Mali: l'armée française poursuit son retrait, l'ONU inquiéte sur la sécurité
L'armée française a quitté lundi la base militaire de Ménaka, dans le nord-est du Mali, avant-dernière étape du départ de la force antijihadiste Barkhane du pays, où la dégradation sécuritaire s'accélère dangereusement, selon l'ONU.
Les militaires français quitteront le Mali pour de bon "à la fin de l'été" avec le transfert aux forces armées maliennes (FAMa) de leur principale emprise de Gao, a souligné le porte-parole de l'état-major, le général Pascal Ianni, lors d'un point presse.
Les rapports entre la junte au pouvoir à Bamako et Paris, ancienne puissance coloniale, se sont brutalement dégradées ces derniers mois, en particulier depuis l'arrivée au Mali de paramilitaires du groupe russe Wagner, poussant les deux pays à la rupture après neuf ans de présence française ininterrompue pour lutter contre les jihadistes.
Ouverte en 2018, la base avancée de Ménaka, qui hébergeait notamment le groupement de forces spéciales françaises et européennes Takuba, a été transférée à l'armée malienne.
Le départ de Ménaka ce lundi "a été conduit en bon ordre, en sécurité et en toute transparence, dans un contexte où la force Barkhane fait face à des attaques informationnelles régulières visant à entacher son action et sa crédibilité", a commenté le général Ianni.
Au lendemain de la précédente rétrocession d'un base française, en avril à Gossi, l'état-major français avait diffusé des vidéos tournées par un drone montrant des paramilitaires de la société russe Wagner en train d'enterrer des corps non loin de l'emprise, en vue de faire accuser la France de crimes de guerre.
La base de Ménaka, elle, se situe dans la région dite des trois frontières, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, dans laquelle les militaires français se sont longtemps battus pour entraver l'implantation des groupes jihadiste affiliés à l'Etat islamique (EI).
Cette base hébergeait également le groupement de forces spéciales françaises et européennes Takuba, chargé d'aider les forces maliennes à gagner en autonomie. Cette opération initiée par la France est aujourd'hui obsolète, la coopération avec les FAMa ayant de facto cessé.
Le retrait en cours des forces françaises et européennes de cette zone inquiète nombre d'acteurs, qui constatent une recrudescence d'activité des groupes armés.
Les Nations unies, qui examinent ce lundi le renouvellement de leur mission au Mali (Minusma), forte de quelque 14.000 Casques bleus et policiers, tirent la sonnette d'alarme sur le vide sécuritaire créé par le départ des forces étrangères.
- Moins de pression sur les jihadistes -
"Depuis le début de cette année, nous avons constaté une détérioration de la zone des trois frontières avec des effets conséquents sur les régions de Ménaka et de Gao", alors que la force Barkhane plie bagage, a indiqué lundi l'émissaire de l'ONU pour ce pays au Conseil de sécurité, El-Ghassim Wane, qui n'exclut pas une attaque jihadiste contre la ville de Ménaka.
"Si ce scénario devait se concrétiser, la base de la Minusma (à proximité, ndlr) risque d'être perçue comme le dernier refuge pour les civils fuyant la violence", a-t-il estimé. Or "avec un minimum de forces maliennes dans la région et quelque 600 soldats de la paix (...) la capacité de la Minusma à organiser une réponse efficace est limitée", a-t-il averti.
Les maigres informations remontant de cette immense zone reculée et difficilement accessible font état de centaines de civils tués et de milliers de déplacés ces derniers mois dans les régions de Ménaka et Gao plus à l'ouest.
"Nous avons toujours dit qu'il fallait poursuivre les efforts dans cette zone et que les FAMa n'étaient pas forcément en mesure de le faire" seuls, réagit un haut gradé français.
Barkhane au Sahel, la plus grosse opération extérieure actuelle de la France, a mobilisé jusqu'à 5.500 hommes sur le terrain en 2020. Paris avait décidé de réduire la voilure l'été dernier, fermant ses bases militaires avancées les plus au nord du Mali - Kidal, Tessalit et Tombouctou, avant qu'Emmanuel Macron décide en février un retrait militaire total du Mali, sur fond de tensions extrêmes entre Paris et Bamako.
Toutefois, "la réarticulation de la force Barkhane (...) ne marque pas le départ des armées françaises de la bande sahélo-saharienne", fait valoir l'état-major français, en assurant que "l’engagement dans la lutte contre le terrorisme, aux côtés des Etats de la région, à leur demande (...) reste une priorité absolue".
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