Sénégal: trois sages-femmes condamnées après la mort d'une femme enceinte qui a ému le pays
Trois sages-femmes ont été condamnées mercredi par un tribunal sénégalais à six mois de prison avec sursis pour "non assistance à personne en danger", après le décès dans un hôpital public d'une femme enceinte ayant vainement attendu dans de très grandes souffrances une césarienne et dont le sort tragique a bouleversé le pays.
Trois autres sages-femmes, également jugées par ce tribunal de Louga (nord), ont été relaxées.
Ce drame avait suscité sur les réseaux sociaux une vague d'indignation contre les carences du système de santé publique dans ce pays et a provoqué des réactions au plus haut niveau de l'Etat.
Selon la presse sénégalaise, Astou Sokhna, mariée et enceinte de neuf mois, est décédée à l'hôpital de Louga le 1er avril après ce que la presse locale a présenté comme une longue agonie et un déni de soin. La jeune femme, qui avait 34 ans selon un avocat de la partie civile, avait attendu pendant une vingtaine d'heures la césarienne qu'elle réclamait.
Le personnel aurait refusé sa demande, arguant que son opération n'était pas prévue, et aurait menacé de la chasser si elle insistait.
Mercredi matin, le jugement a été prononcé en présence des six prévenues et de nombreuses agentes de santé venues apporter leur soutien à leurs collègues poursuivies, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Les trois femmes condamnées avec sursis étaient de garde la nuit où Astou Sokhna a été admise à l'hôpital, a indiqué un de leurs avocats, Me Abou Abdou Daff, joint par l'AFP.
Les trois autres étaient de garde pendant la journée, a déclaré Me Daff, sans plus de précision.
Le parquet avait requis un an de prison dont un mois ferme contre quatre des six prévenues et la relaxe pour les deux autres, lors du procès le 27 avril.
- "Coeur meurtri" -
"Nous ne connaissons pas la motivation du tribunal (pour condamner les trois sages-femmes). Nous allons apprécier pour faire éventuellement un recours", a ajouté Me Daff.
Présent dans la salle d'audience au moment du verdict, le mari de Mme Sokhna, Modou Mboup, a déclaré à l'AFP s'attendre à "un autre" jugement.
"Nous ne contestons pas, bien que nous ayons le coeur meurtri, mais nous nous attendions sérieusement à un autre" jugement, a-t-il confié. "Personnellement, je vais m'arrêter là. Les avocats (de la partie civile) vont voir s'ils vont continuer la procédure", a-t-il ajouté.
"Nous avons mis en exergue ce que tous les Sénégalais déplorent dans les hôpitaux. C'est une victoire. Si nous restons les bras croisés, il pourrait y avoir d'autres Astou Sokhna", a ajouté M. Mboup, en allusion aux accusations de "négligence" visant le personnel médical au Sénégal.
Il a précisé que sa défunte épouse "respectait ses rendez-vous, l'échographie, les analyses".
La nuit du drame, "je l'ai amenée à 09H30 (GMT et locales) à l'hôpital. A part la perfusion, je n'ai pas vu autre chose qu'on lui ait administré jusqu'à son décès à 05H00 (GMT et locales). Si elles (les sages-femmes) avaient fait ce qu'elles devaient faire, peut-être que ça ne se serait pas passé comme ça", a-t-il témoigné.
Un avocat de la partie civile, Ameth Moussa Sall, a indiqué à l'AFP ne pas être "déçu". "L'objectif de la partie civile n'était pas de faire condamner à de la prison ferme. Ce que nous voulions, et le tribunal nous a suivi, c'est une déclaration de culpabilité".
Il a indiqué avoir déposé mercredi une nouvelle plainte visant les six sages-femmes, une gynécologue de l'hôpital de Louga et la direction de ce même hôpital ainsi que l'Etat du Sénégal pour "homicide et faux et usage de faux". "Nous avons demandé que l'Etat soit tenu civilement responsable", a-t-il ajouté.
Face au tollé provoqué par la mort de Mme Sokhna, le président sénégalais Macky Sall avait publié un message de condoléances et donné pour instruction de déterminer les responsabilités.
Le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, avait reconnu le 14 avril que la mort de cette jeune femme aurait pu être évitée avec plus de vigilance.
Le directeur de l'hôpital a été révoqué et remplacé depuis.
Une autre affaire dans un hôpital public a fait scandale récemment. A Kaolack (centre), un nourrisson déclaré mort vendredi par une infirmière puis déposé à la morgue a ensuite été retrouvé vivant par son père quelques minutes après, avant de finalement décéder dans la journée, selon la presse locale.
Le parquet avait annoncé dimanche avoir ouvert une enquête. L'infirmière a été déférée mercredi au parquet après quatre jours de garde à vue.
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