Maroc : quand l’indifférence royale coûte des vies innocentes

Le Maroc, terre de soleil, de traditions et d’histoire millénaire, pleure ses enfants tombés dans les ténèbres. Littéralement. Les drames se répètent, les puits avalent les plus jeunes, les plus innocents, et les réponses officielles se font attendre ou se noient dans un flot de promesses creuses. Le souvenir douloureux de Rayan, ce petit garçon de 5 ans décédé au fond d’un puits en février 2022, aurait dû constituer un électrochoc national. Il n’en fut rien. Deux ans plus tard, l’histoire se répète, presque à l’identique, et le silence du roi Mohammed VI, souverain au pouvoir absolu, est devenu aussi assourdissant qu’absent.

Des vies sont fauchées dans un silence politique glaçant

Il est difficile de rester insensible face aux drames qui secouent régulièrement les campagnes marocaines. Encore récemment, à El Aouamra, un enfant de trois ans est mort noyé dans un puits non couvert à deux pas de chez lui. L’enquête ouverte, comme toujours, visera à « déterminer les responsabilités », comme si l’on ne les connaissait pas déjà. Comme si ce n’était pas une énième preuve de l’échec de l’État marocain à garantir une sécurité élémentaire à ses citoyens les plus vulnérables.

Plus alarmant encore est le fait que ces tragédies ne sont pas des cas isolés. Chaque mois ou presque, la presse locale rapporte des accidents similaires. Des enfants disparaissent, des familles sont brisées, et des vies sont fauchées dans un silence politique glaçant. L’affaire Rayan avait pourtant mobilisé toute l’attention du pays, et au-delà. Le monde entier retenait son souffle pendant cinq jours. Bulldozers, secouristes, hélicoptères… Le Maroc s’était donné en spectacle, offrant au monde une vitrine d’humanité et de mobilisation. Mais cette mobilisation, bien que sincère dans sa forme, n’a pas accouché d’un changement structurel. Une fois les caméras éteintes et les hashtags oubliés, les puits sont restés ouverts, béants, prêts à engloutir d’autres Rayan.

Mohammed VI et ses propres priorités

Alors que fait le roi Mohammed VI ? Où est le souverain lorsque les enfants de son peuple meurent dans des conditions aussi évitables ? Son silence n’est pas une absence fortuite. Il est le symbole d’un désengagement profond envers les priorités sociales du pays. Ce même roi, prompt à parader dans ses palais, à signer des contrats d’armement de plusieurs milliards de dirhams, reste invisible quand il s’agit de mettre en place des infrastructures de base dans les zones rurales. Il est toujours plus aisé de bomber le torse face à l’Algérie voisine que de se pencher sur les réalités accablantes de son propre peuple.

L’impunité administrative et la faiblesse de l’État dans les régions rurales du royaume trahissent une gouvernance à deux vitesses. Une élite urbaine protégée, informée, connectée… et un Maroc périphérique, oublié, abandonné, où creuser un puits non sécurisé est parfois la seule option pour survivre à la sécheresse. Mais à qui la faute si ces puits, au fil des années, se transforment en pièges mortels ? Aux familles sans moyens ? Aux paysans sans ressources ? Ou au pouvoir central, qui, par inaction et par négligence, a laissé s’installer cette tragédie silencieuse ?

Les morts les plus médiatisées n’atteignent pas le palais royal

L’État marocain dispose pourtant des moyens techniques, humains et financiers pour éviter ces drames. Il pourrait imposer des normes strictes de sécurité pour tout forage. Il pourrait organiser un recensement des puits ouverts et initier une vaste opération de couverture ou de remblayage. Il pourrait, surtout, sensibiliser les populations rurales, en particulier les familles, aux dangers de ces installations. Mais ces efforts nécessitent une volonté politique. Une volonté royale. Or, celle-ci semble faire défaut.

Le souvenir de Rayan n’a pas suffi. Ni ceux des enfants d’Inezgane, de Fkih Ben Salah, ou d’Al Hoceima. Même les morts les plus médiatisées ne semblent pas atteindre le palais royal. Pourtant, un souverain qui se prétend « commandeur des croyants » ne peut détourner le regard devant tant de souffrance humaine. Où sont passées les promesses de régulation après le drame de 2022 ? Où est passé le projet de loi sur les forages de puits, tant attendu au Parlement ? Que vaut une monarchie si elle ne protège pas ses enfants ?

Continuer à panser ses plaies avec des larmes.

L’indignation ne suffit plus. Le Maroc ne peut continuer à panser ses plaies avec des larmes. Il est temps d’agir. Il est temps d’exiger des comptes. Ce n’est pas seulement une question de politique publique. C’est une question de dignité nationale. Il ne s’agit pas de sauver des vies uniquement lors de grandes opérations spectaculaires sous les projecteurs. Il s’agit de prévenir, de protéger, et de respecter la vie, même dans les coins les plus reculés du royaume.

Rayan est devenu un nom gravé dans la mémoire collective. Mais tant que les puits resteront ouverts, tant que les lois resteront lettre morte, et tant que le roi détournera les yeux, d’autres prénoms s’ajouteront à la liste. Et cette fois, Mohammed VI et tout la Cour royale ne pourra pas dire qu’ils ne savaient pas.

Afrik.com

Commentaires