se battent à mort pour le leadership à l’UMP. Si Bah Oury écoute le chant des sirènes qui l’encouragent à tenter un coup de force contre son président, alors les conséquences en seront désastreuses. Les militants lui disent : « A bon entendeur, salut ! » Pour l’heure, le pouvoir se frotte les mains en espérant que la principale force de l’opposition va se déchirer. Ce serait un lamentable gâchis.
En attendant, le vendredi, jour de prière, tout le monde est en djellaba. Sitôt la prière terminée, on se retrouve à « La Campagne » ou aux « Jumelles », un autre endroit magnifique en bord de lagune. Dès 18 heures, à La Campagne, un ensemble traditionnel de musique Fulbhé entre en scène.
Il y a six danseurs-musiciens, dont une flûte traversière, une flûte à une main associée à un petit tambour, un nghènghè (violon), deux tam-tams et un joueur de castagnettes (faites de morceaux de calebasse). Ils chauffent l’assistance avant l’entrée des danseuses. L’ensemble a été modernisé car il comporte un contorsionniste-animateur et un danseur de hip-hop.
Les danseurs, parés de leur ample pantalon bouffant blanc, balancent le large fond de cet accoutrement d’avant en arrière, et de droite à gauche, dans un magnifique mouvement d’ensemble. Puis la sonorité fine et nostalgique du violon retentit. Suivie des trémolos de la flûte traversière. Les tam-tams donnent la mesure. Les castagnettes accompagnent de leur rythme saccadé. De sa voix puissante, le chanteur domine le tout. On se croit revenir dans le Fouta Djallon d’antan. Le répertoire est composé de standards traditionnels, de vieilles ballades connues de tous, mais aussi de compositions nouvelles.
Au beau milieu de ce spectacle féérique, entrent en scène deux danseuses. Elles sont sveltes, fines, d’une indicible beauté. Leur teint d’ébène fait éclater leur sourire étincelant. Vêtues de deux pièces de leppi (cotonnade à bandes bleues et blanches), elles s’élancent sur la piste, dansent au rythme des deux tam-tams, virevoltent en l’air, frappent le sol du pied en cadence. C’est sûr, leurs hanches sont montées sur un roulement à billes tant leur déhanchement est parfait. Bien qu’étant des habitués, mes deux compagnons, Alan et Jimmy, sont eux aussi sous le charme. Les musiciens vont de table en table. Le chanteur célèbre les clients, cite leurs noms, égrène des louanges. Mais, attention !, à chaque tirade, il faut allonger un billet de 5 000 FG.
Après un bref séjour à Conakry, je m’embarque pour le Fouta Djallon. C’est un véritable parcours du combattant, tant la route nationale N°1 est délabrée, semée d’ornières et de trous béants. A certains endroits, le bitume n’est plus qu’une étroite bande qui est loin de couvrir toute la chaussée. Il faut être un champion de slalom géant pour avancer. Il ne faut pas moins de 8 heures pour couvrir les 350 km jusqu’à Dalaba.
Arrivé à destination, je suis consterné par l’état des rues de cette ville. Celles qui étaient naguère bitumées ne sont plus que de la latérite défoncée. L’hôtel du Fouta Djallon est toujours là. Il est de classe internationale (3 étoiles), mais la piscine naturelle est à l’abandon. La téné qui arrosait la ville a quasiment disparu. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était.
Aller à Labé est pour moi un véritable pèlerinage. Je n’y ai pas mis les pieds depuis plus de 25 ans. Curieusement, la nationale 5 est en meilleur état que la 1. On traverse N’Daïri, Kouradaka, Karé, Tinka et son microclimat, surplombé par Almerkéyah, « chez les Américains » au sommet du mont Tinka (1 500 m d’altitude), un temple évangélique où des pasteurs anglo-saxons ont traduit les Evangiles en pular (la langue des Fulbhé), puis Sébhory, les Cascades de Piké, le tournant Poiret, Mitty et son usine de mise en sachet d’une eau de source, Fonfoyah, Bourouwal Tappè et Bomboli.
L’habitat Fulbhé est dispersé. Tous les 2 à 3 km, on traverse un village ou un hameau. Cela est propre à tous les montagnards, contrairement aux régions de plaine, comme la Basse Guinée où l’habitat est groupé. Dans les localités les plus reculées, on aperçoit de belles maisons de maître à étage, au toit rouge, bleu ou vert, avec des centres de santé et des écoles.
Le climat foutanien est agréable. Il fait doux (18°C en moyenne). Le ciel bleu azur est constellé de cumulo-nimbus d’une blancheur éclatante, qui paraissent à portée de main.
Voilà Pita, à 55 km de Dalaba, que nous traversons rapidement. On arrive à Labé, la capitale de la Moyenne Guinée, distante de 40 km de Pita.
Le centre-ville de Labé est méconnaissable. Il est devenu un immense marché, sans doute le plus grand de toute la Guinée. Ça grouille, ça carbure. Les affaires vont bon train. Ici, on est loin de Conakry. Les regards sont tournés vers la frontière nord du pays.
Signe irréfutable de la décrépitude du pays, c’est le seul Etat au monde à ne pas posséder de compagnie aérienne nationale. L’état de l’aéroport international de Labé en est une triste illustration. Plus aucun avion ne s’y est posé depuis belle lurette, la compagnie nationale Air Guinée ayant été engloutie par la corruption. Moutons et chèvres ont élu domicile sur la piste d’atterrissage désaffectée.
Inventé au Bénin, le circuit des motos-taxis a été transposé ici, pour pallier la pénurie de moyens de transport. Plus de 5 000 engins circulent dans la ville pour 2 000 FG la course. Je monte, la peur au ventre sur l’un d’eux. « Koto (Grand frère), n’ayez crainte », me rassure le motard, « vous n’allez pas tomber. »
A Labé aussi, les maquis font bonne fortune. Au « Sapin » dans le quartier de Tata, non loin d’une forêt peuplée de cette essence, ainsi que d’eucalyptus, c’est Moussa Kamano qui officie. Maître de céans : Aliou Badara, un enseignant féru de littérature, qui va m’initier à l’œuvre du grand maître Amadou Hampâté Bâ.
Dans toute la Moyenne Guinée, les bars sont détenus par des Forestiers. Ils se sont mariés à des femmes fulbhé et parlent couramment le pular. La formation de la nation guinéenne est en bonne marche. Ceci est encourageant.
Et je fais une rencontre. Je vais employer les mots du maître Amadou Hampâté Bâ pour la décrire. « Une fille, une très belle fille que le bon Dieu n’a pas sculpté à la hâte. Il a pris tout son temps pour la limer, la ciseler, la façonner, la modeler et enfin présenter ce chef-d’œuvre au regard des autres fils d’Adam. Une fille qui a été conçue avec art et symétrie. » Elle, c’est Halimatou, coiffeuse de son état. Mais le regard un peu triste de Hali reflète les préoccupations de la vie quotidienne, la cherté de la vie et la désespérance des Guinéens.
Les grandes vedettes de la chanson fulbhé sont heureusement là pour adoucir quelque peu la dureté de la vie, mais aussi pour consoler les gens. Il y a Alphadio Dara, Amadou Barry, Abdoulaye Kéïta, Amadou Foula, Djiwoun Barry, Fatou Linsan, Doura Barry, Lama Sidibé, Petit Yéro… Dans une géniale composition devenue une chanson culte, Alphadio Dara chante :
Alla, yo goo’nga waawou fénaa’ndè
Ô mon Dieu, faites que la vérité triomphe du mensonge
C’est un vibrant hommage à Cellou Dalein Diallo, dont la sagesse a permis de déjouer le projet machiavélique qui avait été monté pour noyer le Fouta Djallon dans un déluge de feu en décembre 2010, après l’élection présidentielle.
Retour à Conakry. A partir des derniers contreforts du Fouta Djallon, c’est une longue descente vers la capitale, vers la canicule et les tourments de la vie quotidienne. On a l’impression d’entrer progressivement dans un bain de vapeur chaude.
La Guinée est un pays économiquement sinistré. L’Administration est aux abonnés absents. L’Etat dévoyé se noie dans l’océan de la corruption. Le FMI a renoncé à en évaluer l’ampleur. Quant à Transparency International, elle a rangé la Guinée, au cours des cinq dernières années, parmi les cinq pays les plus corrompus au monde.
La corruption a gagné même les ambassades étrangères où les visas s’achètent à raison de 2 000 euros par personne pour la France et de 3 000 dollars pour les Etats-Unis. Quand bien même votre dossier est complet, si vous ne payez rien, vous n’obtiendrez pas de visa. Votre attestation d’accueil, délivrée en bonne et due forme, sera déclarée falsifiée et revendue à une autre personne à 18 millions de FG. Avec la complicité active à un haut niveau de la hiérarchie de l’ambassade. Et ces gens-là ont l’outrecuidance de donner aux Africains des leçons de bonne gouvernance !
Dans la plupart des ministères, toute la hiérarchie, du ministre au planton, tous sont des membres ou des sympathisants du RPG, le parti au pouvoir, comme au bon vieux temps du parti unique.
Les médias d’Etat sont totalement assujettis au parti-Etat. A titre d’exemple, le journal télévisé est quasi-exclusivement consacré au chef de l’Etat, à son épouse, au premier ministre et aux ministres envoyés sur le terrain pour faire la propagande du RPG. Ce n’est plus la RTG, la Radiodiffusion télévision guinéenne, mais la RPG-TV, comme disent les Guinéens. En mission à Sannou, dans la préfecture de Labé, le ministre de la Pêche et de l’Aquaculture déclare : « Nous n’allons pas créer des points d’eau pour que les opposants viennent s’y abreuver ». Qu’est-ce donc que le service public ?
Où que l’on tourne son regard, tous les compartiments de la vie sociale peinent dans la douleur. Mais le secteur le plus sinistré est sans aucun doute l’Education nationale. La langue française, langue officielle, est massacrée à longueur de temps. En Moyenne Guinée, les étudiants ne font pas de différence entre les lettres G et J et les prononcent toutes deux comme le Z. Exemple : on dit « énerzie » au lieu de « énergie ». C’est plus que troublant.
Le plus alarmant, c’est l’état de l’université guinéenne. Il suffit d’avoir beaucoup d’argent – peu en importe l’origine –, on peut obtenir un agrément pour créer une université privée. On en dénombre trente-deux, soit près de trois fois plus que dans Paris et la région parisienne en France. On recrute des diplômés au chômage qui deviennent des professeurs à part entière. Des disciplines à la mode y sont enseignées, surtout le marketing, la logistique ou les relations internationales. On imagine aisément le niveau de l’enseignement dispensé dans de tels établissements. Et les inspecteurs chargés de contrôler le bon déroulement des études ? Certains reçoivent des enveloppes et le tour est joué.
Un ami m’a raconté une expérience plus qu’édifiante. Ancien professeur de mathématiques dans les lycées en France, il rentre au pays. Chargé de recruter des enseignants dans cette discipline pour une école secondaire, il procède à un appel à candidature. Il reçoit quantité de CV, tous plus impressionnants les uns que les autres : des docteurs, des ingénieurs et même des chercheurs. Il décide de soumettre les candidats à un test très simple, du niveau du baccalauréat : quelques équations différentielles et intégrales, des éléments de trigonométrie, des exercices sur les nombres complexes. Résultat des courses, les notes ont varié entre 0 et 6 sur 20. Sans commentaire. Fort heureusement, il y a des exceptions, telles que l’Université Général Lansana Conté (UGLC) de Sonfonia, classée tout juste après l’Université nationale Gamal Abdel Nasser.
Pour garder le moral face à cet état calamiteux du pays, ceux qui le peuvent ont leurs lieux de rencontre. L’un des plus à la mode à l’heure actuelle est « Chez MJM – Maguy », à Kaporo. C’est un complexe qui a été créé par Justin Morel Junior, journaliste émérite, ancien ministre de la Communication durant la Transition sous Lansana Kouyaté et Dadis Camara (2007-2009).
L’ensemble comprend trois éléments, conçus sur le thème de l’écologie. Il y a Eco-Net, une vaste salle où trônent 50 ordinateurs et une annexe VIP, où les élèves et les étudiants viennent se connecter et naviguer sur l’Internet. A proximité, il y a le siège du site web Conakrynet.info, considéré comme l’un des plus autonomes vis-à-vis des partis politiques. Il y a enfin Eco-Délices, un jardin planté d’essences variées, dont un fucus au feuillage en forme de sphère, un arbre du voyageur qui déploie ses ailes en arc de cercle à trois mètres du sol, des arbres à liane et des plantes vertes. C’est dans ce décor qui vous isole des bruits de la ville que sont disséminées des tables pour la restauration. On y vient le soir pour oublier les tracas de la vie quotidienne.
Le samedi soir, c’est le bouquet avec l’orchestre de maître Barry Mamadou, musicien polyvalent qui joue de tous les instruments à vent : tous les saxos, l’alto, le soprano et le baryton, mais aussi la clarinette et la flûte. Il est assisté du chanteur-compositeur Rizzo Bangoura, un virtuose de la danse, qui parle toutes les langues du pays. C’est un véritable enchantement jusqu’à 2 heures du matin.
Après quoi, le réel reprend le dessus, avec la cherté de la vie, les familles qui ne mangent qu’une fois par jour, le sentiment d’insécurité et l’attente de lendemains qui chantent.
En vertu d’un long cousinage, les Fulbhé ont surnommé les Maninkas « Kappè » (Igname). En retour, les Maninkas appellent les Fulbhé « Diabèrè » (Taro). C’est sans doute, cette petite guéguerre inoffensive qui empêchera la vraie guerre entre ces deux communautés dont l’antagonisme a pris en otage tous les Guinéens.
Les manifestations religieuses et sociales qui se tiennent tous les dimanches et dans toutes les communautés se terminent toujours par l’invocation de Dieu et par des prières pour que « chaque région soit dotée d’électricité, d’eau courante et de goudron (de bonnes routes) ». Le Seigneur va-t-il les exaucer un jour ?
Alpha Sidoux Barry
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