Réflexion sur la République fiscale de Guinée ( Par Dr Mamadou Aliou BAH)

La République fiscale est devenue une et indivisible. Pas pour longtemps d’ailleurs la constitutionalité des impôts en 2025. Mais toute l’unité fiscale devait peu à peu à y passer. Au prix d’une patiente transformation qui s’est accélérée au cours des cinq (5) dernières années, la DGI a substantiellement amélioré le niveau de mobilisation des recettes en Guinée. La collecte des recettes est passée de 6 478,27 milliards GNF en 2018 à 10 881,34 milliards GNF en 2022, soit une hausse de 68% en 5 ans et un taux d’accroissement moyen annuel de 15%. La pression fiscale découlant exclusivement de la fiscalité intérieure a ainsi évolué de 20% sur la même période, tandis que la pression fiscale globale a été de 25%. Malgré ces progrès, l’image des performances de mobilisation des recettes de la DGI reste brouillée par diverses contraintes, souvent hors de portée de la DGI, mais dont la résolution est pourtant essentielle pour bâtir un cadre transparent de collecte des impôts en Guinée. Des attentes sont exprimées en termes de « relèvement du niveau de recettes fiscales », sans que pour autant le potentiel fiscal et ses composantes ne soient connus. Il n’existe aucune étude sur la « frontière des possibles » en matière de collecte des recettes fiscales en Guinée, l’écart entre ce potentiel et les résultats actuels, la part du gap découlant des options politiques (exemptions, exonérations, autres choix d’assiette, de taux, etc.) ; la portion de l’écart relevant de l’administration douanière et enfin, celle qui incombe à l’administration fiscale. Dans ces conditions, une stratégique sérieuse de collecte des impôts est aléatoire. Dans le cas spécifique du secteur minier, il est établi que la Guinée connaitra un boom historique dans un proche à venir ; mais peu de données permettent d’anticiper dès à présent, la part des recettes fiscales additionnelles qui seraient impactées par les choix politiques et celles qui relèveraient de la maitrise des risques d’incivisme fiscal. Le FMI a indiqué que le potentiel fiscal découlant du secteur minier est compris entre 70 et 75%. Mais la quote-part de ce potentiel qui devrait être réalisée par la DGI n’est pas connue. Un tel vide est source de confusion sur le plan stratégique. L’analyse des conséquences fiscales découlant du rebasage du PIB conduit en 10% est essentielle pour optimiser la stratégie de mobilisation des recettes. Les travaux de rebasage du PIB ont conduit à un relèvement moyen de la production nationale courante de 15%, entrainant de facto une baisse de la pression fiscale antérieure du même ratio. Pourtant, aucune étude ne renseigne sur les stratégies fiscales (politique et administration) permettant d’optimiser le potentiel fiscal découlant des principaux secteurs économiques ayant porté cette embellie de la production nationale. Cette situation exerce un effet négatif sur le système fiscal en général et les efforts de collecte des recettes de la DGI en particulier. Bien qu’ayant sa partition à jouer, la DGI ne peut à elle seule prendre sérieusement en charge la problématique de la formalisation du secteur dit « informel ». Des initiatives ambitieuses sont projetées en termes d’extension du service public de l’immatriculation fiscale, mais aussi en ce qui concerne l’information des contribuables. Des outils de déclaration et de paiement adaptés à ce segment de la population fiscale sont également à l’étude. Toutefois, ces efforts ne peuvent produire leur plein effet que s’ils sont insérés dans une stratégie globale de modernisation de l’économie qui dépasse largement les capacités de la DGI. En conclusion, la décision récemment prise par le Ministre du Budget de conduire une étude rigoureuse du potentiel fiscal de la Guinée est une étape essentielle dans l’édification d’un système fiscal moderne et la consolidation de la stratégie de réforme de la DGI. Cette décision historique, qui sera mise en œuvre avec l’appui des partenaires techniques et financiers (PTF), fera de la Guinée l’un des pionniers de la sous-région dans ce domaine. Elle apportera en effet des données essentielles qui informeront de manière transparente les options de politique fiscale, mais aussi les efforts d’administration des recettes intérieures portée par la DGI. Les inégalités géographiques sont encore plus saisissantes si on les mesure par villes. En 2019, pour la taxe professionnelle, quand l’habitant de Conakry ou de Labe supportait 1 116 000 francs, le contribuable de Kankan ou de Nzérékoré ne payait que 312 000 francs. Dr MAMADOU ALIOU BAH, Inspecteur Principal des Impôts.

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