Les variables de corruption et de recettes publiques ( Par Dr Mamadou Aliou BAH )

La variable explicative d'intérêt est la corruption. Les données auraient dû être basées sur des observations directes des actes de corruption mais l'information disponible est seulement indirecte en raison de la complexité des transactions et de leur clandestinité.

La littérature suggère donc deux catégories d’indicateurs : les indicateurs objectifs et les indicateurs subjectifs. Les indicateurs objectifs sont des tentatives de mesures directes de la corruption : le nombre de fonctionnaires accusés de cas de corruption, les montants des pots-de-vin dans les transactions de corruption entre les fonctionnaires et les entreprises ou encore l'écart entre les quantités physiques des infrastructures et le prix cumulé payé par le gouvernement sur le stock de capital. Mais ces indicateurs se prêtent plus à des analyses microéconomiques et ne sont pas disponibles pour un grand nombre de pays. Avec une performance médiocre par rapport aux pays de l'Amérique Latine et Caraïbes au début des années 2018, les pays de la CEDEAO ont enregistré des recettes publiques plus élevées que ce même groupe de pays jusqu'en 2005. S'agissant de la structure des recettes publiques, plusieurs tendances se dessinent.

Le modèle est d'abord estimé par la méthode des Moindres Carrés Quasi-Généralisés (MCQG). Elle repose cependant sur l'hypothèse d'absence de corrélation entre les variables explicatives et les effets spécifiques des pays. Mais en présence des erreurs de mesure et d'une faible variabilité temporelle de la variable d'intérêt, l'utilisation de la méthode des effets fixes n'est pas appropriée. Au côté de la variable de corruption, des variables corrélées avec l'assiette fiscale ont été introduites : le Produit intérieur brut par tête, le taux d'ouverture commerciale et le taux de monétarisation de l'économie. On contrôle également pour le civisme fiscal. Celui-ci est capté à travers des variables de l'action publique : les dépenses d'éducation et de santé et une variable de résultat : le taux de mortalité infantile. Une variable d'inflation capte l'efficacité des politiques macro-économiques. Enfin, des variables muettes captent les spécificités régionales.

LE CORRUPTION ET LE NIVEAU DE PRELEVEMENT PUBLIC

Il apparaît que la corruption affecte négativement les taux de prélèvement public. Quant aux autres variables du modèle, il ressort que le niveau de développement affecte positivement le prélèvement public par un élargissement de l'assiette. Dans le même sens, on met en évidence le rôle positif du civisme fiscal sur les recettes publiques. Un accroissement des dépenses publiques d'éducation et de santé d'une unité conduit à une augmentation des ressources publiques. Une réduction du taux de mortalité infantile encourage le civisme fiscal.

Le problème d'endogénéité

La variable de corruption peut être endogène. En effet, dans un contexte de corruption généralisée dans les administrations publiques, les agents n'hésitent pas à se livrer à des actes de corruption. L'environnement institutionnel étant faible, le risque de détection et de sanction est négligeable, créant par l'occasion un terrain propice à des comportements malhonnêtes ; d'où une expansion des fraudes fiscales. La faiblesse des recettes publiques limite l'action de l'État. Il lui devient alors difficile de bâtir des institutions solides et de créer des mécanismes d'incitation favorables au développement des activités économiques. Aussi, un certain cercle vicieux émerge où la corruption exerce un effet néfaste sur la performance économique des agents et les politiques fiscales, lequel phénomène continue à alimenter la corruption.

L'effet de la corruption suivant la structure des recettes publiques

A ce stade de l’analyse, nous allons nous intéresser directement aux estimations en variables instrumentales. Il apparaît une relation négative entre la corruption et la part des impôts directs dans les recettes totales. Le même résultat est obtenu sur la TVA et les autres taxes. En ce qui concerne les taxes sur le commerce international, il apparaît que la corruption a un effet positif sur la mobilisation de ces impôts. Ces résultats signifient que la corruption accroît le caractère distorsif des prélèvements publics.

Globalement, ces facteurs sont en première position en termes de contribution à l'effet indirect de la corruption sur les variables de la fiscalité que sont les recettes totales et les impôts sur le commerce international. Ainsi donc, l'effet combiné des trois variables de civisme fiscal semble être déterminante (à 251%) dans l'influence négative de la corruption sur les recettes totales. De plus, l'effet indirect négatif apparaît surtout dans les dépenses publiques d'éducation. Les impôts directs et la TVA présentent la particularité d'être affectés différemment par le canal corruption-civisme fiscal. En effet, pour ces deux postes, sans pour autant négliger les variables ayant trait à l'incitation fiscale, c'est l'effet des autres variables (en l'occurrence le PIB par tête) qui l'emporte. On notera toutefois que, parmi les variables d'incitation fiscale, ce sont toujours par le biais les dépenses publiques d'éducation que la corruption affecte pour une grande part négativement ces deux catégories de recettes de l’État.

Dr MAMADOU ALIOU BAH, Inspecteur Principal des Impôts

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