RENCONTRE ENTRE LE MATD ET LE COLLECTIF
Note introductive
Monsieur le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation,
Mesdames et Messieurs les membres du cabinet du MATD,
Au nom du Collectif des Partis Politiques pour la Finalisation de la Transition, permettez-moi d’abord de remercier le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation pour avoir accepté ce dialogue direct avec le Collectif. Je prie Dieu d’orienter ces assises vers la prise et la mise en œuvre de décisions gagnantes pour le peuple de Guinée.
Le Collectif des Partis Politiques pour la Finalisation de la Transition, comme son nom l’indique, est un groupe de partis politiques réunis pour travailler ensemble en vue de la finalisation de la transition. Il compte vingt un (21) partis politiques.
L’objectif du Collectif est d’aller aux élections législatives libres et transparentes, dans les meilleurs délais et dans un climat apaisé. L’atteinte de cet objectif requiert que soit institué un climat de confiance entre les différents acteurs politiques fondé sur le respect strict de la loi.
Pour le Collectif, les accords de principes doivent être trouvés sur les éléments suivants : la restructuration de la CENI, la révision du fichier électoral et le rétablissement des élus locaux dans leurs fonctions. D’autres éléments de préoccupations pour le Collectif sur lesquels ce dialogue devait aussi se pencher sont la neutralité de l’administration publique dans le débat politique et l’accès égal et équitable des partis politiques du Collectif aux médias publics.
De la restructuration de la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI
Selon les articles 132 de la Constitution et 2 du code électoral, la CENI est l’institution chargée de l’organisation des élections politiques en République de Guinée.
Le Collectif estime que la volonté d’agir ou de faire agir le Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation en lieu et place de la CENI, affirmée à travers le protocole d’entente signé le 16 juin 2011 entre le MATD et la CENI, est contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution et du Code électoral. Ce protocole qui consacre le transfert au MATD des attributions de la CENI doit être annulé.
Aussi, au vu des péripéties qui ont jalonné l’élection présidentielle de 2010, le Collectif estime que les membres actuels de la CENI n’ont pas été à la hauteur de leurs missions. La CENI, en tant qu’institution, a vu sa crédibilité fortement entamée par le non respect de ses engagements et de son incapacité à tenir le chronogramme qu’elle a elle-même élaboré.
Au sein de la CENI, les relations humaines et professionnelles se sont dégradées à tel point que, pour une fois, le pays a dû recourir à un étranger pour diriger une institution nationale. La défaillance de celle-ci est l’une des raisons de la détérioration du climat politique jusqu'à ce jour. Depuis, s’est instaurée entre la CENI et certains acteurs politiques une méfiance qui ne restaure pas la confiance perdue à l’endroit des commissaires membres de l’institution.
Si nous voulons aller à des élections législatives apaisées, dans les délais raisonnables, nous devons designer des commissaires qui ont la confiance des différentes parties prenantes. Une CENI consensuelle est incontournable pour achever la transition dans la paix. C’est pourquoi le Collectif estime que la CENI doit être renouvelée conformément à la loi L/2007/013 du 29 octobre 2007 avec la restriction qu’aucun membre du bureau de la CENI actuelle ne pourra être membre du bureau de la nouvelle CENI.
Dans le cadre de ce renouvellement, et compte tenu du fait que nous sommes toujours dans la transition, qu’il soit demandé à chaque partie prenante à la CENI actuelle de proposer de nouveaux délégués en remplacement des commissaires actuels (ou qu’elle ait la latitude de remplacer ou de maintenir ses représentants actuels), cela comme l’a fait le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation en remplaçant ses représentants.
En plus, la concentration actuelle de l’attention sur le poste de Président de la CENI vient de l’étendue des pouvoirs qui lui sont conférés par le Code électoral. En vue de changer cette situation et surtout d’aller dans le sens du consensus recherché dans l’organisation et le fonctionnement de la CENI, le Collectif estime qu’il faut amender le code électoral de telle sorte que les pouvoirs décisionnels exorbitants, actuellement conférés au Président par l’article 162 du code électoral, soient transférés à une majorité qualifiée de 2/3 des membres de la CENI.
De la révision du fichier électoral
Le Collectif prend acte de la décision du Président de la République appelant à la révision de la liste électorale conformément à l’article 19 du code électoral et non le recensement intégral des électeurs initialement soutenu.
En faisant cette révision en vertu de l’article 20 du code électoral, il sera dressé un tableau rectificatif comportant :
les électeurs nouvellement inscrits en vertu de l’article 3 du code électoral, soit par la Commission Administrative, soit à la demande de tiers ;
les électeurs radiés, soit d’office par la Commission Administrative, soit à la demande des tiers ;
les électeurs ayant voté au premier tour de la présidentielle de 2010 avec les récépissés et au second tour avec les cartes alpha numériques.
L’article 21 complète la disposition précédente en indiquant les motifs de l’inscription ou de la radiation.
Ainsi, de facto, la révision ne concerne pas tout le corps électoral, mais seulement ceux qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas inscrits et ceux qui, pour une raison ou une autre, doivent être radiés. Ceux-ci sont, bien entendu, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. C’est pourquoi, tout en saluant la volonté du Président de la République de faire délivrer à tous les électeurs de carte d’identité nationale en plus de la carte d’électeur, force est de reconnaître que la non convocation de tous les électeurs ne permet pas la réalisation de ce vœu. Toutefois, cette opération de délivrance des cartes d’identité nationale peut être faite à l’occasion du recensement global de la population qui devrait avoir lieu dans les mois à venir ou, en partie, pour les travailleurs avec leur recensement biométrique qui est aussi prévu.
Il faut cependant noter que l’élaboration des listes électorales pour la révision suivant l’article 16 du code électoral doit être précédée de l’audit du fichier pour que tous les acteurs soient rassurés que le fichier qui a servi à l’élection présidentielle est bien en l’état. Cela permettrait aux électeurs qui étaient bien inscrits et dont les bureaux de vote étaient facilement accessibles, de ne pas être concernés par la révision.
Parlant de l’audit, il convient de faire remarquer qu’il était prévu par la SAGEM et le PNUD dans le cadre du processus de préparation des élections législatives. En plus, l’atelier d’évaluation de l’élection présidentielle de 2010, tenu à Kindia en mars dernier, avait fait la même recommandation.
Le Collectif recommande que lors de l’élaboration du futur décret portant organisation et fonctionnement du fichier électoral, en vertu de l’article 30 du code électoral, qu’il soit tenu compte de la cogestion dudit fichier par la majorité et l’opposition.
Du rétablissement des élus locaux dans leurs fonctions
Le Collectif note que la dissolution des conseils communaux et communautaires est en violation du code des collectivités en ses articles 80 et 100. En effet, l’article 100 dispose que « Le Conseil d'une Collectivité Locale ne peut être dissout qu'en vertu de l'article 80 de la présente loi». Et l'article 80 du code des collectivités dispose que: «Le conseil d'une Collectivité Locale dont le tiers au moins des membres ont été reconnus coupables par le tribunal d'avoir commis des crimes ou délits, peut être dissout par décret sur proposition du Ministre chargé des Collectivités Locales». Est-il besoin de rappeler qu’aucun membre des conseils communaux ou communautaires dissouts n’a été traduit en justice ou condamné par la justice.
La prise de ces Décrets de dissolution des conseils communaux ou communautaires par le Président de la République, constitue aussi une violation grave du principe de la libre administration des collectivités locales, un principe de rang constitutionnel aux termes des dispositions de l’article 136 alinéa 2 de la Constitution.
Le combat que nous avons tous mené depuis des décennies est de voir notre pays devenir un Etat de droit, respectueux de ses règles et de ses lois. C’est pourquoi le Collectif demande le rétablissement dans leurs droits de tous les élus locaux destitués afin de redonner confiance à tous les citoyens et à nos partenaires que nous sommes tous attachés au respect de la loi.
Par ailleurs, et comme annoncé plus haut, le Collectif a d’autres préoccupations qu’il juge nécessaires d’être discutées dans le cadre du présent dialogue. Ce sont notamment la neutralité de l’Administration publique dans le débat politique et l’accès égal et équitable des partis politiques du Collectif aux médias publics.
De la neutralité de l’Administration publique dans le débat politique
Le Collectif rappelle que le débat politique doit se faire entre les partis politiques et que la question du rôle de l’Administration a toujours été une préoccupation en Afrique. C’est pour y répondre que les CENI, CENA et autres structures indépendantes ont vu le jour pour l’organisation des élections.
C’est pourquoi le Collectif demande à l’Administration publique (Président de la République, Premier Ministre, Ministres, diplomates guinéens, Gouverneurs, Préfets, Sous-préfets et autres cadres) d’observer la stricte neutralité conformément à la loi en s’abstenant de participer au débat politique et au processus électoral en faveur du RPG ou de tout autre parti. En effet, l’article 26 de la constitution dispose que: « Quiconque occupe un emploi public ou exerce une fonction publique est comptable de son activité et doit respecter le principe de neutralité du service public. Il ne doit user de ses fonctions à des fins autres que l’intérêt de tous. ».
L’observation de la neutralité par l’administration publique permettra de décrisper le climat politique et social dans nos localités et ne présenterait plus les militants du Collectif comme des mauvais guinéens qui sont opposés au développement du pays.
Pour ce faire, nous appelons les autorités administratives à lever toutes les restrictions à l’exercice libre des activités politiques sur toute l’étendue du territoire.
De l’accès égal et équitable des partis politiques du Collectif aux medias publics
Actuellement, les medias publics sont les seuls organes d’information et de communication qui couvrent l’ensemble du territoire national. Ils jouent un rôle prépondérant dans la formation des opinions des citoyens. La non couverture de l’essentiel de nos activités et la non diffusion de la quintessence de nos messages par les médias publics créent une concurrence déloyale entre la majorité présidentielle et le Collectif. C’est pourquoi nous réclamons plus d’équité et de justice entre les acteurs politiques et le respect de la charte des partis politiques en la matière.
Pour terminer, nous vous réaffirmons notre détermination à apporter notre contribution à l’édification d’une Guinée unie, démocratique et prospère, dans la sérénité et la paix.
Je vous remercie.
Pour le Collectif des Partis politiques pour la Finalisation de la Transition
Conakry, le 17 Aout 2011.
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