La situation de la fiscalité locale en Guinée ( Par Dr Mamadou Aliou BAH)

La fiscalité locale est constamment au cœur de l’actualité. Elle a connu nombreux bouleversements. Le paysage fiscal local a profondément évolué avec la mise en œuvre de la décentralisation. La République de Guinée, à l'instar des autres pays en voie de développement de la sous-région Ouest-africaine, avait expérimenté plusieurs modèles de développement axés sur la déconcentration du pouvoir central avant d'opter pour la démocratisation, la bonne gouvernance et la décentralisation en février 1990. Le dynamisme des dépenses locales s’explique par la décentralisation mais aussi par les choix des collectivités territoriales dans l’exercice de leurs compétences. Mais fort malheureusement, il y a une non-acceptation de l’impôt foncier par les contribuables. La non-acceptation de l’impôt foncier par les contribuables est un problème sérieux pour la DGI. L’administration de la fiscalité immobilière reste encore sous optimale, aussi bien en ce qui concerne les entreprises que s’agissant des particuliers. L’optimisation à outrance observée au niveau des grands propriétaires Fonciers qui n’acquittent presque pas de CFU sur les revenus locatifs tirés des résidences. En effet, ces entités se sont constituées en Sociétés Civiles Immobilières (SCI) et gérées au niveau des Grandes Entreprises ou des moyennes entreprises et comptabilisent les loyers encaissés en produits sur lesquels ils acquittent soit l’IS soit I/BIC. Il reste aussi à noter que les objectifs de la DEMFI ont été fixés dans l’optique que ces grands propriétaires fonciers acquitteraient la CFU sur leurs revenus locatifs. La stratégie pour 2024-2026 doit prendre en compte cette insuffisance pour adapter conséquemment la législation. La non-acceptation de l’impôt foncier (CFU) par la quasi-totalité des propriétaires occupants à titre d’habitation constitue un réel problème pour la mobilisation des recettes de la CFU. Compte tenu des contraintes budgétaires, il est urgent d’adapter notre fiscalité en la matière à la réalité tangible en optant pour une imposition forfaitaire pour cette catégorie à la place de l’évaluation administrative par comparaison. Cette méthode d’imposition au forfait proposée par la Direction de l’enregistrement et de la mission foncière immobilière, si elle est acceptée, aura pour avantage : 1)- Simplifier la procédure d’évaluation de la base imposable ; 2)- acceptation de l’impôt par les propriétaires occupant à titre d’habitation, 3)- augmentation du taux de recouvrement de la CFU. Pour le non-paiement de la CFU sur les bâtiments achevés et non mis en location par leurs propriétaires agissant à titre privé est un réel sujet de préoccupation. En effet, il faut noter que d’une manière générale, le foncier bâti et non bâti, non productif de revenus et non inscrit à l’actif d’un bilan échappent complètement à l’impôt foncier. Et pourtant, ces propriétés foncières constituent aujourd’hui des fonds de commerce pour certains qui les donnent en garantie afin d’obtenir afin d’obtenir des prêts pour financer leur commerce, construire des écoles privées ou bâtir des usines ou des fabriques. Elles alimentent aussi le marché de la spéculation foncière et surtout renchérit le coût du loyer. Il faut donc prévoir pour cette catégorie un impôt sur le patrimoine foncier (IPF) en appliquant un taux acceptable par exemple 0,1% sur la valeur cadastrale de ces propriétés foncières. A Propos de la Retenue sur les loyers ; les locataires des immeubles appartenant à l’Etat ont l’obligation de retenir 15% des loyers au titre de la CFU. Il est de même pour les redevances domaniales dues sur les baux emphytéotiques. Les retenues sur loyers opérées par le Trésor sur les paiements effectués aux propriétaires de bâtiments pris en location par l’Etat ne font pas l’objet de déclaration ni de régularisation auprès de l’Administration fiscale, avec pour conséquence la non prise en compte de ces recettes fiscales dans les réalisations de la DGI en général et de la DEMFI en particulier. Les loyers payés aux propriétaires des bâtiments occupés par les représentations diplomatique et consulaires, les institutions internationales telles UNICEF, ONUDI, Banque Mondiale, PNUD, les ONG etc… Ils ne font pas l’objet d’aucune retenue sur loyers alors que ces entités y sont tenues au regard de l’article 268 du Code Général des Impôts (CGI). Pire, les propriétaires réels de ces bâtiments ne sont pas aussi accessibles. Conséquence la CFU sur ces revenus n’est jamais déclarée ni payée. Dans cette dynamique de réforme, la fiscalité locale apparait comme un instrument de simulation du dynamisme économique mis au service des élus locaux en vue d'une amélioration des conditions de vie de leurs populations. La fiscalité immobilière en Guinée reste marquée par l’inaccessibilité des données de base sur lesquelles s’appuie la CFU. L’analyse du secteur de l’urbanisme et de l’habitat, réalisée en Guinée m’a permis de comprendre le niveau de la désorganisation de ce secteur, tant dans la structure du tissu urbain que dans le fonctionnement des services chargés de l’aménagement et de la gestion domaniale, foncière et immobilière. Dr MAMADOU ALIOU BAH, Inspecteur Principal des Impôts

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