DSK : une plaignante sans histoire selon le New York Times
Sept signatures pour une enquête : le New York Times n'a pas lésiné sur les moyens pour un long article qui s'affiche en gros titre, ce mercredi matin, à la une de l'International Herald Tribune, son édition internationale (photo ci-dessus). Objet de cette attention : Nafissatou D., la victime présumée de Dominique Strauss-Kahn dans la suite 2806 du Sofitel de New York.
Le New York Times dit avoir interviewé de nombreuses personnes, en Guinée ou à New York, pour retracer le parcours et la personnalité de la plaignante – dont le nom n'est jamais donné, pas plus que celui de ses proches, le quotidien américain ayant pour politique de ne pas révéler l'identité des victimes d'agressions sexuelles. Bien que son nom soit sorti dans la presse américaine.
Une enfance pieuse et traditionnelle en Guinée
Alors que la défense de l'ancien directeur général du FMI s'appuie en partie sur les « failles » possibles dans la biographie de la jeune femme, afin d'affaiblir son témoignage, le New York Times n'a rien trouvé contre elle. Au contraire, il dépeint une enfance pieuse et traditionnelle, fille d'un imam de village en Guinée, aujourd'hui décédé.
Durant ses premières années, elle n'a appris que le Coran à la maison, sur des tablettes en bois, comme dans les meilleures traditions des écoles coraniques.
Selon les journalistes du New York Times, la jeune fille a été mariée de force par son père à l'age de 13 ans. Selon ses frères interviewés par le journal, elle n'a pas eu d'autre choix que d'obéir. Puis son mari a succombé à la maladie, et la jeune femme, devenue mère d'une fillette, est allée vivre avec son frère à Conakry, la capitale guinéenne.
En 2002, elle s'est décidée à tenter sa chance en émigrant aux Etats-Unis, où l'une de ses sœurs l'avait déjà précédée. Elle ne parlait pas un mot d'anglais. « Tout le monde veut aller aux Etats-Unis », déclare son frère Mamadou.
Les conditions de son immigration
Le New York Times reste discret sur les conditions de son immigration aux Etats-Unis. C'est l'un des points que les avocats de la défense vont étudier, en se basant sur l'idée que la vaste majorité des candidats à l'immigration mentent sur au moins un point de leur formulaire tant les conditions sont strictes. S'ils arrivent à le prouver, ce « mensonge » décrédibilisera la plaignante aux yeux du jury.
Sur sa vie à New York, malgré les moyens déployés, le New York Times n'a rien découvert de particulier sur cette mère célibataire, qui a travaillé dur pour élever sa fille. D'abord dans un restaurant ouvert par un immigrant gambien, Marayway, dans le Bronx, puis au Sofitel, la chance de sa vie.
Un proche raconte que sa seule distraction était de regarder des DVD nigérians à la télévision chez elle, et parfois d'aller au café 2115 de Harlem, où se retrouvent des Africains francophones pour voir des programmes télé en français.
Une vie sans histoire, donc, pour cette Fulani (ou Peul), membre d'une minorité ethnique guinéenne victime de persécutions par le passé, qui se retrouve aujourd'hui au cœur d'une des affaires judiciaires les plus disputées au monde.
Le plaidoyer de la défense de DSK
Une vie sans histoire ? C'est ce qu'essayent de vérifier les avocats de Dominique Strauss-Kahn, qui se sont sentis obligés, mardi, de publier un communiqué pour expliquer leur démarche, certaines voix, en France, notamment à gauche, s'étant offusqué de l'intention qui leur est prêtée de « démolir » la victime présumée.
Dans leur communiqué, William Taylor et Benjamin Brafman déclarent :
« D'après ce que nous comprenons, certains, en France, rapportent que la stratégie de la défense de M. Strauss-Kahn viserait à salir injustement la plaignante : grâce aux ressources financières de ce dernier, ses avocats auraient l'intention de manipuler le système judiciaire américain pour obtenir un résultat favorable. »
Ils expliquent les différences entre les systèmes américain et français, en particulier l'absence d'instruction indépendante, et donc la nécessité pour la défense de faire ses propres enquêtes pour ne pas dépendre des informations fournies par l'accusation :
« Il serait par conséquent plus que téméraire, pour n'importe quel avocat de la défense et dans n'importe quelle affaire aux Etats-Unis, de ne s'appuyer que sur les éléments fournis par l'accusation. Il est de son devoir éthique que de mener sa propre enquête. »
Les avocats se disent convaincus que DSK sera reconnu innocent des accusations de la jeune femme. Mais, à croire l'enquête du New York Times, il leur sera difficile de trouver des éléments pour décrédibiliser son témoignage. L'article du quotidien américain de référence aura assurément soulagé l'accusation.
Source: rue89.com
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