Ukraine: Zelensky appelle l'ONU à agir immédiatement face aux "crimes de guerre russes"
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté mardi l'ONU à agir "immédiatement" contre la Russie au regard de ses "crimes de guerre" commis selon lui en Ukraine, réclamant notamment son exclusion du Conseil de sécurité, alors que Moscou rejette toute accusation d'exactions.
Après l'onde de choc provoquée par la découverte le week-end dernier de nombreux cadavres à Boutcha, près de Kiev, où l'Ukraine accuse les Russes de massacres, l'Union européenne et Washington ont intensifié leur pression économique et diplomatique contre la Russie dans l'espoir de lui faire lâcher prise.
"Maintenant nous avons besoin de décisions du Conseil de sécurité pour la paix en Ukraine", a déclaré M. Zelensky dans un discours solennel par vidéo retransmis en direct dans la salle de l'institution à New York.
Il a demandé à l'ONU que la Russie soit "tenue responsable" pour ses "crimes de guerre" perpétrés selon lui en Ukraine depuis son invasion le 24 février.
Pour cela, a-t-il ajouté, il faut que la Russie soit exclue du Conseil de sécurité, dont elle est un des cinq membres permanents avec droit de veto, ou que le système onusien soit réformé pour que "le droit de veto ne signifie pas le droit de tuer".
Le président ukrainien a ensuite fait diffuser devant le Conseil de sécurité une vidéo présentant des images très crues de personnes tuées en Ukraine.
Plusieurs corps ou parties de corps figuraient sur ces images, sur un fond sonore accentuant la dramatisation de la vidéo.
Les gens "ont été tués dans leur appartement, leur maison... des civils ont été écrasés par des chars tandis qu'ils étaient assis dans leur voiture au milieu de la route", a décrit M. Zelensky. "Ils ont coupé des membres, tranché la gorge, violé et tué des femmes devant leurs enfants".
En s'exprimant plus tard devant les parlementaires espagnol, il a comparé l'assaut des russes au bombardement nazi de la ville de Guernica en 1937.
Le ministre ukrainien de l'Intérieur Denys Monastyrsky s'est rendu à Boutcha, affirmant ensuite à la presse que "des dizaines de cadavres" restent dans des logements et des forêts alentours.
"Ce que nous avons vu à Boutcha" est "une campagne délibérée pour tuer, torturer, violer, commettre des atrocités", avait déclaré plus tôt dans la journée le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est adressé directement aux Russes mardi, leur disant dans une vidéo qu'ils méritaient de connaître "la vérité" sur les atrocités commises en Ukraine après l'invasion russe, soulignant notamment que les exactions imputées aux Russes à Boutcha avaient "horrifié le monde".
Moscou nie en bloc et accuse les autorités ukrainiennes de préparer des "mises en scène" de civils tués dans plusieurs villes pour faire condamner le Kremlin.
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a estimé mardi soir que la découverte de cadavres à Boutcha était une "provocation" visant à faire échouer les négociations en cours entre Kiev et Moscou.
De nouveaux signalements émergent d'Ukraine selon lesquels plusieurs localités ont subi des actes pires que Boutcha.
"Boutcha n'est pas le pire", a confié Oleksiy Arestovitch, un conseiller de la présidence ukrainienne, sur YouTube. "Quiconque s'est rendu à Borodianka dit que c'est encore pire".
- "Trésor de guerre" -
Après la France et l'Allemagne lundi, l'Italie, l'Espagne et la Slovénie ont à leur tour expulsé mardi en masse des diplomates russes, marquant une nouvelle dégradation des relations avec Moscou après la découverte des dizaines de cadavres près de Kiev. Au total, près de 200 diplomates russes ont été expulsés d'Europe en 48 heures.
Sur le front des sanctions économiques, qui pleuvent sur Moscou depuis son invasion de l'Ukraine, le Trésor américain a annoncé mardi qu'il n'autorisait plus la Russie à rembourser sa dette avec des dollars détenus dans des banques américaines.
Les Etats-Unis vont également adopter mercredi, en coordination avec l'Union européenne et le G7, de nouvelles sanctions visant notamment à interdire "tout nouvel investissement" en Russie, selon une source proche du dossier.
Le Royaume-Uni a gelé 350 milliards de dollars de devises étrangères du régime russe, le "trésor de guerre" du président Vladimir Poutine, a déclaré mardi à Varsovie la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss.
L'Union européenne a de son côté promis de nouvelles sanctions "cette semaine" contre la Russie. La Commission européenne a proposé que les Vingt-Sept cessent leurs achats de charbon russe, qui représentent 45% des importations de l'UE, et qu'ils ferment leurs ports aux bateaux opérés par des Russes.
Sur Twitter, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a appelé l'Union européenne à imposer à Moscou "la mère de toutes les sanctions" afin d'"empêcher de +nouveaux Boutchas+". "Cessez d'acheter du pétrole, du gaz et du charbon à la Russie. Cessez de financer la machine de guerre" de Vladimir Poutine, a-t-il ajouté.
Vladimir Poutine a répliqué en proposant mardi de "surveiller" les livraisons alimentaires russes vers les pays "hostiles" au Kremlin.
- "Phase cruciale" -
Sur le théâtre militaire, des explosions ont été entendues mardi soir dans la petite ville de Radekhiv, à 70 kilomètres de Lviv, la grande cité de l'ouest, a annoncé un responsable local, sans donner davantage de précisions dans l'immédiat.
Près de Kiev, des frappes d'artillerie russes ont fait douze morts dans les villages de Velyka Dymerka et de Bogdanivka, a indiqué le bureau du procureur général d'Ukraine sur Telegram.
Situé loin du front, l'ouest de l'Ukraine est rarement visé par des bombardements depuis le début de l'invasion russe.
A la suite du récent retrait des troupes russes qui assiégeaient Kiev et sa région, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a estimé que la Russie se renforçait pour "prendre le contrôle de l'ensemble du Donbass", dans l'est de l'Ukraine, et réaliser "un pont terrestre avec la Crimée", annexée par Moscou en 2014.
"Nous sommes dans une phase cruciale de la guerre", a-t-il averti, disant redouter la découverte "d'autres atrocités" attribuées aux forces russes en Ukraine.
L'armée russe a affirmé mardi soir avoir abattu deux hélicoptères ukrainiens cherchant à évacuer des chefs d'un bataillon nationaliste défendant Marioupol (sud-est), tout en appelant une nouvelle fois ces défenseurs à déposer les armes.
Marioupol a "dépassé le stade de la catastrophe humanitaire", avait dans la journée affirmé à l'AFP Vadim Boïtchenko, le maire de ce grand port assiégé par l'armée russe, qualifiant d'"invivable" la situation des quelque 120.000 habitants toujours sur place.
La ville, qui comptait près d'un demi-million d'habitants avant la guerre, est détruite "à 90%", a annoncé lundi M. Boïtchenko.
- Catastrophe humanitaire dépassée -
La France a annoncé mardi soir qu'elle allait offrir des moyens financiers et humains pour soutenir les enquêtes sur les massacres imputés aux forces russes en Ukraine, après un entretien entre le président Emmanuel Macron et M. Zelensky.
Pour le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, "tous les signes pointent vers le fait que les victimes (de Boutcha) ont été ciblées délibérément et tuées directement. Et ces preuves sont très inquiétantes".
Des images satellite de la ville publiées lundi par la société américaine Maxar Technologies semblent également réfuter les affirmations russes selon lesquelles les cadavres de personnes en vêtements civils trouvés à Boutcha y ont été placés après que les troupes russes avaient évacué les lieux.
L'AFP a vu samedi dans des rues de Boutcha les cadavres d'au moins 22 personnes portant des vêtements civils.
Selon le maire de la ville Anatoly Fedorouk, 280 personnes ont dû y être enterrées par les Ukrainiens ces derniers jours dans des "fosses communes".
Selon le dernier décompte du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU, plus de 4,24 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis le 24 février, du jamais vu en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
La guerre en Ukraine a des conséquences dans 74 pays en développement, touchant 1,2 milliard de personnes "particulièrement vulnérables à la flambée des prix des aliments, de l'énergie et des engrais", a affirmé mardi le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
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