Guinée : un journaliste « kidnappé » par des agents de la police judiciaire
Alpha Oumar Diallo, administrateur général du site d’informations vérité224.com, a été interpellé hier, mercredi 08 janvier 2020, par des agents de la direction centrale de la police judiciaire et conduit dans les locaux de la DPJ. Les agents l’ont interrogé pendant un moment avant de le mettre à la disposition de son avocat avec obligation de repartir sur les lieux ce jeudi. Le journaliste, qui s’est confié à la rédaction de Guineematin.com, dénonce un kidnapping.
« J’ai été kidnappé à la bluezone de Kaloum et conduit de force à la DPJ. Les agents m’ont tendu piège : un des leurs m’a appelé et s’est fait passer pour un employé d’une banque de la place, il m’a dit qu’il a des informations importantes à me donner. Il m’a dit qu’il n’est pas sûr de ne pas être sur écoute et a demandé à ce qu’on se rencontre pour qu’il me les donne en personne. Il a souhaité que j’aille le rencontrer dans son bureau mais j’ai dit non, je ne vais pas vous rencontrer dans votre bureau alors que je ne vous connais pas. Je lui ai proposé qu’on se rencontre dans un lieu public, précisément à la bluezone de Kaloum, il a accepté la proposition.
Quand je suis arrivé à la bluezone, je l’ai appelé au téléphone, il m’a dit qu’il n’est pas loin et qu’il arrive dans un instant. Peu de temps après, il est venu me trouver sous l’un des hangars qui se trouvent dans l’enceinte de la bluezone, il était accompagné d’un autre monsieur. Quand on s’est vus, il m’a dit de lui donner mon adresse électronique pour qu’il me fasse parvenir des documents. Je lui ai donné mon adresse, mais il m’a envoyé un mail vide. Lorsque je lui ai dit que le mail est vide, il m’a dit qu’il va alors chercher un câble dans sa voiture qui était garée derrière la cour pour venir me transférer les documents. Peu après qu’il soit sorti, il m’a rappelé pour me dire de sortir le trouver dans sa voiture, j’ai refusé dans un premier temps.
Mais, lorsqu’il a insisté en disant que ce sont des informations sensibles, j’ai accepté de sortir. Dès que je suis sorti de la cour, j’ai rencontré deux policiers, en tenue, en compagnie du monsieur qui était venu avec mon contact. Ce dernier s’est présenté finalement en disant qu’il est un lieutenant en service à la DPJ et qu’il a une convocation me concernant, j’ai répondu en disant que je peux être convoqué comme tout autre citoyen mais pas de cette manière.
Il m’a dit de les suivre, j’ai dit non, il faut que j’aille récupérer d’abord mes effets qui sont dans la cour de la bluezone. Mais, ils m’ont barré la route et ont insisté pour que je les suive. Notre dispute a attiré l’attention de plusieurs citoyens, qui se sont mobilisés autour de nous. Finalement, ils m’ont escorté pour que j’aille prendre mes effets. Lorsqu’on est ressortis, ils ont déplacé un taxi pour me conduire dans les locaux de la DPJ », a expliqué notre confrère.
« Quand on est arrivés à la DPJ, j’ai appelé mon avocat, maître Pépé Antoine Lamah, pour l’informer. J’ai appelé également un confrère pour l’informer. Après, les agents ont bloqué mes téléphones et ils ont commencé à m’interroger. Ils m’ont posé beaucoup de questions relatives à mon site d’informations et par rapport à la façon dont je reçois mes informations. J’ai répondu à certaines questions et je me suis abstenu de répondre à d’autres.
Ensuite, ils m’ont demandé pourquoi j’ai écrit un article sur l’affaire de la sextape de M’Bany Sangaré (Secrétaire général de la jeunesse du RPG Arc-en-ciel et directeur de l’office guinéen des chargeurs) alors que c’est une ancienne affaire. J’ai répondu que je parlais des sextapes qui sont devenus récurrentes sur les réseaux sociaux en Guinée et c’est pourquoi j’ai rappelé ce dossier qui concerne un haut cadre de l’Etat. Après cette audition, ils m’ont remis mes téléphones et m’ont dit d’appeler mon avocat pour lui dire de venir. J’ai appelé l’avocat qui est venu me trouver là. Ils m’ont remis à sa disposition et nous ont demandé de repartir à la DPJ ce jeudi matin », ajoute Alpha Oumar Diallo.
A rappeler que selon la loi guinéenne, un journaliste accusé de délit de presse ne doit être interrogé que par la Haute Autorité de la Communication (HAC) ou un procureur de la République. Mais ces derniers temps, plusieurs hommes de médias ont été convoqués et auditionnés par la direction centrale de la police judiciaire (DPJ) par rapport à des articles qu’ils ont écrits ou des émissions qu’ils ont animées.
Lu sur Guineematin.com
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