Alpha Condé, il faut partir maintenant. Par Gandhi Barry
J'avais décidé de publier ce papier le 1er avril, mais certains auraient sans doute cru à une blague, le fameux poisson d'avril... ; j'en ai donc différé la publication.
Comme chacun peut le constater, je demande à Alpha Condé d'être lucide et honnête et de voir dans le document que je publie en fichier joint (voir en bas de page) un bilan partiel – d'aucuns diront partial – de son échec cuisant, qu'il s'agit de ne pas poursuivre, sous peine d'aviver des tensions qui deviendront de plus en plus exacerbées, et de retarder encore le nécessaire décollage du pays.
Dans ce document, je ne compare pas les réalisations concrètes de ce régime au projet initial du RPG – qui a d'ailleurs disparu du site de ce parti –, du fait du gouffre qui sépare les nombreuses promesses démagogiques et la réalité. Alpha Condé exerce une gouvernance par l'apparence (et encore, car on ne voit rien), ou plutôt par la communication, ses nombreuses déclarations et annonces à l'emporte pièce ayant fini par lui faire perdre sa crédibilité.
Il est donc nécessaire de demander à Alpha Condé de partir, eu égard aux réalisations économiques et sociales inexistantes (voir partie 1), aux dérives en matière de libertés publiques (voir partie 2), et au blocage politico-institutionnel créé par Alpha Condé lui-même (voir partie 3).
Pour ceux que cela intéresse (il y a environ 25 pages), ils auront le détail de la malfaisance de ce régime à tous niveaux, car à part pour ses soutiens davantage profiteurs de l'État que serviteurs, il n'y a aucune raison de se réjouir.
Voici en résumé ce qu'il en ressort (pour des explications plus détaillées, voir le document joint) :
En matière économique et financière
En matière sanitaire, éducative, et en matière de logement et d'urbanisme, RAS
En matière d'électricité, les Guinéens ont pu constater la tromperie sur la marchandise, par l'affirmation gouvernementale que les villes de l'intérieur du pays étaient électrifiées par des panneaux solaires. Chacun a pu constater qu'il ne pouvait ni charger son téléphone portable, ni glacer son eau ou son jus, ni faire la soudure des portes et fenêtres ou des carrosseries, bref obtenir de l'énergie vitale pour des activités économiques. En outre son directeur général (Abdoulaye Keita) a été viré pour malversations. Certains ont été enfermés pour moins que ça.
En matière de pouvoir d'achat, un taux d'inflation (autrement dit l'impôt des pauvres) à deux chiffres, ce qui rend toutes les déclarations d'autosatisfaction du gouvernement en matière économique, inopérantes.
Au niveau macro et micro-économique, il n'y a aucune visibilité, nous ne savons pas où nous allons, et personne ne peut définir la politique économique du gouvernement. Les différents pouvoirs (et celui-là plus que les autres), se sont toujours placés en position antagoniste vis-à-vis du secteur privé, l’incendie des magasins du grand marché de Madina n'en constituant qu'une illustration supplémentaire, la récente expulsion du dirigeant de BSGR par les autorités actuelles, constituant un autre exemple.
En matière de création d'emplois, si on excepte la fumisterie du porte-parole du gouvernement concernant les faux 42 000 emplois, il n'y a rien à se mettre sous la dent. Par contre le gouvernement ne parle ni des emplois privés perdus – pourtant les plus importants –, notamment à Fria, aux Grands Moulins de Guinée, ni des emplois en délicatesse (Sotelgui, Ciments de Guinée, la Badam, Guicopress, Enco5...), ni ceux liés au départ temporaire ou définitif de certains miniers… (BHP Billiton par exemple, voire Valé et Rio Tinto).
En matière agricole, le gouvernement admet indirectement son échec prévisible, d'une part avec les 5 millions d'€ accordés par Philippe Van Damme (représentant de l'UE en Guinée), pour renforcer la sécurité alimentaire et la nutrition en Guinée, et d'autre part la signature d'un contrat avec le Vietnam pour la fourniture de 300 000 tonnes de riz jusqu'en 2015. Que vont penser nos agriculteurs, dont le gouvernement prône pourtant l'autosuffisance alimentaire, mais qui, en guise d'illustration, subventionne le riz importé ?
En matière minière, personne ne peut indiquer aujourd'hui le contenu des rares accords miniers. En effet, BHP Billiton est parti, BSGR et Valé sont stoppés ou contrariés (n'ont-ils pas voulu payer leur écot ?), Rio Tinto a gelé ses investissements. Non seulement aucun projet n'a vu le jour en dehors de Bellzone, mais l'usine de Friguia (symbole national) a même fermé, sans que le gouvernement ne lève le petit doigt.
Rusal semble avoir – à quelles conditions ? – obtenu le site de Dian Dian (qu'il faudra remettre en cause, vu son caractère nébuleux), mais surtout le fait qu'il n'existe aucune contrepartie concernant l'usine d'aluminium en Guinée et le chemin de fer entre Dian Dian et la côte.
Alpha Condé ne pourra donc plus endormir la population en promettant la lune, puisqu'il n'y a aucun projet minier, la seule base de son développement. Il n'existe donc plus aucune perspective pour les 30 mois à venir...
En matière financière, les finances publiques posent toujours problème, puisque les déficits chroniques – qui persistent – ne servent qu'à assurer les salaires des militaires (en aucun cas pour des investissements) et/ou des fonctionnaires toujours de plus en plus nombreux. Contrairement aux effets d'annonces, on ne voit aucune réduction de la masse salariale, dont ce devrait pourtant être l'un des objectifs prioritaires.
Enfin la gestion personnelle de la cagnotte de Rio Tinto (les 700 millions de $ ne font pas partie du budget), comme les prêts angolais, congolais, les affaires Palladino, et la transaction opaque sur Dian Dian.
En matière de libertés publiques et de droits humains
Ceux qui veulent un bilan macabre – et non exhaustif – d'Alpha Condé depuis le 3 avril 2011 (avec le meurtre de Zachariou Diallo) pourront se reporter au document joint. Il convient simplement de se rappeler les nombreuses mesures anticonstitutionnelles, aussi bien dans les nominations (CNC, médiateur, gouverneur de la Banque centrale,...), que dans les révocations (conseillers communaux, juges de la Cour suprême, plantons, de nombreux fonctionnaires, directeur d'entreprise privée, ...).
De même, il s'est parfois substitué à l'Assemblée nationale pour supprimer un impôt (impôt minimum de développement local), voire à la justice pour annuler arbitrairement et sans indemnisation, ici un bail emphytéotique (la société avicole de Dubréka), là un contrat international (Getma/Bolloré) avec réquisition et saisie de matériels.
De même, il a nationalisé arbitrairement et unilatéralement des entreprises privées, bien entendu sans indemnisation (usines Soguiplast, Soguirep et Sanoya), ce qui ne fera que repousser tout investisseur sérieux en Guinée, tout en montrant aux commerçants qu'ils n'étaient pas les bienvenus, aussi bien pour l'importation de riz, que de manière générale.
Enfin il joue le rôle d'institutions, en substituant à la CENI, le ministère de l'Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD), pour faire illégalement un nouveau recensement.
Des limitations illégales à la liberté individuelle existent avec des restrictions à la liberté d'aller et de venir pour des raisons opaques (Kerfalla Person Camara et Guido Santullo par exemple), voire les mesquineries ou interdictions
En matière de droits de l'homme, depuis deux ans, le gouvernement n'a posé aucun acte sérieux pour faire la lumière sur les crimes passés. Pire, ce gouvernement a poussé la provocation jusqu'à créer un ministère des Droits de l'homme, dont la finalité est de brasser du vent, par des déclarations intempestives, sans aucune conséquence concrète. Des assassinats commis de façon flagrante par les agents des forces de défense et de sécurité pendant son mandat, n'ont fait l'objet d'aucune enquête, et donc par conséquent, n'ont pas fait l'objet de sanctions.
Enfin et surtout, le meurtre de Zakariaou Diallo (officiellement pour pagaille) le 3 avril 2011, a inauguré une répression sanglante de toutes les manifestations pacifiques, initiées par l'opposition ou les populations, excédées par la violation de leurs droits et leur entrave aux libertés fondamentales. Elle est illustrée par toute une série de meurtres et/ou d'assassinats, des pillages ou mises à sac de domiciles et /ou de boutiques, des arrestations et condamnations arbitraires de militants, des révocations pour appartenance politique « non conforme », etc...
Qu'on le veuille ou non, Alpha Condé a donc symboliquement tiré sur une foule pacifique, et pour de mauvaises raisons. Même si certains de ses collaborateurs sont zélés (le gouverneur de Conakry par exemple) et n'ont pas eu le mandat « officiel » de tirer à balles réelles, non seulement Alpha Condé n'a pas révoqué les meurtriers pour faute lourde (il l'a fait en d'autres occasions et pour moins que cela), mais il en a confirmé certains dans leurs fonctions, ce qui prouve qu'il est donc complice de leurs actes.
De toute façon, en indiquant malhonnêtement que les militaires sont dans les casernes, on oublie de préciser que la police et la gendarmerie s'occupent du maintien de l'ordre. Or les gens ignorent sans doute (ou font semblant d'oublier) que les gendarmes sont des militaires, qui dépendent du ministère de la Défense nationale dont le ministre est... Alpha Condé lui même. CQFD.
En dehors des manifestations, des assassinats ont lieu, qui sont souvent le fait de militaires (dont le responsable est Alpha Condé), aussi bien en Forêt (Saoro, Zowota, Guéckedou) qu'à Conakry (Alsény Diakité, frère de Toumba Diakité ; Aïssatou Boiro, directrice nationale du Trésor ; Thierno Soufiane Diallo, et les colonels Issiaga Camara et Abdoulaye Aïdor Ba, arrêtés lors du pseudo-attentat et morts en prison sans jugement ; des commerçants).
Enfin, il faut évoquer le pseudo-attentat du 19 juillet 2011 et la parodie de justice liée à cette affaire, pour illustrer la nouvelle république bananière qu'Alpha Condé souhaite mettre en place en Guinée. On a pu constater que des individus avaient été arrêtés une semaine avant le début de la pièce de théâtre, comme acteurs principaux du faux complot – ce qui suppose donc que certains militaires étaient informés –, et l'arrestation de militaires bien après la date pour abstention délictueuse (sic). Tout le monde devrait avoir honte de cette justice de pacotille.
En matière de gestion politico-institutionnelle
En matière électorale, j'ai tellement écrit sur la CENI et les fraudes électorales, que je n'y reviens pas. La chose la plus insupportable est la mauvaise foi, et c'est une attitude très partagée en Guinée. Personne ne pouvait imaginer qu'un homme officiellement élu avec 52% des voix (mais seulement 18% au premier tour) puisse, dès le lendemain de son élection, contester le fichier qui lui a permis d'être vainqueur.
Aujourd'hui il met tout en œuvre pour réitérer les fraudes qui lui ont permis d'atteindre la place qu'il occupe. Mais le pire reste la storytelling qui serine ses fans, qui sont persuadés de sa victoire. Alpha Condé prétend être un panafricaniste – qu'il le prouve par des actes –, alors que l'Union africaine a déclaré que la diaspora était la 6e région d'Afrique. Or il ne veut pas du vote des Guinéens sis à l'étranger, et vient même de convoquer les électeurs pour le 30 juin 2013, là encore au mépris du Code électoral.
En matière de concorde nationale, les Guinéens n'ont jamais été aussi divisés qu'aujourd'hui, grâce à Alpha Condé qui prétend n'avoir jamais collaboré avec les gouvernements précédents, laissant supposer qu'il s'agit d'intégrité, alors qu'en réalité il n'aime pas les compromis, un comble pour la fonction de chef d'État, dont ce doit pourtant être la première qualité. Il ignore ce qu'est le consensus, préférant voir une majorité imposer sa loi à la minorité, encore que cette majorité n'existe que dans son imagination. D'aucuns diront même que c'est son échec le plus patent.
En matière de népotisme, les anciens présidents n'avaient pas associé – au moins officiellement – leurs fils à la gestion des affaires de l'État. Alpha Condé confie tous les dossiers miniers à son fils que personne ne connaît, au motif qu'il est le seul – de la famille – à parler anglais (sic). Sa seule compétence est donc d'être né le fils de son père. Il avait pourtant promis la transparence, mais c'est néanmoins grâce à la presse étrangère que les Guinéens ont été informés de malversations ... Malgré Mr Propre, la Guinée reste classée par Transparency International comme étant le pays le plus corrompu de l'Afrique de l'Ouest.
Dans les autres domaines d'intervention de ce régime, en dehors des domaines évoqués ci-dessus, et pour lesquelles ce régime n'a pas fait grand chose, il suffit de faire l'inventaire des nombreux ministères existants (une quarantaine), dont le bilan sera d'autant plus facile à faire, qu'il est quasiment nul.
Conclusion
Pour l'instant le changement d'Alpha Condé semble se résumer au mariage (forcé ?) de clans mafieux, à la mise au pas d’une administration qui s'ethnicise, à la soumission d'institutions sans aucune compétence et dignité, et à la volonté d’une armée composée de criminels et de délinquants primaires, de sauvegarder leurs privilèges (30 à 50% du budget national). Toutes ces structures veulent tirer partie des avantages qui accompagnent les différentes fonctions, sans se préoccuper des devoirs.
Évidemment Alpha Condé, qui n'a jamais travaillé, navigue à vue, son seul souci étant de durer et de pouvoir pérenniser son pouvoir. Aujourd'hui l'opposition s'est à juste titre, arc-boutée sur la présence de Waymark comme opérateur électoral. Il en va de toute façon de leur avenir politique immédiat, mais également de l'avenir de la Guinée.
Leur seule issue est toutefois la confrontation, mais au vu du sombre bilan d'Alpha Condé et surtout des perspectives inexistantes, l'opposition doit désormais lutter pour le départ d'Alpha Condé lui-même.
Qu'aurions-nous à attendre pendant 30 mois encore ? Pour faire quoi ? Et ce d'autant que le seul projet d'Alpha Condé (Simandou) est au point mort. Il n'a donc plus rien à proposer, et tout le monde s'impatiente. Aussi bien en Guinée, en témoigne les manifestations politiques, mais également les manifestations spontanées pour l'électricité, pour la liberté de penser, qu'à l'extérieur, où une plainte vient d'être déposée contre les exactions d'Alpha Condé.
Qu'il s'en aille pendant que les conditions semblent encore favorables est son meilleur choix possible, avant qu'il ne soit obligé de le faire... dans d'autres conditions.
Gandhi
Citoyen guinéen
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace » (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, mai 1791).
Suivre le lien pour lire le détail du bilan catastrophique d’Alpha Condé
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