« GUINEE IS BACK » : PEUT-ETRE UNE NOUVELLE IMPOSTURE PLUS TERRIFIANTE ?

La Guinée « is back », telle a été la devise de notre nouveau président après son investiture. Malheureusement pour lui, les proclamations vertueuses restent des slogans vides lorsque celui qui les proclame n'en a ni les compétences, ni les convictions. Et c'est le cas ici, comme cela l'avait été avec ses prédécesseurs.

Il est navrant de constater que notre pays soit encore livré à des hommes médiocres et incapables de bâtir un plan de développement cohérent. Leur devise semble être la conquête du pouvoir à n'importe quel prix et, bien sûr sa confiscation par n'importe quel moyen y compris les plus ignobles, tel a été la raison d'être de ceux qui l'ont toujours exercé en Guinée. Cette conception machiavélique fait de la possession du pouvoir et de sa jouissance le seul ressort de leur engagement politique. Ce qui affaiblit très tôt l'idée nationale. L'intérêt général cède donc la place aux considérations mercantiles et claniques. Ainsi selon cette mentalité, quiconque dans ce système, qui se voit gratifié d'un poste dans le gouvernement, la haute administration ou une entreprise nationale, n'est pas quelqu'un à qui l'on assigne une mission dans l'intérêt général pour ses compétences, son intégrité, son courage qui sera jugé sur ses résultats et sanctionné le cas échéant. Non. C'est un allié potentiel que l'on récompense ainsi pour sa fidélité et son zèle et son parti pris pour le Président en place. Ce dernier dans sa politique politicienne offre à l'emporte pièce des postes lucratifs et léonins à ses affidés malgré leur médiocrité et leur incompétence. C'est bien ce qui explique le recyclage des prédateurs de l'ère CONTE auprès du régime actuel, qui ambitionne être l'incarnation du changement.

Les despotes successifs ont toujours su conjuguer en un désastreux et paradoxal mariage, l'omnipotence et l'impotence, la légitimité démocratique et l'abus des lois, l'aveuglement croissant et l'illusion de l'infaillibilité, l'Etat Républicain et le favoritisme, l'impopularité et le contentement de soi. Toujours couverts de divers masques, portant des noms adaptés aux circonstances du moment (Responsable Suprême de la Révolution, soldat de la liberté et justicier, capitaine patriote, Général père de la démocratie et maintenant leader historique). Ces dirigeants prétendent tous lutter pour des causes justes, alors que leur motivation réelle est tout autre. Ils ont ceci de commun : leur maintien coûte que coûte au pouvoir.

Tous ces régimes malgré leur durée ont provoqué des désastres économiques, des crimes politiques et surtout des drames humains. Car même si on veut réparer leurs méfaits, la réparation restera partielle, parce qu'elle ne remplacera pas ce qui aurait pu être fait sans les aberrations commises. On ne rattrape pas les occasions perdues, ni les torts causés au pays, sans oublier toutes ces innocentes victimes de ces différents régimes.

Je reprends ici à mon compte une réflexion de mon ami Sy Savané de Rouen selon laquelle la Guinée a toujours été considérée par ceux qui se sont hissés à sa tête comme une opportunité à ne pas rater pour s'enrichir, à l'instar d'un commerçant qui tomberait sur une occasion à saisir pour en tirer un maximum de profits. Le supposé opposant « historique », qui se présenta à nous en homme providentiel, prônant la rupture avec le passé ne déroge pas à la règle. M. Alpha Condé apparait maintenant sous sa vraie nature, celle d'un extravagant et insatiable prébendier. Son pouvoir n'est pas un moyen de gouverner en vue du bien commun, mais de s'enrichir bien au delà des nécessités qui découlent de l'exercice normal de sa fonction et de distribuer à ses proches et certains partis politiques le fruit de ses prébendes financées par le montage d'opérations minières, véritables instruments à piller le pays, sans encourir la moindre punition..

Le Président actuel, à coups de proclamations télévisées, exerce avec un grand talent le rôle de pourfendeur de la corruption. Projet louable. Mais peut-on pour autant, admettre la sincérité de ce combat en sachant qu'il s'est entouré d'alliés prédateurs. Soulignons au passage que son fameux rapport d'audit est devenu dans ses mains, un outil de chantage, avec lequel il entend intimider politiquement certains de ses adversaires. Son conseiller stratégique, principal auteur de l'audit politique, peut-il avouer au pays la provenance des capitaux avec lesquels il a financé son école ? Quelle est la crédibilité de ce conseiller, lorsqu'il trompe les jeunes guinéens en baptisant université, une école qui a juste le niveau d'un bon collège et dont les Professeurs ne peuvent pas suivre dans une classe d'une terminale d'un bon niveau ? Dans un autre pays, ce conseiller serait immédiatement démis de ses fonctions, poursuivis et condamnés pour publicité mensongère, faux et usage de faux. Car, par le truchement de son « université », le conseiller de M. Alpha Condé a abimé l'avenir de milliers de jeunes guinéens. Cela s'appelle un CRIME.

Les Guinéens sont désorientés depuis son investiture. Ils constatent l'absence de cohérence dans le choix des hommes et surtout le manque de lisibilité de sa gouvernance.

Pourtant personne n'ignore que l'urgence du moment, réside dans la mise en œuvre de la réconciliation nationale qui passe obligatoirement par la justice et la vérité et non pas l'exaltation partisane et/ou le dirigisme étatique qui sont contreproductifs au regard des défis à relever.

Alpha CONDE voulait le pouvoir à tout prix. Il a pouvoir. Il l'exerce sans frein d'aucune sorte Cependant, on est interloqué par tant d'improvisations alors qu'on croyait naïvement qu'il s'y était préparé pendant toutes ces années pour exercer la magistrature suprême à la grande satisfaction des populations. Par contre les guinéens ne sont pas au bout de leur surprise. Ils constatent en peu de temps la forte propension de leur Président à faire le contraire de ce qu'il a toujours préconisé. Plus il prône la vertu, moins il se conforme à ses principes, plus il se réclame des valeurs, moins il les respecte. C'est pire que TARTUFFE au pouvoir, qui développait au moins avec les siens, un projet d'une autre envergure. On croyait avoir tout vu mais non. M. Alpha Condé semble avoir des réserves inépuisables de diables à ressort pour occuper seul la scène politique et occulter les vrais problèmes des Guinéens.

Celui qui prônait la rupture avec les méthodes du passé a fait appel aux pires prédateurs pour gérer la Guinée, sachant que ceux-ci sont responsables de la déchéance politique et économique et sociale du pays, dans le dessein machiavélique de garder le pouvoir jusqu'à la fin de ses jours.

Le pays s'enfonce dans la misère et l'improvisation absurde. Et les guinéens découvrent tous les jours, à leur corps défendant, qu'au lieu de résoudre leurs difficultés, le nouveau régime sape leur moral. Ils ne perçoivent toujours pas cette renaissance de la gouvernance publique tant célébrée pendant la campagne présidentielle. Sachant que toute politique est basée sur un certain nombre d'engagements et de prévisions. Ceux préconisés par ce pouvoir se révèlent pour l'instant être une effroyable imposture.

Le « leader historique », qui s'est toujours présenté à nous en champion des valeurs républicaines et du désintéressement, a un grand problème, insoluble pour lui et par lui : mettre ses actes en accords avec les principes qui n'étaient pour lui, que des slogans. Beaucoup de Guinéens s'attendaient vraiment à un véritable changement dans la gestion publique. Un changement qui passe inéluctablement par la promotion des cadres intègres, après enquête de moralité en tenant compte de leurs parcours professionnels, de leur compétence et de leur capacité. Mais nous assistons à un changement dans la continuité des régimes précédents.

Les guinéens sont en tout cas déterminés à ne pas vivre en permanence cet éternel recommencement qui n'aboutit à aucun résultat tangible de développement. En politicien avisé, M. Condé ne peut donc pas ignorer sur quel chemin et vers quels abîmes il est en train de conduire le pays. Lui est-il encore possible de changer radicalement de politique qu'il n'a jamais eue, et de renverser le cours des évènements qu'il a lui-même déclenchés directement ou indirectement ? L'hypothèse, chaque jour devient un peu plus improbable. En tout cas l'immense majorité des guinéens commence à sentir obscurément qu'à force de duplicité et de contradictions la période ouverte par l'accession au pouvoir de Monsieur Alpha Condé se terminera dans la désillusion.

Nous Guinéens, nous sommes très vraisemblablement dans une nouvelle imposture. A chacun d'y réfléchir. Nous, nous n'avons pas de pays de rechange. M. Alpha ondé lui, en a. A presque 75 ans, il a passé 61 ans de sa vie à l'extérieur de la Guinée.

Dr Abdoul BALDE (Rouen)

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