Violence jihadiste au Burkina: Damiba appelle à "la cohésion" au côté de Compaoré
Le chef de la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba, a appelé vendredi à Ouagadougou, au côté de l'ex-président Blaise Compaoré, à "la cohésion sociale au regard de la situation difficile" que traverse son pays en proie à la violence jihadiste.
Le lieutenant-colonel Damiba, qui a pris le pouvoir par un coup d'Etat le 24 janvier, avait lancé un appel à rencontrer des anciens présidents burkinabè, à laquelle seuls deux d'entre eux ont participé, dont M. Compaoré, rentré jeudi dans son pays après 8 ans d'exil pour l'occasion.
L'objectif affiché était de sceller "la réconciliation nationale" afin de lutter plus efficacement contre les violences jihadistes meurtrières qui se multiplient ces derniers mois au Burkina.
"Cette rencontre a porté principalement sur la recherche d'une paix durable dans notre pays", a déclaré M. Damiba, dans une déclaration faite à l'issue de la réunion. "Nous sommes convaincus que c'est seulement dans la cohésion sociale et dans l'unité que les forces qui combattent en ce moment même le terrorisme seront davantage déterminées et auront plus de succès", a-t-il ajouté.
Le chef de la junte s'exprimait aux côtés des deux ex-chefs d'Etat ayant répondu favorablement à son invitation: Jean-Baptiste Ouedraogo (1982-1983) et Blaise Compaoré, président de 1987 à 2014 avant d'être contraint à l'exil en Côte d'Ivoire à la suite d'une insurrection populaire.
Isaac Zida qui avait brièvement pris le pouvoir en 2014 et actuellement en exil au Canada, Michel Kafando (2014-2015) et Roch Marc Christian Kaboré, élu en 2015 avant d'être renversé en janvier, avaient également été conviés.
- "Effrayant, dramatique" -
MM. Compaoré et Ouedraogo ont publié en fin d'après-midi un communiqué dans lequel ils soulignent que la réunion avec M. Damiba "a eu pour unique objet une concertation sur le péril commun qui nous menace jusqu'à notre existence même, en tant que Nation, en tant qu'Etat".
"Quand la violence armée pousse près de deux millions de nos compatriotes à fuir de chez eux pour trouver refuge ailleurs dans le pays, quand les terroristes tuent, pillent impunément nos compatriotes et que les survivants dépendent encore aujourd'hui largement de l'assistance humanitaire, reconquérir les territoires occupés, restaurer l'autorité de l'Etat est l'urgence absolue", estiment-ils.
Ils notent qu'"aucune région de notre pays n'est épargnée. Et nous avons appris récemment que plus de la moitié de notre territoire est hors contrôle: c'est effrayant, c'est dramatique".
C'est grâce "au dépassement des clivages politiques, générationnels, ethniques, religieux et autres croyances traditionnelles, que nous parviendrons à rebâtir ensemble les fondements du pays dans un sursaut patriotique", affirment-ils.
Le retour de M. Compaoré, qui a régné pendant 27 ans sur son pays, a suscité de nombreuses critiques: il a été condamné par contumace le 6 avril à la prison à perpétuité pour son rôle dans l'assassinat de son prédécesseur Thomas Sankara, icône panafricaine, lors du coup d'Etat l'ayant porté au pouvoir en 1987.
Des dizaines de manifestants se sont rassemblés dans la matinée à Ouagadougou devant le domicile du président renversé Kaboré pour l'empêcher de participer à la réunion des ex-présidents et de M. Damiba.
- "Mascarade" -
"Face à la polémique grandissante, (sur le retour de M. Compaoré, ndlr) me préparant pour aller à la réunion, je me suis retrouvé dans la situation où devant ma porte, des personnes étaient mobilisées, exigeant que je n'aille pas à cette rencontre", a déclaré pour expliquer son absence M. Kaboré, lors d'une conférence de presse à son domicile, tenue après la réunion.
Mais, a-t-il dit, "en tant que chefs d'Etat nous devons faire preuve de sagesse, respecter les opinions et rechercher les meilleures voies vers la réconciliation", ajoutant: "Je salue l'intervention du président Damiba."
"Kaboré bouge pas!", scandaient ses sympathisants devant sa maison.
"Ce n'est pas le rôle de Damiba qui a fait un coup d'Etat de réconcilier les gens. Ce n'est pas une réconciliation, c'est une mascarade", a affirmé à l'AFP, Boukari Conombo, président du Brassard noir, un mouvement de la société civile, également présent devant le domicile de M. Kaboré.
Car au sein de certaines organisations de la société civile et d'avocats, la présence de M. Compaoré sur le sol burkinabè avait également du mal à passer.
Prosper Farama, membre du collectif des avocats de Thomas Sankara, a estimé que "les putschistes, parce que c'est comme ça qu'il faut les appeler, pseudo réconciliateurs, tentent d'assassiner tout simplement l'état de droit, la démocratie au Burkina. Il n'y pas une autre lecture à faire".
Le Front patriotique, qui regroupe une vingtaine d'organisations et de partis politiques, a rappelé qu'un "mandat d’arrêt international a été lancé contre" M. Compaoré, "qui n’a jamais daigné se présenter devant la justice" et qui "devrait être immédiatement arrêté et conduit" en prison.
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