Interview de Cellou Dalein Diallo réalisée par Saliou Bah
Lors de son séjour américain, notre rédaction a interviewé l’opposant guinéen, Cellou Diallo. Dans ce long entretien, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) parle sans détours de son parti, de sa Guinée, des législatives, des dérives du Pr Alpha Condé et aborde aussi la volonté du Collectif des partis politiques auquel l’UFDG appartient de s’opposer à toute volonté du gouvernement à modifier le code électoral et de procéder à un nouveau recensement électoral. Bonne lecture
Lejourguinee.com : Comment se déroule votre séjour aux Etats Unis ?
Cellou Dalein Diallo: Ecoutez, le moins qu’on puisse dire, ca se passe très bien. Partout nous avons été chaleureusement accueillis, aussi bien qu’à Atlanta, Chicago, Boston, Washington ou New York, ma délégation et moi avons fait l’objet d’une attention particulière de la part de nos militants et des responsables de nos différentes fédérations. Bref, le séjour a été extraordinaire.
Peut-on savoir comment se porte l’UFDG aujourd’hui ?
L’UFDG se porte très bien. Je pense que le revers que le parti a enregistré à l’issue du second tour des présidentielles a été surtout une source d’énergie, d’engagement et de détermination de la part de ses militants.
Vous êtes considéré aujourd’hui comme le chef de fil de l’opposition guinéenne. Quelles relations entretenez-vous avec les partis qui vous ont soutenu au second tour ? Est-ce qu’il y a toujours la même cohésion au sein l’Alliance Cellou Président ?
Ecoutez, c’est autour des valeurs, autour d’un certain nombre de principes que nous parvenons à maintenir cette cohésion entre nous. Je pense que la première déclaration qui a refondé l’alliance, c’est celle des dix partis qui a décidé de s’opposer à la reprise du recensement voulu par le gouvernement de Alpha Condé, ou le transfert des compétences de la CENI au MATAP. La signature de cette déclaration n’a pas requis une réunion préalable. Le projet de déclaration a circulé et tous les partis signataires se sont retrouvés dans la déclaration. Après les partis signataires se sont retrouvés pour voir comment défendre cette déclaration ou position qu’ils venaient de prendre face à un enjeu important, puisqu’il s’agit des prochaines élections législatives.
Des militaires ont perquisitionné votre domicile, votre fille a été arrêtée, molestée avant d’être libérée, vos militants, tués, arrêtés, jugés et condamnés. Pensez-vous que le pouvoir cherche un affrontement ?
Oui, d’abord, il faut rétablir les faits. C’est le pouvoir qui a décidé de l’arrestation de mes militants, de leur jugement, mais aussi de leur condamnation. Ce qu’on constate, c’est que la justice est à la dévotion du pouvoir en place, parce qu’il n’y avait aucun élément qui pouvait justifier la condamnation de ces prévenus. Ces gens qu’on a arrêtés dont le seul crime, pour certains, c’est d’être présents à l’aéroport le jour de mon retour au pays. Ce qui est déplorable dans notre pays, après ces élections qui ont suscité tant d’espoir, je pensais que l’Etat de droit allait être la règle et la justice allait garder son indépendance. Malheureusement que les instructions ont été données par le gouvernement et la justice n’a pu se dérober. Elle n’a pas pu juger en toute indépendance. Ces militants de l’UFDG condamnés sont devenus aujourd’hui les premiers prisonniers politiques du règne d’Alpha Condé
Des militaires qui étaient désignés pour assurer votre protection, ont été arrêtés et condamnés. Et nous venons d’apprendre qu’ils ont été radiés des rangs. A quoi joue le pouvoir guinéen selon vous ? Car, selon les accords de Ouagadougou, ces militaires avaient été affectés pour assurer votre sécurité.
Oui c’est l’arbitraire. Je suis vraiment profondément choqué, indigné devant cette injustice. Cet arbitraire devant des agents de sécurité détachés par une note auprès du candidat que j’étais pour assurer ma protection, ceux-ci n’ont jamais été rappelés ni par une note, ni par un coup de téléphone par un autre moyen, ils ont continué à rester à mes cotés jusqu’au jour ou je devais rentrer de Dakar, ils ont été appréhendés comme des manifestants et ils ont été condamnés à une peine de prison ferme de deux ans. Je viens d’apprendre avec beaucoup d’indignation qu’ils ont été radiés des effectifs de l’armée. C’est une injustice intenable, parce que ces jeunes étaient en mission, ils étaient à l’aéroport non pas comme manifestants, mais pour accomplir leur mission qui est d’assurer ma sécurité.
Pensez-vous que le pouvoir veut forcer à l’exil ?
Non, je ne pense pas parce que je ne veux pas être en exil. C’est que tous mes agents de sécurité aujourd’hui sont arrêtés, injustement jugés et condamnés. Ils sont en prison. Je n’ai pas de sécurité. Il va falloir, naturellement, chercher d’autres hommes et peut être que ceux-ci aussi feront l’objet du même traitement, parce qu’on ne peut pas justifier l’arrestation et la condamnation des gens qui sont chargés d’assurer ma sécurité. Je suis quand même un responsable de parti, le plus grand parti du pays par les résultats que j’ai obtenus au premier tour. On ne peut pas dire que je suis quelqu’un qui ne mérite pas d’avoir une sécurité. Pourquoi ils ont voulu me dépouiller de cette sécurité ? Je ne sais pas quelles sont les intentions du gouvernement. Tout le monde s’interroge là-dessus, parce qu’aujourd’hui si je viens il me recherchera une nouvelle sécurité. Mais je n’envisage pas rester à l’étranger et compte rentrer dans mon pays et continuer mon combat politique.
Certains de vos militants pensent qu’il est l’heure que vous commenciez à répondre aux multiples provocations du pouvoir, car, estiment-ils, le président Alpha Condé n’est pas un partisan de la paix et de quiétude sociale.
Je suis d’accord avec ceux qui pensent qu’Alpha se livre à des provocations. D’abord l’interdiction de la réception que les militants de l’UFDG ont voulu me réserver. Comment un Alpha Condé qui passait tout son temps à l’extérieur à l’occasion de chacun de ses retours, il faisait l’objet d’un accueil de ses militants et on l’accompagnait jusqu’à chez lui, sous tous les régimes de Conté, Dadis ou de Sekouba, personne n’a empêché ses militants de le recevoir. Comment peut-il violer la constitution en interdisant que les militants de l’UFDG ne reçoivent leur président, procéder à l’arrestation massive de ceux qui étaient sortis pour m’accueillir, arrêter des enfants de 8 ans, 10 ans, des femmes, les condamner, prés de cinquante condamnations aux tribunaux de Dixixn et de Mafanco. Ce n’est pas vraiment à cela qu’on s’attendait. Je suis déchu à plusieurs égards par le comportement de ce régime.
Quel doit être le rôle de l’opposition ? Se mettre à la défensive ou à l’offensive face au pouvoir en place?
Je pense qu’il faut maintenant se mettre à l’offensive face à ce pouvoir, parce que l’opinion nationale a eu suffisamment le temps de constater que les engagements qui ont été pris ne sont plus respectés. L’Etat de droit n’était qu’un rêve, n’était qu’un slogan de campagne. Aucun effort pour respecter les engagements pris lors de la campagne, d’instaurer l’Etat de droit, de renforcer les acquis démocratiques, d’accroitre l’espace de liberté des citoyens, de respecter les droits de l’homme. Aujourd’hui, tous les rêves, naturellement, sont déchus. Je pense que les Guinéens doivent refuser l’instauration d’une nouvelle dictature dans notre pays, par tous les moyens légaux. Il faut qu’on s’organise, qu’on refuse, on ne peut plus laisser Alpha Condé instaurer de nouveau une nouvelle dictature dans notre pays. On a consenti suffisamment de sacrifices pour ne pas mériter un système de cette nature.
Vous avez été récipiendaires de plusieurs prix offerts partout à travers le monde. Pour vous cela est dû à quoi ? A votre sagesse ?
Ecoutez, les gens ont apprécié, sans doute, le fait que par l’acceptation des résultats proclamés par la Cour suprême, nous avons accepté d’éviter à la Guinée des violences qui auraient débouché sur une guerre civile qui allait faire suffisamment de dégâts aussi bien sur le plan humain que sur le plan matériel. L’exemple de la Côte d’Ivoire est là. Donc, je n’ai pas pris cette décision pour recevoir des hommages et distinctions, j’ai pris cette décision pour sauver la Guinée parce que je suis un Guinéen attaché à la paix et à l’unité de mon pays. C’est toute la Guinée qui m’intéresse, son avenir, c’est la sécurité des Guinéens, c’est leur bien-être, c’est leur bonheur, c’est leur dignité, c’est leur droit qui m’intéresse. Je pensais qu’en refusant de me soumettre à la décision de la cour suprême cela aurait déclenché des violences qui auraient pu conduire le pays vers la guerre civile. Donc c’est ce que j’ai voulu éviter. Bien entendu, je ne suis pas indifférent, du fait que des grandes personnalités de ce monde me rendent hommage, me décernent parfois des distinctions, mais je n’ai pas fait pour cela.
Recensement, l’établissement d’une nouvelle liste électorale, la réforme de la CENI ou la volonté du ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation de s’arroger les prérogatives de la Ceni, ont soulevé des remous au sein de l’opposition. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour empêcher le pouvoir de procéder à cette volonté ?
Nous sommes en concertation au niveau des dix huit partis qui ont décidé de s’opposer au tripatouillage du fichier électoral. Nous allons donc prendre des décisions ensemble et nous allons les mettre en œuvre, et vous ne serez pas déchu, on refusera que le recensement soit repris entièrement
Quels sont les actes posés par le président Alpha Condé, depuis son élection, que vous appréciez ou vous applaudissez ?
Je suis beaucoup plus porté, en tant qu’opposition, vers les critiques que vers les applaudissements. Je pense que la suppression des barrages est une bonne chose. Mais il y a beaucoup de choses que je déplore. Je suis vraiment très peiné de voir Alpha Condé porté beaucoup plus vers les règlements de compte, vers la violation de la constitution et les textes de loi que vers le respect, naturellement, des règles d’un Etat de droit. C’est ça qui me préoccupe et je constate qu’il n’est pas pressé d’aller aux élections législatives et surtout qu’il tient à s’approprier, à donner à son gouvernement les prérogatives dévolues à la CENI en matière d’organisation d’élections. Je pense que tout ça est vraiment décevant pour mon peuple et les acteurs politiques que nous sommes.
Le Général Facinet Touré vient de faire une sortie, qui a surpris plus d’un, stigmatiser toute une ethnie dans le jeu politique du pays. Jusque-là l’UFDG n’a fait aucune déclaration, du moins qu’on se rappelle, condamnant ce médiateur de la République. Mais pourquoi vous n’avez pas demandé le départ pur et simple de ce dernier à la tête de cette importante institution ? Ne s’est-il pas disqualifié avec cette déclaration ?
Oui, l’UFDG a réagi. Chaque fois que moi j’ai accordé une interview, j’ai abordé cette question et j’ai réitéré la position de l’UFDG.J e pense que c’est contraire aux principes republicains, c’est contraire aux principes de la démocratie et surtout c’est un viol de manière flagrante de la constitution du pays.
Pensez-vous qu’il doit maintenant partir ?
Non seulement, il doit partir mais aussi être poursuivi. On ne peut laisser des comportements et ces genres de propos impunis parce que demain, on risque encore d’avoir des attitudes, des propos ou des actes qui vont dans le sens de la destruction et de l’affaiblissement de l’unité nationale. Or, la constitution a essayé de défendre les principes et les règles démocratiques, les principes et les règles de la république et surtout de consolider l’unité nationale. Lorsque quelqu’un, un citoyen va à l’encontre des dispositions de la loi et de la constitution et essaye de diviser la Guinée en favorisant la partition et la discrimination entre les ethnies, il doit répondre devant les tribunaux. Je pense que le Gl Facinet devait être interpellé, non seulement par Alpha Condé lui-même en tant que président de la République, mais aussi par les tribunaux guinéens, parce qu’il touche à quelque chose qui, à mes yeux, est sacré, l’unité de la République et le respect de la constitution du pays.
Un collectif de partis politiques dont l’UFDG vient de rejeter l’invitation du ministre Alhassane Condé. Les partisans du pouvoir crient au refus de dialoguer de votre part. Est-ce une simple manœuvre politique que vous refusez de cautionner ou un refus de dialoguer ?
Nous refusons les manœuvres politiques, nous avons toujours réclamé un dialogue franc et responsable que tous les acteurs politiques, avec le gouvernement, avec la CENI, avec le CNT que chacun joue son rôle en n’usurpant pas le rôle de l’autre. Chacun dans son statut pour qu’on se retrouve, qu’on examine les conditions d’organisation d’une élection législative libre et transparente. Qu’on identifie ensemble des actions à mener, qu’on décide ensemble de la manière dont ces actions doivent être menées, qui fait quoi et nous nous mettons d’accord sur un calendrier. C’est le consensus qui a été toujours recherché dans la conduite de cette transition. Maintenant que Alpha Condé est au pouvoir, il ne veut plus de dialogue, il veut décider tout seul et les acteurs politiques apprennent seulement par les medias que telle décision est prise et qui concerne par exemple les élections législatives. Alors que par tradition et par obligation, on devrait se retrouver pour savoir qu’est-ce qu’on fait, parce que ce pays nous appartient tous, et l’organisation des élections législatives, des élections libres et transparentes nous intéresse tous. Il n’appartient pas à quelqu’un de déterminer les conditions à réunir pour organiser ces élections. Puisque les textes, e code electoral, la constitution ont reconnu à la CENI les prérogatives d’organiser ces élections, d’établir et de réviser le fichier électoral et de fixer le calendrier des élections. Ce n’est pas au gouvernement de le faire, c’est à la CENI et donc nous exigeons que chaque structure, que chaque institution joue son rôle et que les parties prenantes aux élections se retrouvent dans un cadre vraiment serein. Malheureusement de l’autre côté, ils ne veulent pas dialoguer, ils veulent souvent faire semblant lorsque les uns et les autres les reprochent de ne pas faire du dialogue, ils veulent créer des rencontres comme pour valider des décisions qu’ils ont déjà prises sans qu’une discussion sincère n’ait lieu auparavant.
Si le président Alpha Condé, vous appelait demain pour demander conseils, quels vont être ces conseils que vous allez lui prodiguer ?
Le premier conseil que je lui donnerais, c’est d’abord de respecter la loi. Je pense que la loi doit être sacrée pour quelqu’un qui veut instaurer un Etat de droit. Le changement doit se faire surtout par l’exemple donné par le premier responsable du pays, qui doit donner l’exemple de son attachement à la loi, aux règles et aux procédures. C’est en ce moment et en ce moment seulement qu’il pourra l’imposer aux autres. Or la Guinée souffre de dérogations, chaque pouvoir s’octroie de dérogations pour contourner la loi. Mais si on veut que la Guinée change, on doit commencer par soumettre tous les citoyens au respect de la loi. Le président de la république a des prérogatives lorsqu’il nomme un préfet par exemple, quelle que soit la qualité du préfet, l’opposition n’a rien à dire, c’est à sa discrétion de choisir un citoyen et le nommer préfet. Mais lorsqu’il dissout un conseil communal, il met à la place une délégation spéciale, alors que ce n’est pas dans ses prérogatives, ce n’est pas dans ses attributions, naturellement nous dénonçons. Donc, je demanderais à Alpha Condé de respecter la loi, de respecter la constitution. Je lui demanderais de mener une politique crédible de réconciliation. C’est celle qui restaure la confiance entre les gouvernants et les gouvernés, entre les différentes communautés composant notre pays et d’éviter de s’acharner contre un groupe particulier ou contre un individu parce qu’il a été son opposant. Il doit se montrer le président de tous les Guinéens, soucieux, naturellement de la cohérence entre les citoyens de ce pays.
Malheureusement, dans son comportement, ni en terme de démocratie, ni en terme d’Etat de droit, ni en terme de bonne gouvernance, nous n’avons vu aucun changement. Nous continuons de vivre les mêmes méthodes, les mêmes faiblesses de ce qu’il dénonçait hier en tant qu’opposant. C’est vraiment dommage pour notre pays. Il faut qu’il change et le changement doit commencer, je dis bien, par le respect de la loi, le respect des règles et des procédures.
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Il faut que chacun apporte sa contribution à la construction du pays, à la réconciliation du pays, à l’instauration de la démocratie en Guinée. Il faut que les Guinéens se départissent d’un certain nombre de préjugés, de nature ethnique et tribaliste pour se moderniser dans leur mentalité, dans leurs actes, dans leur comportement. Juger l’homme par son comportement, ses actes, son éducation, sa valeur et abandonner le tribalisme et l’ethnocentrisme afin qu’on fasse de la Guinée une famille, ou le seul critère, c’est les actes de l’homme, sa compétence, sa valeur intrinsèque
Merci El Hadj Cellou Dalein Diallo, je vous souhaite un bon retour au pays.
Propos recueillis par
Saliou Bah.
Lejourguinee.com
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Lejourguinee.com : Comment se déroule votre séjour aux Etats Unis ?
Cellou Dalein Diallo: Ecoutez, le moins qu’on puisse dire, ca se passe très bien. Partout nous avons été chaleureusement accueillis, aussi bien qu’à Atlanta, Chicago, Boston, Washington ou New York, ma délégation et moi avons fait l’objet d’une attention particulière de la part de nos militants et des responsables de nos différentes fédérations. Bref, le séjour a été extraordinaire.
Peut-on savoir comment se porte l’UFDG aujourd’hui ?
L’UFDG se porte très bien. Je pense que le revers que le parti a enregistré à l’issue du second tour des présidentielles a été surtout une source d’énergie, d’engagement et de détermination de la part de ses militants.
Vous êtes considéré aujourd’hui comme le chef de fil de l’opposition guinéenne. Quelles relations entretenez-vous avec les partis qui vous ont soutenu au second tour ? Est-ce qu’il y a toujours la même cohésion au sein l’Alliance Cellou Président ?
Ecoutez, c’est autour des valeurs, autour d’un certain nombre de principes que nous parvenons à maintenir cette cohésion entre nous. Je pense que la première déclaration qui a refondé l’alliance, c’est celle des dix partis qui a décidé de s’opposer à la reprise du recensement voulu par le gouvernement de Alpha Condé, ou le transfert des compétences de la CENI au MATAP. La signature de cette déclaration n’a pas requis une réunion préalable. Le projet de déclaration a circulé et tous les partis signataires se sont retrouvés dans la déclaration. Après les partis signataires se sont retrouvés pour voir comment défendre cette déclaration ou position qu’ils venaient de prendre face à un enjeu important, puisqu’il s’agit des prochaines élections législatives.
Des militaires ont perquisitionné votre domicile, votre fille a été arrêtée, molestée avant d’être libérée, vos militants, tués, arrêtés, jugés et condamnés. Pensez-vous que le pouvoir cherche un affrontement ?
Oui, d’abord, il faut rétablir les faits. C’est le pouvoir qui a décidé de l’arrestation de mes militants, de leur jugement, mais aussi de leur condamnation. Ce qu’on constate, c’est que la justice est à la dévotion du pouvoir en place, parce qu’il n’y avait aucun élément qui pouvait justifier la condamnation de ces prévenus. Ces gens qu’on a arrêtés dont le seul crime, pour certains, c’est d’être présents à l’aéroport le jour de mon retour au pays. Ce qui est déplorable dans notre pays, après ces élections qui ont suscité tant d’espoir, je pensais que l’Etat de droit allait être la règle et la justice allait garder son indépendance. Malheureusement que les instructions ont été données par le gouvernement et la justice n’a pu se dérober. Elle n’a pas pu juger en toute indépendance. Ces militants de l’UFDG condamnés sont devenus aujourd’hui les premiers prisonniers politiques du règne d’Alpha Condé
Des militaires qui étaient désignés pour assurer votre protection, ont été arrêtés et condamnés. Et nous venons d’apprendre qu’ils ont été radiés des rangs. A quoi joue le pouvoir guinéen selon vous ? Car, selon les accords de Ouagadougou, ces militaires avaient été affectés pour assurer votre sécurité.
Oui c’est l’arbitraire. Je suis vraiment profondément choqué, indigné devant cette injustice. Cet arbitraire devant des agents de sécurité détachés par une note auprès du candidat que j’étais pour assurer ma protection, ceux-ci n’ont jamais été rappelés ni par une note, ni par un coup de téléphone par un autre moyen, ils ont continué à rester à mes cotés jusqu’au jour ou je devais rentrer de Dakar, ils ont été appréhendés comme des manifestants et ils ont été condamnés à une peine de prison ferme de deux ans. Je viens d’apprendre avec beaucoup d’indignation qu’ils ont été radiés des effectifs de l’armée. C’est une injustice intenable, parce que ces jeunes étaient en mission, ils étaient à l’aéroport non pas comme manifestants, mais pour accomplir leur mission qui est d’assurer ma sécurité.
Pensez-vous que le pouvoir veut forcer à l’exil ?
Non, je ne pense pas parce que je ne veux pas être en exil. C’est que tous mes agents de sécurité aujourd’hui sont arrêtés, injustement jugés et condamnés. Ils sont en prison. Je n’ai pas de sécurité. Il va falloir, naturellement, chercher d’autres hommes et peut être que ceux-ci aussi feront l’objet du même traitement, parce qu’on ne peut pas justifier l’arrestation et la condamnation des gens qui sont chargés d’assurer ma sécurité. Je suis quand même un responsable de parti, le plus grand parti du pays par les résultats que j’ai obtenus au premier tour. On ne peut pas dire que je suis quelqu’un qui ne mérite pas d’avoir une sécurité. Pourquoi ils ont voulu me dépouiller de cette sécurité ? Je ne sais pas quelles sont les intentions du gouvernement. Tout le monde s’interroge là-dessus, parce qu’aujourd’hui si je viens il me recherchera une nouvelle sécurité. Mais je n’envisage pas rester à l’étranger et compte rentrer dans mon pays et continuer mon combat politique.
Certains de vos militants pensent qu’il est l’heure que vous commenciez à répondre aux multiples provocations du pouvoir, car, estiment-ils, le président Alpha Condé n’est pas un partisan de la paix et de quiétude sociale.
Je suis d’accord avec ceux qui pensent qu’Alpha se livre à des provocations. D’abord l’interdiction de la réception que les militants de l’UFDG ont voulu me réserver. Comment un Alpha Condé qui passait tout son temps à l’extérieur à l’occasion de chacun de ses retours, il faisait l’objet d’un accueil de ses militants et on l’accompagnait jusqu’à chez lui, sous tous les régimes de Conté, Dadis ou de Sekouba, personne n’a empêché ses militants de le recevoir. Comment peut-il violer la constitution en interdisant que les militants de l’UFDG ne reçoivent leur président, procéder à l’arrestation massive de ceux qui étaient sortis pour m’accueillir, arrêter des enfants de 8 ans, 10 ans, des femmes, les condamner, prés de cinquante condamnations aux tribunaux de Dixixn et de Mafanco. Ce n’est pas vraiment à cela qu’on s’attendait. Je suis déchu à plusieurs égards par le comportement de ce régime.
Quel doit être le rôle de l’opposition ? Se mettre à la défensive ou à l’offensive face au pouvoir en place?
Je pense qu’il faut maintenant se mettre à l’offensive face à ce pouvoir, parce que l’opinion nationale a eu suffisamment le temps de constater que les engagements qui ont été pris ne sont plus respectés. L’Etat de droit n’était qu’un rêve, n’était qu’un slogan de campagne. Aucun effort pour respecter les engagements pris lors de la campagne, d’instaurer l’Etat de droit, de renforcer les acquis démocratiques, d’accroitre l’espace de liberté des citoyens, de respecter les droits de l’homme. Aujourd’hui, tous les rêves, naturellement, sont déchus. Je pense que les Guinéens doivent refuser l’instauration d’une nouvelle dictature dans notre pays, par tous les moyens légaux. Il faut qu’on s’organise, qu’on refuse, on ne peut plus laisser Alpha Condé instaurer de nouveau une nouvelle dictature dans notre pays. On a consenti suffisamment de sacrifices pour ne pas mériter un système de cette nature.
Vous avez été récipiendaires de plusieurs prix offerts partout à travers le monde. Pour vous cela est dû à quoi ? A votre sagesse ?
Ecoutez, les gens ont apprécié, sans doute, le fait que par l’acceptation des résultats proclamés par la Cour suprême, nous avons accepté d’éviter à la Guinée des violences qui auraient débouché sur une guerre civile qui allait faire suffisamment de dégâts aussi bien sur le plan humain que sur le plan matériel. L’exemple de la Côte d’Ivoire est là. Donc, je n’ai pas pris cette décision pour recevoir des hommages et distinctions, j’ai pris cette décision pour sauver la Guinée parce que je suis un Guinéen attaché à la paix et à l’unité de mon pays. C’est toute la Guinée qui m’intéresse, son avenir, c’est la sécurité des Guinéens, c’est leur bien-être, c’est leur bonheur, c’est leur dignité, c’est leur droit qui m’intéresse. Je pensais qu’en refusant de me soumettre à la décision de la cour suprême cela aurait déclenché des violences qui auraient pu conduire le pays vers la guerre civile. Donc c’est ce que j’ai voulu éviter. Bien entendu, je ne suis pas indifférent, du fait que des grandes personnalités de ce monde me rendent hommage, me décernent parfois des distinctions, mais je n’ai pas fait pour cela.
Recensement, l’établissement d’une nouvelle liste électorale, la réforme de la CENI ou la volonté du ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation de s’arroger les prérogatives de la Ceni, ont soulevé des remous au sein de l’opposition. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour empêcher le pouvoir de procéder à cette volonté ?
Nous sommes en concertation au niveau des dix huit partis qui ont décidé de s’opposer au tripatouillage du fichier électoral. Nous allons donc prendre des décisions ensemble et nous allons les mettre en œuvre, et vous ne serez pas déchu, on refusera que le recensement soit repris entièrement
Quels sont les actes posés par le président Alpha Condé, depuis son élection, que vous appréciez ou vous applaudissez ?
Je suis beaucoup plus porté, en tant qu’opposition, vers les critiques que vers les applaudissements. Je pense que la suppression des barrages est une bonne chose. Mais il y a beaucoup de choses que je déplore. Je suis vraiment très peiné de voir Alpha Condé porté beaucoup plus vers les règlements de compte, vers la violation de la constitution et les textes de loi que vers le respect, naturellement, des règles d’un Etat de droit. C’est ça qui me préoccupe et je constate qu’il n’est pas pressé d’aller aux élections législatives et surtout qu’il tient à s’approprier, à donner à son gouvernement les prérogatives dévolues à la CENI en matière d’organisation d’élections. Je pense que tout ça est vraiment décevant pour mon peuple et les acteurs politiques que nous sommes.
Le Général Facinet Touré vient de faire une sortie, qui a surpris plus d’un, stigmatiser toute une ethnie dans le jeu politique du pays. Jusque-là l’UFDG n’a fait aucune déclaration, du moins qu’on se rappelle, condamnant ce médiateur de la République. Mais pourquoi vous n’avez pas demandé le départ pur et simple de ce dernier à la tête de cette importante institution ? Ne s’est-il pas disqualifié avec cette déclaration ?
Oui, l’UFDG a réagi. Chaque fois que moi j’ai accordé une interview, j’ai abordé cette question et j’ai réitéré la position de l’UFDG.J e pense que c’est contraire aux principes republicains, c’est contraire aux principes de la démocratie et surtout c’est un viol de manière flagrante de la constitution du pays.
Pensez-vous qu’il doit maintenant partir ?
Non seulement, il doit partir mais aussi être poursuivi. On ne peut laisser des comportements et ces genres de propos impunis parce que demain, on risque encore d’avoir des attitudes, des propos ou des actes qui vont dans le sens de la destruction et de l’affaiblissement de l’unité nationale. Or, la constitution a essayé de défendre les principes et les règles démocratiques, les principes et les règles de la république et surtout de consolider l’unité nationale. Lorsque quelqu’un, un citoyen va à l’encontre des dispositions de la loi et de la constitution et essaye de diviser la Guinée en favorisant la partition et la discrimination entre les ethnies, il doit répondre devant les tribunaux. Je pense que le Gl Facinet devait être interpellé, non seulement par Alpha Condé lui-même en tant que président de la République, mais aussi par les tribunaux guinéens, parce qu’il touche à quelque chose qui, à mes yeux, est sacré, l’unité de la République et le respect de la constitution du pays.
Un collectif de partis politiques dont l’UFDG vient de rejeter l’invitation du ministre Alhassane Condé. Les partisans du pouvoir crient au refus de dialoguer de votre part. Est-ce une simple manœuvre politique que vous refusez de cautionner ou un refus de dialoguer ?
Nous refusons les manœuvres politiques, nous avons toujours réclamé un dialogue franc et responsable que tous les acteurs politiques, avec le gouvernement, avec la CENI, avec le CNT que chacun joue son rôle en n’usurpant pas le rôle de l’autre. Chacun dans son statut pour qu’on se retrouve, qu’on examine les conditions d’organisation d’une élection législative libre et transparente. Qu’on identifie ensemble des actions à mener, qu’on décide ensemble de la manière dont ces actions doivent être menées, qui fait quoi et nous nous mettons d’accord sur un calendrier. C’est le consensus qui a été toujours recherché dans la conduite de cette transition. Maintenant que Alpha Condé est au pouvoir, il ne veut plus de dialogue, il veut décider tout seul et les acteurs politiques apprennent seulement par les medias que telle décision est prise et qui concerne par exemple les élections législatives. Alors que par tradition et par obligation, on devrait se retrouver pour savoir qu’est-ce qu’on fait, parce que ce pays nous appartient tous, et l’organisation des élections législatives, des élections libres et transparentes nous intéresse tous. Il n’appartient pas à quelqu’un de déterminer les conditions à réunir pour organiser ces élections. Puisque les textes, e code electoral, la constitution ont reconnu à la CENI les prérogatives d’organiser ces élections, d’établir et de réviser le fichier électoral et de fixer le calendrier des élections. Ce n’est pas au gouvernement de le faire, c’est à la CENI et donc nous exigeons que chaque structure, que chaque institution joue son rôle et que les parties prenantes aux élections se retrouvent dans un cadre vraiment serein. Malheureusement de l’autre côté, ils ne veulent pas dialoguer, ils veulent souvent faire semblant lorsque les uns et les autres les reprochent de ne pas faire du dialogue, ils veulent créer des rencontres comme pour valider des décisions qu’ils ont déjà prises sans qu’une discussion sincère n’ait lieu auparavant.
Si le président Alpha Condé, vous appelait demain pour demander conseils, quels vont être ces conseils que vous allez lui prodiguer ?
Le premier conseil que je lui donnerais, c’est d’abord de respecter la loi. Je pense que la loi doit être sacrée pour quelqu’un qui veut instaurer un Etat de droit. Le changement doit se faire surtout par l’exemple donné par le premier responsable du pays, qui doit donner l’exemple de son attachement à la loi, aux règles et aux procédures. C’est en ce moment et en ce moment seulement qu’il pourra l’imposer aux autres. Or la Guinée souffre de dérogations, chaque pouvoir s’octroie de dérogations pour contourner la loi. Mais si on veut que la Guinée change, on doit commencer par soumettre tous les citoyens au respect de la loi. Le président de la république a des prérogatives lorsqu’il nomme un préfet par exemple, quelle que soit la qualité du préfet, l’opposition n’a rien à dire, c’est à sa discrétion de choisir un citoyen et le nommer préfet. Mais lorsqu’il dissout un conseil communal, il met à la place une délégation spéciale, alors que ce n’est pas dans ses prérogatives, ce n’est pas dans ses attributions, naturellement nous dénonçons. Donc, je demanderais à Alpha Condé de respecter la loi, de respecter la constitution. Je lui demanderais de mener une politique crédible de réconciliation. C’est celle qui restaure la confiance entre les gouvernants et les gouvernés, entre les différentes communautés composant notre pays et d’éviter de s’acharner contre un groupe particulier ou contre un individu parce qu’il a été son opposant. Il doit se montrer le président de tous les Guinéens, soucieux, naturellement de la cohérence entre les citoyens de ce pays.
Malheureusement, dans son comportement, ni en terme de démocratie, ni en terme d’Etat de droit, ni en terme de bonne gouvernance, nous n’avons vu aucun changement. Nous continuons de vivre les mêmes méthodes, les mêmes faiblesses de ce qu’il dénonçait hier en tant qu’opposant. C’est vraiment dommage pour notre pays. Il faut qu’il change et le changement doit commencer, je dis bien, par le respect de la loi, le respect des règles et des procédures.
Quel est votre plat national préféré
Le Khonkoi nun turè Mbeeli
Votre sport préféré
Le football
L’artiste guinéen que vous aimez tant écouter ?
Lama Sidibé.
Il faut que chacun apporte sa contribution à la construction du pays, à la réconciliation du pays, à l’instauration de la démocratie en Guinée. Il faut que les Guinéens se départissent d’un certain nombre de préjugés, de nature ethnique et tribaliste pour se moderniser dans leur mentalité, dans leurs actes, dans leur comportement. Juger l’homme par son comportement, ses actes, son éducation, sa valeur et abandonner le tribalisme et l’ethnocentrisme afin qu’on fasse de la Guinée une famille, ou le seul critère, c’est les actes de l’homme, sa compétence, sa valeur intrinsèque
Merci El Hadj Cellou Dalein Diallo, je vous souhaite un bon retour au pays.
Propos recueillis par
Saliou Bah.
Lejourguinee.com
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