« Nous voulons un Président intègre et soucieux de l'intérêt général »
Nous publions ci-après, à la demande de nombreux internautes, cette interview de l'administratrice de Guineeactu.com réalisée par notre confrère le site Nenehawa.com (voir le lien à la fin de l'interview).
Nenehawa.com a le grand plaisir de présenter à ses lecteurs une grande dame de la communication, l'une des pionnières sur le web guinéen, Mme Adjidjatou Barry Baud. Basée en Suisse, elle apporte des réponses percutantes et pleines de bon sens aux grandes questions de l'actualité: l'élection présidentielle, la place de la femme dans la bataille pour la démocratie, la contribution des Guinéennes à l'extérieur... Elle exprime avec force sa foi dans l'avenir du pays, à condition qu'un leader intègre, patriote et soucieux de l'intérêt général soit porté à la magistrature suprême le 27 juin 2010.
Néné Hawa : Voudriez-vous, Mme Barry Baud, vous présenter brièvement à nos lecteurs ?
Adjidjatou Barry Baud: Je suis Adjidjatou Baud, née Barry, Guinéenne vivant en Suisse depuis une dizaine d’années. Je suis mère de famille et, sur le plan professionnel, j’ai toujours évolué dans le secteur des transports aériens et des voyages, dont je suis devenue une spécialiste. J’ai d’abord travaillé en Guinée, puis au Sénégal, ensuite en France, avant d’arriver en Suisse.
Aujourd’hui, j’essaie de m’impliquer sur toutes les questions concernant le devenir de la Guinée qui nous préoccupe tous, vu l’état de délabrement dans lequel se trouve notre pays depuis 50 ans.
J’assume la fonction d’administratrice du site internet Guineeactu.com, fondé en septembre 2007.
Quelle est, selon vous, la plus chaude actualité en ce jour en Guinée ?
C’est incontestablement l’élection présidentielle qui arrive dans moins de trois semaines et la campagne électorale qui la précède. Vingt-quatre candidats y sont engagés. C’est beaucoup. Mais telle est la loi de la démocratie, que nous devons respecter. Espérons que le verdict des urnes sera celui qui sera proclamé, dans la transparence totale et le respect de la volonté populaire. Des voix se sont élevées pour dire que la nouvelle Constitution aurait dû être adoptée par référendum. Cela est vrai. Mais, dans l’urgence, certaines priorités priment sur d’autres. Dans la situation actuelle de la Guinée, la priorité des priorités est l’élection présidentielle, à condition qu’elle se déroule démocratiquement. Le général Sékouba Konaté a pris toutes les mesures pour qu’elle le soit et je m’en félicite.
Votre site est devenu une référence dans le monde du web guinéen. Quel est votre secret et pouvez-vous nous préciser votre ligne éditoriale ?
Plus qu’un simple site d’informations et d’analyses, Guineeactu.com a pour objectif principal est de proposer une plate-forme élargie d’échanges entre les Guinéens de tous bords.
Cette particularité nous permet d’ouvrir notre site à tout le monde et à toutes les obédiences car nous croyons fermement à la liberté d’expression et surtout à l’importance et à la nécessité de rassembler tous les Guinéens autour de la même table de discussion afin de construire notre cher pays.
Nous demandons à tous les internautes et à tous nos correspondants de s’en tenir aux propositions constructives afin que nous puissions élaborer des solutions adéquates aux problèmes politiques, économiques et sociaux de notre pays. Pour cela, il faut éviter tous les manquements à la courtoisie, les attaques personnelles malheureusement trop fréquentes sur le Net, et par-dessus tout, les injures, qui sont des comportements qui ne peuvent que nous conduire vers la voie de la déraison et de la perdition.
On vous a connu, lu et entendu comme une compatriote en avant-garde de la lutte pour l’égalité des chances entre hommes et femmes en Guinée… Pourquoi les hommes et femmes doivent-ils avoir les mêmes droits ? Et qu’en est-il des devoirs ?
J’aimerais dire à mes sœurs que nous devons nous lever et attacher nos pagnes bien fort. Nous nous devons de ne plus nous dresser en victimes impuissantes mises à l’écart de la direction de notre pays. Nous devons nous battre pour nos droits et la prise en compte de nos idées en ces temps critiques pour l’avenir de la Guinée. Etant une partie très importante de la population guinéenne (majoritaire numériquement), tout gouvernement qui se veut égalitaire et juste doit inviter les femmes guinéennes à la table de décision.
De leur côté, les femmes doivent se mobiliser pour sortir le pays de cet enfer. Nous, les femmes, nous revendiquons l’égalité des sexes, en vertu de la Proclamation universelle des droits de l’homme des Nations unies.
Les femmes ont les mêmes capacités que les hommes. Elles peuvent même aller à la guerre si on le leur demande (voyez les anciennes amazones du Dahomey, actuel Bénin).
Il serait aujourd'hui normal d'encourager les femmes à exprimer légitimement leurs ambitions à vouloir diriger le pays. De plus, nous devons résolument nous battre pour l'avenir de nos enfants. Il est certain que dans ce pays, il existe des femmes capables de conduire le pays à la victoire, victoire contre la misère, pour un avenir meilleur.
L’argument selon lequel les femmes ne sont pas capables ne peut donc plus tenir debout. Nous sommes capables, et nous pouvons le prouver en Guinée aussi. Notre pays, la Guinée, ne peut se libérer des pesanteurs sociologiques actuelles que s’il accepte qu’une femme arrive aux commandes. Cela est possible.
Avez-vous des ambitions politiques, vu que tout tourne autour de la politique sur votre site… ? Ou alors pensez-vous que le problème ou le mal guinéen est uniquement d’ordre politique ?
Pour le moment, je n’ai aucune ambition politique. Tout mon souhait est de voir arriver au pouvoir un homme ou une femme honnête qui aime le pays et qui peut le sortir de la crise actuelle.
Cela dit, il faut admettre que dans toutes les activités humaines, il y a une primauté absolue du fait politique. C’est la politique qui commande la sphère économique et tout le reste. Le remède au mal guinéen est avant tout politique. Prenez le grave problème de la corruption qui mine l’économie guinéenne : il suffit qu’à la tête de la magistrature suprême, il y ait quelqu’un d’incorruptible pour que la corruption soit définitivement éradiquée dans tout le pays. Si le futur président de la République renonce à l’enrichissement personnel, s’il ne met pas en avant sa famille et son ethnie, s’il pense à l’intérêt général avant ses intérêts particuliers, alors la Guinée sera sauvée. En somme, il faut qu’il soit complètement différent de ceux que nous avons connus durant les deux premières Républiques. Vous voyez donc que la prochaine élection présidentielle est décisive.
C’est quoi le Mouvement des femmes guinéennes d’Europe (MFGE) ? Nous sommes curieux de savoir quel est son rôle, ses réalisations et projets.
Ce Mouvement est déjà en marche, par petits groupes en Europe. Il a pour objectif principal de regrouper les Guinéennes vivant à l’extérieur pour les amener à prendre une part active à la construction de notre pays. Nous avons le soutien et l’aide des femmes européennes. Nous proposons que la même structure se mette en place en Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) et en Asie. Ainsi, nous arriverons à réunir toutes les femmes guinéennes à l’extérieur au sein d’un Conseil de coordination des femmes guinéennes à l’extérieur.
Ainsi unies, nous pourrons coordonner l’aide que nous apportons à nos sœurs en Guinée en mettant sur pied, par exemple, des projets de production dans l’artisanat, la petite industrie de transformation, la création de PME et de PMI… Nous pourrons mettre l’expertise acquise à l’extérieur au service du pays.
Quelles sont les responsables de ce mouvement, les conditions d’adhésion et les contacts utiles pour large diffusion ?
Les principales initiatrices du Mouvement sont M’Balou Kébé en Belgique, Sanaba Coné Camara en France et moi-même en Suisse. Il est en cours de structuration et n’est pas encore tout à fait opérationnel, mais le sera très bientôt, à la suite du Congrès constitutif. Pour toute information, s’adresser à l’une d’entre nous.
Que vous inspirent les personnalités féminines suivantes : Rougui Barry Kaba, Fatou Bangoura, Rabiatou Sérah Diallo, Saran Daraba ?
Je ne les connais pas toutes très bien. Mais j’observe que ce sont toutes des femmes courageuses et engagées. En ce qui concerne plus particulièrement l’actuelle présidente du Conseil national de la transition (CNT), Rabiatou Sérah Diallo, je pense que si nous avions au moins dix personnes comme elle à des postes de responsabilité dans notre pays, la Guinée pourrait changer dans le bon sens.
Pensez-vous que l’une de ces quatre femmes ou bien, pourquoi pas, une autre, pourrait gagner une élection présidentielle en Guinée ? Quelle stratégie lui conseilleriez-vous ?
Cela est tout à fait possible. Nous avons un exemple évocateur à côté de nous, avec Ellen Johnson Sirleaf au Liberia voisin. Je reste assurée qu’une femme solide, engagée, avec des capacités managériales et une vision patriotique pour la Guinée pourrait s’imposer à des élections prochaines.
De ces quatre femmes, deux d’entre elles sont leader de parti politique. Je leur souhaite bonne chance !
Comme stratégie, je conseillerai celle qui est valable pour tout candidat : donner l’exemple par sa conduite honorable, se vouer à l’intérêt général et avoir des convictions fermes. Les Guinéens ont fatigués de la misère, de la gabegie et de la corruption. Ils voteront pour le leader qui réussira à s’illustrer comme un atout clé à l’établissement d’une vraie démocratie dans notre pays et à la lutte contre la pauvreté et pour un développement durable. J’observe et je déplore qu’aucun candidat actuel ne place à la priorité des priorités l’alphabétisation de la population comme base du développement. Ce n’est que par ce moyen qu’on sortira la population de l’obscurantisme et qu’on jettera les fondements du véritable développement économique et du progrès social.
Que pouvez-vous nous dire en guise de conclusion ?
J’aimerais une complémentarité, une interdépendance entre les habitants de ce pays, et cela sans aucune exclusion aussi minime soit elle, dans la justice sociale, l’équité et la quiétude, dans un environnement de prospérité. Le peuple de Guinée souhaite fermement et irréversiblement, comme le soutient l’un de nos compatriotes, « substituer la morale à l’égoïsme, la probité aux magouilles, les devoirs aux bienséances, la grandeur des hommes à la petitesse des grands ». Le peuple veut absolument et impérativement un changement radical de la mauvaise gouvernance, unique cause de son malheur.
Je demande au Président de la Transition de profiter de la disponibilité de l'Occident, de l’appui des partenaires au développement afin que d’engager des réformes radicales au sein des Forces armées guinéennes. Cela passe par des initiatives qui permettront la reconversion de nombreux membres du corps militaire vers de nouveaux métiers. Cela peut passer par des formations à grande échelle afin de leur inculquer le civisme qui manque à une grande partie des militaires à l’heure actuelle mais aussi en leur offrant une alternative soit civile soit au sein de la même armée. Les observateurs avertis savent que sans une restructuration profonde de l’armée guinéenne la transition ne pourra aboutir aux résultats escomptés. Le pays a plus que jamais besoin d’une armée républicaine pour que s’enracine la démocratie.
Propos recueillis par Nene Hawa, Source:Guineeactu
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