Quelle thérapie pour un grand malade ?
L’actualité socio-politique est trouble en Guinée Conakry. Le week-end écoulé a été marqué par des scènes de violence, de pillage et malheureusement, par des blessés et des pertes en vies humaines. Le déclencheur de toute cette surchauffe est une manifestation de l’opposition pour exiger la transparence lors des élections législatives du 12 mai prochain pour lesquelles elle était partante, dans un premier temps avant de faire savoir qu’elle empêchera, par tous les moyens, leur tenue. Les vieux démons ne sont jamais loin dès lors qu’il est question de politique au pays de Alpha Condé. Pourtant, on avait cru qu’ils s’étaient éloignés après la manifestation, en fin février, de l’opposition et qui s’était déroulée sans heurts. Dans ces mêmes colonnes, nous avions salué cette première et n’avions pas hésité à dire que le temps des manifestations de l’opposition interdites, celui des courses- poursuites entre manifestants et agents des forces de l’ordre, des morts et des casses, etc. étaient révolus. Visiblement, on s’était réjoui trop tôt au regard de la tournure prise par les évènements le week-end écoulé. Certaines scènes comme les tirs à balles réelles et à bout portant sur des manifestants rappellent l’époque pas très lointaine de feu le président Lassana Conté. On a du mal à croire que cela se passe sous le mandat de Alpha Condé, opposant historique et premier président démocratiquement élu de ce pays indépendant en 1958. Hélas, il ne s’agit pas d’un cauchemar ni d’une fiction, mais bien de la réalité. La faute à ce retour aux années de braise est ce manque criard de confiance entre les acteurs politiques concernant les législatives qui devraient être organisées, au plus tard, six mois après l’élection présidentielle qui s’est tenue en fin 2010. Les efforts pour instaurer cette confiance ou, à tout le moins, trouver un terrain d’entente sont restés vains pour le moment. La rupture est telle que, pas plus tard que la semaine écoulée (avant la déflagration du week-end), nous avions suggéré, dans ces mêmes colonnes, une médiation entre les protagonistes qui se regardent aujourd’hui en chiens de faïence. Nous pourrons dire aujourd’hui que nous avons été entendus. Le leader de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, a officiellement appelé à une médiation internationale en vue de sauver ce qui peut l’être encore. Toutefois, le pouvoir de Alpha Condé ne veut pas de ce qui paraît à ses yeux comme une immixtion dans ses affaires intérieures. Le régime mise sur le dialogue qu’il tente d’instaurer avec l’opposition. D’ailleurs, une rencontre est prévue aujourd’hui 4 mars à Conakry entre le pouvoir et l’opposition. Déjà, les opposants emblématiques ont fait savoir qu’ils n’y seront pas. Aux salons feutrés et autres salles climatisées, ils préfèrent la rue où ils comptent battre le pavé pour se faire entendre. Le fossé se creuse de jour en jour entre les protagonistes et l’on se demande ce que l’on peut bien faire pour le réduire, pour rapprocher les positions. Personne n’est disposé à mettre de l’eau dans son vin, à mettre l’intérêt du pays au-dessus de tout pour sauver ce pays qui vit une situation de démocratie d’exception. C’est ce que l’on ne peut s’empêcher de dire, vu que Alpha Condé gouverne seul, sans contrôle d’un appareil comme l’Assemblée nationale. Et si les politiciens guinéens n’y prennent garde, le mandat de cinq ans de l’opposant historique peut s’achever sans qu’ils aient pu doter le pays d’une représentation nationale. D’ailleurs, à la fin de cette année 2013, Alpha Condé sera à mi-mandat. Il lui restera deux ans pour tirer sa révérence. Alors, pourra-t-on en ce moment mettre en place quelque chose pour lequel on s’est tiraillé pendant trois ans ? 2013 est une année charnière pour les Guinéens. Ils doivent en prendre conscience pour ne pas être ceux qui auront inventé en démocratie, l’art de gouverner sans un Parlement. En attendant, on se demande quelle thérapie de choc il faut administrer à ce grand malade pour qu’il se rétablisse pour de bon. Jusque-là, et pour reprendre le titre d’une célèbre émission de télévision, « on a tout essayé ».
Séni DABO
LePays (Burkina Faso)
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